L’étoile jaune, de la fantaisie à l’imposture

 

 

 

 

 

La décision de marquer les Juifs d’un signe distinctif pendant la Seconde Guerre mondiale constitue une étape dans la politique de destruction des Juifs d’Europe. La mesure a pour but d’assurer un meilleur contrôle de cette population.

Elle vient à la suite d’un train de mesures législatives (recensement, interdictions d’exercer certaines professions, ségrégation dans l’espace public…). Elle vise en outre à inspirer un sentiment de rejet à l’égard d’une partie de la population, prise pour cible par l’ensemble des médias.

Marquer pour exclure

Le marquage est d’abord imposé en 1939 dans la partie européenne sous contrôle nazi et, pour commencer, en Pologne. Par la suite, la disposition est étendue aux autres territoires occupés par le Reich et à ses alliés : Croatie, pays baltes, Roumanie…

Il emprunte diverses formes (brassard…) mais reproduit généralement une étoile de David. En Allemagne, le port obligatoire est imposé par décret daté le 19 septembre 1941 : les Juifs d’Allemagne, d’Autriche, de Bohême-Moravie et d’Alsace-Moselle doivent arborer une étoile avec la mention « Jude » imprimée au centre du symbole.

Les Juifs d’Europe occidentale sont frappés à leur tour au printemps 1942. Le 4 mars 1942, une conférence tenue à Berlin a décidé l’introduction de la mesure aux Pays-Bas, en Belgique et en France. Dans ce dernier pays, le port obligatoire de l’étoile en zone occupée est promulgué le 29 mai 1942 par le Militärbefehlshaber in Frankreich (commandement militaire en France).

La huitième ordonnance antijuive est rendue publique le 31 mai par voie de presse, d’affichage et de radio. Elle entre en vigueur le 7 juin. Les Juifs de la zone occupée sont tenus de se rendre dans les commissariats pour retirer leur étoile, en échange d’un point de carte textile, qu’ils devront coudre sur leur vêtement. On notera qu’après l’invasion allemande de la zone Sud (11 novembre 1942), le gouvernement de Vichy s’opposera à l’application de la mesure dans cette partie du territoire. La mention « Juif » sera en revanche tamponnée à l’encre rouge sur les papiers d’identité et les cartes d’alimentation.

Étoiles fantaisistes

Quelques jours avant l’entrée en vigueur de la loi, des rumeurs circulent sur de possibles réactions hostiles contre le port de l’étoile.

Les autorités allemandes donnent des instructions à la préfecture de police afin que soient réprimées toutes manifestations d’opposition, de la part des Juifs et des non Juifs. Ces mesures de répression fonctionnent dès le 6 juin, date à laquelle surviennent les premières arrestations.

Elles se poursuivent les jours suivants, frappant celles et ceux qui arborent, solidairement, une étoile réglementaire ou une étoile qu’ils ont confectionnée eux-mêmes et qui comportent une mention fantaisiste : « zazou », « swing », « Auvergnat », « INRI »…

Au total, trente-cinq personnes sont arrêtées entre le 6 et le 10 juin 1942. Celles qui ont moins de 18 ans sont placées en garde à vue puis conduites à la Gestapo où elles sont admonestées et relâchées. Les autres vont être internées pendant trois mois, les hommes au camp de Drancy, les femmes au camp des Tourelles. Sur leur vêtement doit être cousu le bandeau « Ami[e] des Juifs ».

Cette résistance fut de courte durée en raison de la répression sévère qui s’abattit sur ceux qui voulaient ostensiblement faire acte de solidarité. Il y a eu de nombreux autres gestes en direction des persécutés, en France et dans les autres pays où le marquage fut imposé.

Notons enfin que l’imposition du port de l’étoile en zone occupée survint deux mois après le départ du premier convoi de déportation, à destination du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. 78 devaient suivre.

La fin ne justifie pas les moyens

Une analogie inepte voudrait que les « musulmans d’aujourd’hui » soient les « Juifs d’hier ». Les « Juifs d’hier » : un concept flou, mal défini mais bien pratique, qui abuse de l’Histoire à des fins idéologiques autant qu’il relègue aux oubliettes, sinon à l’arrière-plan, un antisémitisme toujours actuel et bien meurtrier.

