Carol Iancu, le Grand Rabbin A. Safran et les juifs de Roumanie durant l’instauration du communisme

Depuis de nombreuses années, notre éminent collègue, le professeur Carol Iancu de l’université de Montpellier, consacre une énergie qui, Dieu merci, ne faiblit guère, à nous présenter de nombreuses facettes de la vie et de l’activité communautaire, politique et éducative de celui qui, à moins de trente ans, fut le guide spirituel des juifs de Roumanie.

Le Grand Rabbin Alexandre Safran

On l’oublie parfois, mais ce judaïsme roumain était, à la veille de la seconde Guerre mondiale, l’un des plus nombreux puisqu’il comptait pas moins de huit cent mille âmes.

Monsieur Iancu a déjà consacré plusieurs ouvrages à celui qui fut son compatriote, et dont il partage à la fois la langue maternelle et l’histoire. Sans ce travail d’historien qui se veut rigoureux et respectueux des mémoires qu’il nous offre, nous ne connaîtrions pas vraiment les mérites qui reviennent légitimement à un si grand pasteur d’Israël qui, à une époque très troublée et éminemment dangereuse, n’a pas ménagé sa peine, au point de parvenir à sauver des âmes juives promises à l’extermination.

Dans le présent volume intitulé Alexandre Safran et les juifs de Roumanie durant l’instauration du communisme : documents inédits des archives diplomatiques américaines et britanniques (1944-1948), titre un peu long mais reflétant fidèlement le contenu de l’ouvrage, Carol Iancu aborde un aspect de l’œuvre du grand rabbin, qui englobe l’international, la fin de la guerre, le début du retour des déportés dans certaines régions mais aussi, ou plutôt surtout, les relations entretenues avec les grands ce monde.

Songez que le jour de la signature de l’armistice, le 8 mai 1945, le tout jeune grand rabbin du pays, en poste depuis à peine cinq ans, félicite le président Truman en personne pour l’action victorieuse des forces armées US. Ce sont les archives diplomatiques des alliés (principalement la Grande Bretagne et les USA) que Monsieur Carol Iancu a exploitées et qu’il a reproduites à la fin de cet imposant volume…

L’iconographie n’est pas oubliée puisque l’on découvre de très belles photographies du jeune Grand Rabbin, accompagné de son épouse et de sa chère fille, Madame le professeur Esther Starobinski-Safran… J’ai eu plaisir à voir les deux grands rabbins, côte à côte, celui de Roumanie évidemment mais aussi celui de Paris qui allait devenir le grand rabbin de France, Jakob Kaplan.Résultat de recherche d'images pour "alexandre safran"

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce judaïsme roumain qui a traversé bien des épreuves, les introductions de Carol Iancu sont très éclairantes et très agréables à lire. Dans un style élégant et sobre, l’éditeur de ces archives rappelle les faits les plus marquants dont un m’a particulièrement intéressé en raison de son aboutissement : le ralliement de certains cadres dirigeants de la communauté juive roumaine aux communistes qui tissaient leur toile dans l’ombre et voulaient contraindre le grand rabbin à leur céder sur tous les points, ce qu’il se refusa à faire.

A cette époque là, il n’était pas bon de s’opposer frontalement au régime communiste car l’armée rouge campait tout près, n’hésitant pas à prêter main forte à ses affidés…

Dans sa belle autobiographie, le Grand Rabbin avait décrit une entrevue particulièrement éprouvante avec un officier communiste, juif de surcroît, qui posa sur la table son revolver chargé dans le but d’intimider son interlocuteur.

En fin de compte, après toutes ces attaques et cette guerre d’usure, le Grand Rabbin s’est trouvé dans incapacité de remplir sa mission et fut contraint à l’exil.

La reproduction de toutes ces archives confère à ce livre une très grande valeur pour la poursuite même de ce travail par de jeunes chercheurs.

Et le professeur Carol Iancu s’est acquis de très grands mérites en consacrant le meilleur de ses jours et de ses veilles à une grande figure du judaïsme contemporain, un homme qui dut quitter, sous la contrainte, son pays natal et qui continua de se dévouer à ce en quoi il a toujours eu foi : la vocation universaliste de la religion d’Israël, la défense de ses coreligionnaires et la propagation du messianisme des prophètes.

Cet homme, grand croyant et grand érudit, avait acquis une grande science traditionnelle auprès de son propre père, lui-même grand rabbin, et parallèlement avait soutenu une thèse en allemand sur le sionisme en tant que problème universel. Il n’a jamais manqué de soutenir le projet de faire renaître un état juif sur la terre ancestrale, la terre d’Israël.

Remercions aussi le professeur Carol Iancu pour ce bel ouvrage dont il nous fait l’aubaine et qui représente pour lui tant d’années de travail et d’effort.

Maurice-Ruben HAYOUN

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Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève

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