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Les russophones, prophètes de la laïcité en Israël?

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Le 8 mai 2018, l’alors ministre de la Défense Avigdor Lieberman célèbre avec des vétérans israéliens de l’Armée rouge la fin de la Seconde Guerre mondiale. Photo Miriam Alster. Flash 90

Les russophones, prophètes de la laïcité en Israël

Par Guillaume Gendron, envoyé spécial à Ashdod

L’écho des pièces et les tapes autoritaires sur le chronomètre résonnent dans le club d’échecs d’Ashdod, plus grand port d’Israël et bastion de la droite israélienne.

Dans la salle où sont disposés des dizaines de plateaux de jeu, il n’y a que deux septuagénaires en short pour s’affronter. Seulement un des deux hommes parle hébreu : Alexander Kleitman.

Agé de 70 ans, ce retraité était horloger en Russie avant de devenir manœuvre à l’usine à son arrivée en Israël, peu après l’effondrement de l’empire soviétique.

Destin classique du million d’immigrés de l’alyah «russe», dont le vote pourrait bien décider de la survie politique de Benyamin Nétanyahou, le 17 septembre.

N’ayant pu former une coalition en juin après la défection de son ex-allié Avigdor Lieberman, l’ultranationaliste surnommé le «tsar» du bloc russophone en Israël, le Premier ministre a forcé le Parlement à se dissoudre afin de retenter sa chance dans les urnes.

Cette perspective fait enrager Kleitman : «Deux élections en un an ! C’est un jeu de gosses pour lequel on jette des millions à la poubelle !» Comme toujours, il votera pour Israël Beytenou («Israël, notre maison»), le parti de Lieberman. «Et pas seulement parce qu’il est russe ! [Lieberman est en fait né en Moldavie, en 1958, ndlr]. C’est le seul à avoir compris le problème : Bibi est dans la main des religieux. Grâce à lui, les « haredim » [les «craignant-dieu», en hébreu] se la coulent douce : ces gens-là ne vont pas à l’armée, ne travaillent pas, ne connaissent rien en dehors de la Torah… Tout ce qu’ils font, c’est prendre notre argent. Des familles de dix enfants qui ne savent ni compter ni se battre ! Ça nous prépare quoi comme pays dans quinze ans, ça?»

«Un électorat snobé par la gauche»

Cette virulente tirade résume la campagne de Lieberman. Ministre de la Défense démissionnaire et tombeur du dernier gouvernement, l’ex-bras droit de Nétanyahou, réputé pour ses antiennes anti-arabes, a changé d’ennemi, s’érigeant en chantre de la laïcité, rempart contre «ceux qui veulent nous mettre des kippas sur la tête de force», comme l’a résumé un député d’Israël Beytenou. «Oui à l’Etat juif, non à l’Etat de la loi juive», scandent les affiches.

L’électorat russophone, aux trois quarts viscéralement laïc, a profondément bouleversé le paysage politique israélien en un quart de siècle, comme l’explique Lily Galili, coauteure de The Million That Changed the Middle East (2012, non traduit).

«Cet immense bloc a été décisif dans quasiment toutes les élections depuis 1992, de celle de Yitzhak Rabin à celle d’Ehud Barak. Et bien sûr Nétanyahou. Mais depuis Barak, la gauche a fait l’erreur de snober cet électorat, aujourd’hui fermement ancré à droite. « L’une de nos plus grandes erreurs », disait Shimon Pérès.»

Ainsi, ceux que les Israéliens appellent indifféremment «les Russes», quel que soit leur pays d’origine, ont pratiquement inventé le concept d’une droite populaire ultrapatriote mais hostile à l’interférence religieuse.

Notamment sur des questions aussi pratiques que le travail durant le shabbat ou les mariages. En Israël, l’union civile n’existant pas, des milliers d’immigrants de l’ex-URSS considérés comme «non juifs» par le grand rabbinat sont forcés de se marier à l’étranger. «Pendant des années, « Bibi » a sous-traité cette communauté à Lieberman. C’était son rabatteur» , souligne Galili.

Tout a changé : en exigeant que Nétanyahou mette fin à la dispense de service militaire des ultraorthodoxes, Lieberman a fracturé la droite et rebattu les cartes, plaçant la question sécuritaire au second plan au profit du débat religieux. Lire la suite 

 

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Bonaparte

Extraordinaire cette photo : on se croirait sur la place rouge .

gilbert

ce que l ont nous dit pas , c est que le parti russophone , compte 500.000 faux juifs . Ca ont nous le passe sous silence .

Marc

Ce ne sont pas des « faux-Juifs », sauf pour les rares faussaires ayant vraiment falsifié des papiers (mais ont de fait reconductibles), mais des Juifs ayant contracté des mariages mixtes ou litigieux à l’égard de la Halakha, pour la majorité. Ceci concernant leurs enfants. Pour des raisons politiques et démographiques, le Rabbinat a abaissé son niveau d’exigence, en misant sur l’intégration à plus long terme. D’où ce rapport à la « laïcité ».

Entre 1990 et 1995, ce sont près de 68 000 ingénieurs, 50 000 enseignants, 40 000 musiciens, 20 000 journalistes, 20 000 chercheurs et 10 000 médecins et dentistes qui intégrèrent la société israélienne, alors que celle-ci ne comptait que 30 000 ingénieurs et 15 000 médecins en 1989.

Il sont aussi pour partie, à l’origine d’un bond en avant.

Franck

Il serait peut être temps que certains comprennent la différence entre la loi du retour qui admet en Israël des personnes ayant seulement un grand parent juif et la définition halakhique de la judéité

Jg

On a pas besoin de lire le quotidien Libération arabe pour s informer !

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