En ces temps où les théories du complot, les infox et où, d’une manière générale, tout peut être dit sans honte (ou presque), on doit rappeler que la notion d’ « islamophobie » continue à faire l’objet de critiques légitimes: les formuler n’est pas synonyme d’insensibilité à la réalité du racisme anti-musulmans ou d’appartenance à la « fachosphère ».

L’urgence de combattre la stigmatisation n’autorise cependant pas à fermer les yeux sur l’enjeu de la terminologie pas plus qu’elle ne justifie la comparaison perverse sous l’aspect d’une fausse évidence. Son martèlement médiatique ne la rend pas plus juste.

Refuser l’imposture

Par – au moins – deux fois ces dernières années, et sans grand succès, les citoyens ont été invités à arborer une étoile verte : en 2004, à l’initiative du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) et en mars 2011, lorsqu’un ex-conseiller de l’Élysée chargé de la Diversité, Abderahmane Dahmane, a appelé les musulmans à porter « une étoile verte » en signe de protestation contre le débat sur l’islam voulu par l’Union pour un mouvement populaire (UMP). Par deux fois, il y avait là un détournement qui, pas plus qu’aujourd’hui, ne rendait service à la lutte contre le racisme.

L’objection selon laquelle l’étoile arborée par des participants à la manifestation du 10 novembre « contre l’islamophobie » n’aurait que cinq branches fait le jeu du relativisme en choisissant l’interprétation littérale : pour que le symbole soit critiquable, il eut fallu une reproduction graphique à l’identique de la mesure infâme imposée aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale…

Certains codes graphiques ont pourtant acquis avec l’Histoire un statut qui interdit les usages et mésusages. Que des politiques et des universitaires puissent cautionner l’amalgame sans rougir doit faire réfléchir : l’ère de post-vérité dans laquelle nous paraissons si souvent flotter est propice aux manipulations les plus éhontées de l’Histoire et à des procédés qui, eux, font effectivement le lit des dictatures.

Les étoiles fantaisistes de 1942 témoignaient d’une solidarité forte et courageuse. Celles de 2019 relèvent de l’imposture et d’une volonté de substitution et de surenchère dans la souffrance qu’il faut refuser.

Emmanuel Debono

(Pour les éléments historiques  : d’après un texte que j’avais rédigé pour l’USC Shoah Foundation en 2011. Concernant les étoiles fantaisistes, on se reportera au très beau livre de Cédric Gruat et de Cécile Leblanc, Amis des Juifs. Les résistants aux étoiles, Paris, Éditions Tirésias, 2005).

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Élie de Paris

Il me souvient que certains « merdias », ceux qui nous « haiment », s’étaient amusés à qualifier (un comble) les faklestiniens de David, et les Ysraeliens de Goliath…
Ben voui, pour les ignorants crasse, ça passe..
On les a connu, nous autres, les rouelles et autres chapeaux pointus.
Une étoile de shérif, à 5,6,7, ou 8 branches, tant qu’elle est jaune et portée sur la poitrine, on sait bien ce qu’elle évoque !
Et même s’il y a une faute dans ce qui s’y lit !
Cette pure horreur voudrait poser une comparaison entre le sort de nos parents et grands parents, pour qui cette distinction horrorifique signifiait qu’ils étaient sur la « liste », et que seuls les problèmes techniques retardaient leur « tour »…
Que des Juifs, ou des intellectuels se soient associés à cette manifestation ne fait que confirmer leur participation active au procédé mis en œuvre en 1942, celui où 10 millions de Juifs (oui oui 10!) connurent un sort pire que celui décrié dans les abattoirs dénoncés…
Ces associés auront perdu plus que leur vie.
Leur âme.
Au portail du Passage, Dieu reconnait les Siens. Juifs ou pas.

jac

la duplicité a toujours été leur marque de fabrique….se souvenir entre autres de la conivence du mufti de jerusalem avec hitler….

Yes

Si je comprends les musulmans: « la Shoah n’a pas existé et les musulmans d’aujourd’hui sont les juifs dhier ». Ne serait-ce pas un peu paradoxal?