Le massacre des Juifs d’York (1190)

Ça s’est passé dans la ville d’York, Angleterre, à la fin du douzième siècle de notre ère. De notre ère, forcément, puisque c’est un évêque chrétien qui le premier prend la parole.

Il appelle les juifs d’York à rendre compte de leur âme à Dieu, soit en se convertissant à la religion de paix et d’amour, soit en périssant sous le glaive pour leurs crimes et méfaits.

Un pogrom, ordinaire, qui vous saute à la gueule dès la première page du livre. Les fidèles de se répandre dans les rues de la ville au sortir du sermon.

Quelques dizaines de juifs, derrière leur rabbin, de se réfugier dans une tour où les voilà assiégés. La population, une fois massacres et pillages terminés, de se rassembler à son pied.

La tour de Clifford dans laquelle se sont barricadés les Juifs.

Le siège dura six jours. Chaque matin, un moine s’approchait de la tour, tous crucifix déployés, et promettait la vie sauve à ceux qui accepteraient le baptême en Jésus-Christ. Un autre moine, bénédictin du nom de Dom Bracton, qui tint chronique de ces événements, note que la tour demeura « muette et close ».

Suivons l’auteur du livre, qui n’y était pas, mais qui a le droit de parler puisqu’il écrit un roman. Puis il suit lui-même Dom Bracton, qui rapporte qu’au matin du septième jour, le rabbin réunit les assiégés sur la plate-forme de guet. « Frères, leur dit-il, Dieu nous a donné la vie. Rendons-la-lui nous-mêmes, de nos propres mains, comme l’ont fait nos frères d’Allemagne. Hommes, femmes, enfants, vieillards, chacun tendit le front à sa bénédiction puis la gorge au fer qu’il dispensait de l’autre main. Le vieux rabbin demeura seul devant sa propre mort. Et il se perçut alors une haute lamentation, qui fut entendue d’ici au quartier Saint-James. »

Notre romancier s’appelle André Schwarz-Bart (1928-2006). Son livre, qui remporta le prix Goncourt en 1959, porte pour titre « Le Dernier des Justes ». Sa première page s’achève sur ces mots de Dom Bracton : « On compta vingt-six juifs sur la plate-forme de la tour, sans parler des femelles et de la petite engeance. Deux ans après, il s’en découvrit treize dans la cave, enterrés pendant le siège, mais presque tous ceux-ci avaient l’âge de la mamelle. Quant au rabbin, il tenait encore le manche du poignard qui traversait son cou. »

Il se voit encore une tour à York, qu’on visite mais qui a été construite plus tard, les assiégés avaient mis le feu à la tour d’origine. Ces événements sont historiques, mal connus en France. Les Anglais en conservent le souvenir car ils furent les pires de ce genre qui eurent lieu dans le royaume.

C’est un entretien d’Annick Cojean, paru voilà quelques jours dans « Le Monde », avec Simone Schwarz-Bart, elle-même écrivain et veuve d’André, qui a donné au chroniqueur l’envie d’aller voir dans ce livre qu’il n’avait jamais lu.

On terminera sur ces mots de Dom Bracton après qu’il a dit que le rabbin tenait encore le manche du poignard qui traversait son cou : « On ne trouva autre arme que la sienne dans la tour. Son corps fut jeté en un grand feu, et malheureusement on dispersa ses cendres au vent. »

Malheureusement ? Pourquoi malheureusement ? « De sorte que nous les respirerons et que, par la communication des petits esprits, il nous viendra quelque humeur empoisonnante dont nous serons tout étonnés. »

A vos lectures.

D.D.T.

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