Aucune prospérité à l’horizon pour l’Iran après l’Accord Nucléaire

 Publié à l’origine sous le titre : Chimère fugace : Aucune prospérité pour l’Iran après l’Accord Nucléaire

 

Par un simple calcul arithmétique, on s’aperçoit que l’Iran est fauché, à cause des prix prévalant du marché des hydrocarbures. Dans le cadre de l’accord nucléaire des P5+1, l’Iran parviendra à récupérer entre 55 et 150 milliards de $ d’avoirs gelés, si on doit se fier à ce que dit le Secrétaire du Trésor américain ou ce que l’on constate par ses propres yeux. Cette aubaine est à peine suffisante pour maintenir l’Iran à flots pour ces prochaines années.

La diplomatie nucléaire du P5+1 avec l’Iran est allée de l’avant en s’appuyant sur la supposition que l’Iran vendrait ses ambitions stratégiques dans la région en échange de la prospérité économique. Le problème est que l’accès à cette prospérité n’est pas une prévision réaliste pour l’Iran, qui n’a strictement rien à gagner en abandonnant ses entreprises stratégiques aventuristes dans la région. 

L’Iran exporte actuellement 1.2 million de barils de pétrole par jour, ce qui représente 14 milliards de $ l’an ( peut-êtreun peu plus, étant donné qu’une partie du pétrole raffiné iranien se vent plus cher). L’Iran a vendu (pour 2014) environ 9, 6 milliards de mètres- cubes de gaz naturel, ce qui lui rapportait un autre pactole de 4 milliards de $ selon l’indice des prix du marché à ce jour. 

En 2014, Le régime iranien a dépensé 63 milliards de $ l’an, selon des estimations occidentales. Aucune donnée n’est disponible pour 2015, et la Banque Centrale d’Iran ne publie pas de données depuis la mi-2013. Cela ramène les dépenses à un peu plus de 40 milliards par an (sans compter les exportations de gaz). L’Iran se retrouve donc devant un trou de 40 milliards de $ à combler. Les avoirs dégelés maintiendront le pays à flots pendant un certain nombre d’années, mais ne résoudront pas les problèmes. Cette année, l’Iran prévoit de dépenser 89 milliards de $, a annoncé le gouvernement, le 22 décembre. 

Aucun des grands projets actuellement en cours de discussion ne bougera (« une aiguille ») par un chèque en blanc. L’installation du pipeline Iran-Pakistan qui a donné lieu à de longues discussions peut produire des revenus d’environ 3.5 milliards de $ par an, dans des conditions idéales, et l’Iran en empocherait une fraction. Le gouvernement d’Iran prévoit d’augmenter les impôts au milieu de ce tableau, soit-disant pour diminuer la dépendance à l’égard du pétrole dans le budget du gouvernement. Mais le revenu à partir de l’impôt pour l’année fiscale débutant en mars 2016 n’est estimé qu’à 28 milliards de $ seulement. Même dans l’hypothèse que l’Iran puisse vendre son pétrole pour une valeur de 22 milliards de $, le déficit budgétaire s’élèvera à environ 40 milliards de $, soit environ 10% du PNB. En termes nominaux, le PNB de l’Iran a plongé de 577 milliards de $ à 415 milliards en 2014 et continuera, avec une quasi-certitude, à plonger un peu plus en 2015. 

En décembre, l’Iran a déclaré espérer pouvoir augmenter sa production de pétrole de 500.000 barils, en gagnant ainsi 22 milliards de $ par an, une augmentation de 50% par rapport à son taux actuel. Le Ministre iranien du pétrole Bijan Zaganeh a déclaré à un intervieweur incrédule de CNN qu’il allait stimuler les sorties par 1, 6 millions de barils par jour, d’ici la fin de 2016. La plupart des experts pensent que l’Iran ne peut pas pomper autant de pétrole qu’il le voudrait et que s’il le faisait quand même, il ne parviendrait pas à le vendre s’il s’y essayait. 

Il y a énormément d’autres pays qui ont, eux aussi, besoin de vendre plus de pétrole, notamment la Russie. Les exportations de pétrole russe à la Chine excèdent désormais celles de l’Arabie Saoudite. La Chine a d’excellentes raisons d’acheter plus de pétrole à la Russie, étant donnée la convergence des objectifs stratégiques russes et chinois en Syrie comme ailleurs. La Chine veut clairement améliorer ses relations avec l’Iran. Le Président chinois Xi Jinping, en visite à Téhéran le 23 janvier, a présenté un accord commercial qui doit augmenter jusqu’à 600 milliards de $ d’échange au cours des dix prochaines années. La question n’est pas de savoir si la Chine veut commercer avec l’Iran, mais si l’Iran a les moyens de tenir le rythme. Comme la Russie, la Chine craint l’expansion de l’islam radical sunnite dans la région, et son potentiel de contamination et de débordement dans la province chinoise du Xinjiang. Il n’y a pas de musulmans chiites en Russie ni en Chine et le parrainage des djihadistes chiites par l’Iran ne préoccupe pas beaucoup les deux puissances asiatiques. 

