Gauchet et Julliard « complaisants » avec Zemmour ? La mise à l’index malhonnête du « Monde »

Excommunication

Dans une enquête du « Monde », les intellectuels Marcel Gauchet et Jacques Julliard sont jugés complices du candidat d’extrême droite à la présidentielle, au motif qu’ils lui auraient reconnu la capacité à mettre certains sujets tabous sur la table. Les attaques contre les prétendus « nouveaux réactionnaires » ont pourtant montré toute leur inanité.

L’heure est-elle (à nouveau) aux listes de « mal pensants » à excommunier ? Il y a près de vingt ans, en 2002, l’essayiste Daniel Lindenberg publiait son Enquête sur les nouveaux réactionnaires, brûlot qui amalgamait déjà tous les critiques de la modernité libérale dans le même moule infamant, d’Alain Badiou à Marcel Gauchet en passant par Michel Houellebecq.

Cette année, l’universitaire Philippe Corcuff a renouvelé le genre, avec un travail stupéfiant, La grande confusion une œuvre portant bien son nom puisqu’elle accuse la quasi-intégralité du paysage politique et intellectuel de frayer avec « l’extrême droite » d’une manière ou d’une autre. Plus récemment encore, le journal Le Monde apporte son écot à la tendance du moment, par le biais d’un article dénonçant « l’étrange bienveillance » des élites envers Éric Zemmour.

C’est que le désormais candidat à la présidentielle a provoqué une montée en fièvre considérable. Chez ses partisans, bien sûr, chauffés à blanc, avides de la moindre outrance d’un polémiste voué à faire sauter tous les tabous et tous les principes, même les plus essentiels. Mais également chez ses adversaires les plus farouches : pour beaucoup d’entre eux, Éric Zemmour est l’ennemi à abattre, et le danger qu’il représente transforme toutes les tentatives d’analyse froide en complicités objectives. En somme, réfléchir aux ressorts du succès de l’essayiste, plutôt que l’affubler automatiquement du qualificatif de « fasciste » et le clouer au pilori, serait déjà une attitude suspecte.

GAUCHET ET JULLIARD ATTAQUÉS

L’enquête du Monde est un exemple de cette tendance. Pourtant, le quotidien du soir aligne certains constats justes, notamment au sujet de la porosité des milieux de la bourgeoisie d’affaires avec Éric Zemmour. C’est un fait à souligner, les habitués du Cercle de l’Union Interalliée ou de l’Automobile club de France, comme une large partie des électeurs de François Fillon en 2017, n’ont aucune difficulté à envisager d’apporter leur suffrage à un candidat adepte de la théorie du « grand remplacement ». Après tout, Zemmour semble libéral en matière économique, et il n’est pas le candidat des classes populaires, au contraire d’une Marine Le Pen bien trop « populiste » pour séduire cette droite d’argent conservatrice.

En revanche, le journal vespéral perd le fil en souhaitant élargir sa cible. Le Monde tacle ainsi « la mansuétude avec laquelle de nombreuses figures venues de la gauche intellectuelles ont accueilli le futur candidat », en s’attaquant à une de ses bêtes noires traditionnelles, « les clubs et les milieux souverainistes, comme l’ex-Fondation Marc-Bloch ». Et voilà deux penseurs éminents épinglés, accusés de complaisance à l’endroit d’Éric Zemmour : le philosophe Marcel Gauchet, coupable de juger que l’ex-journaliste « remet les Français dans le cours de leur histoire » et « parle de ce dont il faut parler et dont les autres ne parlent pas ». Et Jacques Julliard, contributeur hebdomadaire au magazine Marianne, tous deux au banc des accusés pour avoir écrit que Zemmour mettait « fin à l’insupportable ronronnement de la précampagne présidentielle » et replaçait « au centre du débat des questions (…) que les candidats habituels avaient coutume de cacher sous le tapis. »

DANS QUEL BUT ?

« Le Front national pose les bonnes questions, mais leur donne des mauvaises réponses », lançait Laurent Fabius en 1984. Pourtant peu susceptible de verser dans le cryptofascisme, le Premier ministre socialiste de l’époque se verrait aujourd’hui attaqué pour oser postuler que si l’extrême droite rencontre un écho, peut-être est-ce dû aux préoccupations d’une grande majorité de Français concernant des thèmes comme l’immigration, la sécurité, l’identité ou encore l’islamisme. En septembre 2018, dans une pétition édifiante d’aveuglement militant publiée sur le site de Mediapart, un manifeste refusait de faire « à l’extrême droite le cadeau de laisser croire qu’elle pose de bonnes questions », revendiquant de « rejeter ses questions, en même temps que ses réponses ». On a vu le résultat de telles postures.

Marcel Gauchet et Jacques Julliard ne s’inscrivent pas dans cette mouvance : ils observent, écoutent, s’interrogent. Sans souscrire pour autant aux propositions d’Éric Zemmour. Dans un entretien pour La Croix, Gauchet souligne que « la règle démocratique devrait être l’absence totale de tabou dans l’expression des préoccupations des citoyens, à la seule condition du respect de la dignité de chacun », en ajoutant aussitôt qu’il s’agit d’« une ligne rouge avec laquelle [Zemmour] flirte dangereusement ». Quant à Jacques Julliard, il est encore plus net au sujet du candidat, écrivant que Zemmour « ne propose aucune solution viable aux problèmes qu’il soulève », et que « sa tentative de réhabilitation de Pétain, dont il prétend qu’il aurait défendu les juifs français contre les juifs étrangers, est à la fois scandaleuse et inexacte. »

De sorte que l’on se demande quelle est la réelle volonté du Monde : faire la lumière sur des complicités objectives, ou postuler que tout intellectuel qui esquisserait le début d’une réflexion non conforme à la doxa sur quelques sujets tabous glisserait dangereusement sur la pente du fascisme ? « Qu’on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme de France, et j’y trouverai de quoi le faire pendre », écrivait le baron de Laubardemont – et non le cardinal de Richelieu. Cette maxime reste malheureusement en vigueur, au mépris des règles censées fonder un débat honnête.

Par Thomas Vallières  Publié le 03/12/2021 à 16:15  www.marianne.net
Eric Zemmour, dans la vidéo de sa déclaration de candidature à la présidence de la république. Hans Lucas via AFP

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o.icaros

Ils ont oublié Jean Daniel qui, dans son livre posthume, fait les mêmes constats que Zemmour. Les constats n’appartiennent à personne, ce qui fait qu’ils appartiennent à tout le monde. Faire les mêmes constats que Zemmour ne fait pas de vous un zemmourien ou un zemmouiriste. Si Zemmour dit il fait froid, et qu’il fait froid, je dirai également qu’il fait froid. C’est un constat. Si le Monde en est réduit à ça c’est qu’il a oublié la noble profession d’informer pour devenir un vulgaire outil de formatage.

Richard Malka

L’inquisition !!!