Il semble improbable que la Chine ait l’intention de modifier ses achats à la Russie pour privilégier l’Iran, dans le seule but d’aider le régime de Téhéran. La Chine investira dans l’extraction iranienne, les produits pétrochimiques et l’infrastructure, mais même les projections les plus optimistes n’en feront guère plus pour l’état des finances de l’Iran.

A moins que les prix du pétrole connaissent une hausse drastique, l’aubaine de l’accord nucléaire pour l’Iran ne couvrira guère plus que la valeur de deux ans de déficits, très peu restant pour faire face aux problèmes urgents de maintenance des capacités pétrolières et gazières existantes. Cela peut expliquer pourquoi le régime de Téhéran a minimisé l’importance de l’accord nucléaire avec l’Occident. La fin des sanctions ne va probablement pas apporter d’amélioration significative aux conditions de vie ordinaires des Iraniens et le gouvernement ne veut pas, non plus, d’une inflation des attentes qu’il ne pourrait pas combler.

L’économie iranienne subit de graves tensions. Le taux officiel de chômage est de 11%, mais il n’y a que 37% de la population qui soit considérée comme active sur le plan économique, un ratio extrêmement faible étant donné la concentration de la population iranienne dans la fourchette en âge de travailler. Certains indicateurs sociaux sont alarmants. Le nombre de mariages a chuté de 20% depuis 2012. En Iran, l’âge traditionnel du mariage se situe entre 20 et 34 ans pour les hommes et 15 à 29 ans pour les femmes… 46% des hommes et 48% des femmes dans ces classes d’âges demeurent célibataires », selon l’agence nationale des statistiques. Le fameux « mariage blanc » ou la cohabitation hors-mariage, est devenue tellement courant et controversé que le régime a dû interdire un magazine féminin qui s’était risqué à faire un reportage sur le sujet, l’an dernier.

C’est particulièrement décevant pour le régime, qui a essayé d’élever le taux de natalité de l’Iran de tout juste 1,6 enfant par femme, en offrant des incitations financières aux parents potentiels et en réduisant la mise à disposition de contraceptifs. S’il s’est passé quelque chose dans ce domaine, c’est que la spirale démographique iranienne n’a fait qu’empirer. La population de l’Iran vieillit déjà plus vite que nulle autre dans le monde et le rejet de la vie de famille, de la part de la jeune génération,  accentue les problèmes économiques accumulés au cours des vingt dernières années. Ces problèmes économiques expliquent en partie la chute du taux de mariage, mais l’autre facteur est tout simplement l’érosion des valeurs traditionnelles. Des chercheurs iraniens estimaient à la fin 2015, qu’une femme iranienne sur huit est infectée par la chlamydia, une maladie vénérienne ordinaire répandue qui provoque fréquemment l’infertilité. Selon le Centre de contrôle des Maladies, une femme américaine sur 170 est susceptible de l’attraper. La conjugaison du recul des mariages et du taux endémique d’infection vénérienne caractérise une société qui est en train de perdre sa cohésion interne. Les dirigeants théocratiques iraniens sont trop bégueules pour jeter un oeil à des statues de nus en Italie, mais ils président une société marquée par la désintégration des valeurs familiales comme nulle autre au monde. 

D’un point de vue financier, l’Iran l’Iran est confronté à quelque chose du genre de l’effet de la Dame de coeur : il a besoin de plus d’argent de l’étranger simplement dans le but de rester en place, ce qui veut dire, maintenir son infrastructure énergétique existante. Le bonus tiré de la levée des sanctions préserve l’Iran d’un crash économique, à la suite de la chute des prix du pétrole, mais cela ne tire pas le pays du marasme.

Par David P. Goldman
Asia Times
27 janvier 2016

http://www.meforum.org/5814/iran-no-prosperity

David P. Goldman est chercheur principal au Cetre Londonien de Recherche Politique et titulaire de la chaire de la Famille Wax au Middle East Forum.

Adaptation : Marc Brzustowski

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