LA DIAGONALE DES TYRANS

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En Iran et en Syrie, deux élections présidentielles alimentent l’actualité internationale, les deux au scrutin uninominal à deux tours,
L’élection syrienne s’est conclue avec un score stalinien de 95,10 % dès le 1er tour ; l’iranienne aura lieu les 18 et 25 juin prochains et sera sans surprise. Le vainqueur, Ebrahim RAÏSSI, est d’ores et déjà programmé. Au risque de se tromper, la présence de sept candidats rend vraisemblable la tenue d’un second tour ; deux incertitudes subsistent encore, le taux d’abstention et le score du vainqueur.
Après 21 ans au sommet de l’État syrien, Bachar El-ASSAD entame un 4ème mandat.
En 10 ans de guerre civile, le Président Bachar El-ASSAD a réussi à survivre contre toute attente ; pour se maintenir au pouvoir, il n’a pas hésité à :
  • Faire appel à la Russie, à l’Iran et au Hezbollah
  • Accepter que Téhéran se serve du territoire syrien pour menacer Israël
  • Utiliser les gaz chimiques contre son propre peuple
  • Bombarder des sites historiques comme le souk d’Alep…
Bachar El-ASSAD a certes réussi à reconquérir la quasi-totalité des 185 180 km² syriens, mais pour quel résultat ! Il est aujourd’hui à la tête d’un pays ruiné dévasté :
  • En 2010, la Syrie comptait un peu plus de 21 millions d’habitants ; en 2021, elle en compte 5 de moins.
  • De 2010 à 2021, Le PIB est passé de 60 Md$ à un plus de18 Md$, en dollars courants.
  • Le coût de la guerre a été évalué par la Banque mondiale à plus de 300 Md$. Les productions pétrolière et manufacturière se sont effondrées, la production agricole est totalement désorganisée, des villes et infrastructures sont détruites… Les conditions sanitaires se sont détériorées, le chômage généralisé, la pauvreté développée…
Bachar EL-ASSAD a gagné l’élection, il règne toujours sur la Syrie, mais sur un pays totalement exsangue !
À la différence de la constitution syrienne, l’iranienne limite à deux le nombre de mandats présidentiels ; aussi, le président sortant Hassan ROHANI ne pouvait se représenter. Près de 600 Iraniens se sont portés candidat à l’élection, mais seuls 7 ont été acceptés par le Conseil des gardiens de la Constitution sur la base de critères définis par le guide suprême Ali KHAMENEI.
La mise à l’écart de l’ancien président Mahmoud AHMADINEDJAB démontre, s’il en était besoin, l’intelligence politique de la théocratie iranienne ; la virulence de certaines de ses déclarations durant huit ans l’ont disqualifié et la mollacratie ne veut plus en assumer la responsabilité. En revanche, la surprise est venue de l’élimination d’Ali LARIJANI pourtant ancien président du Parlement et ancien conseiller du guide suprême.
La procédure laisse la voie libre à Ebrahim RAÏSSI, chef du système judiciaire iranien, vice-président de l’Assemblée des experts et directeur de la fondation (ou Bonyad) Astan-e Qods-e Razavi ; en 2017, il avait perdu au second tour contre Hassan ROHANI. Une rumeur court à Téhéran, il serait le successeur du guide suprême Ali KHAMENEI.
Avec cette élection présidentielle, les mollah vont chercher à conforter politiquement leur pouvoir. Il leur reste à améliorer la situation économique du pays. Redresser l’économie passe par la levée des sanctions internationales et la récupération des avoirs bloqués, ce qui rend indispensable la signature d’un accord avec la communauté internationale sur le nucléaire.
Les sanctions visent près de 1 000 cibles, personnes, entités, avions, navires iraniens ou liés à la République islamique. Ces sanctions ainsi que l’embargo imposé au pétrole iranien, aux produits sidérurgiques et pétrochimiques ont plongé l’économie iranienne dans de graves difficultés. Cela a entraîné de nombreuses conséquences :
  • Une chute des entrées de devises, ce qui a réduit les capacités d’importations du pays, notamment pour certains équipements ou produits médicaux. Les réserves de change du pays seraient de moins de 100 Md$.
  • Une baisse des recettes budgétaires de l’État, ce qui a entrainé une réduction des dépenses publiques, notamment dans les secteurs sociaux.
  • Un effondrement du système bancaire, et la généralisation de circuits parallèles de financement et de la corruption.
  • Une augmentation du chômage à 17 % selon les autorités et touche de plus en plus les diplômés.
  • Une dépréciation monétaire, avec une inflation de plus de 30 %. Le rial côte aujourd’hui 0,00002 € ; cela entraîné une course à la possession de dollars. Le doublement, voire le triplement des prix des produits alimentaires a entraîné un appauvrissement de la population.
  • Une explosion de la pauvreté. Le PIB/hab a été de 7 555 $ en 2020 après un pic de 7 719 $ en 2011. D’après les sources officielles, un cinquième de la population vit sous le seuil de pauvreté, mais selon certaines données internationales, ce serait 40 % de la population.
La population iranienne a plus que doublé en passant de 37 millions d’habitants en 1979 à 85 en 2021. Mais la pyramide des âges est déséquilibrée avec une tranche des 30-40 ans s’appuyant sur une base très écornée par les effets du conflit irako-iranien. De 1980 à 1988, un peu moins de 500 000 Iraniens seraient morts, alors que la rumeur populaire fait régulièrement état d’un million de victimes.
Les sanctions américaines ont durement frappé le pays dont le PIB s’est contracté de 4,6 % sur l’exercice fiscal 2019-2020 et la baisse devrait s’accentuer à 9,5 % en 2020-2021, à cause des effets économiques de la COVID. Par ailleurs, lIran est le pays proche oriental le plus touché par la pandémie, avec plus de 3 millions de contaminés.
La population fait preuve d’une exceptionnelle résilience d’autant plus méritoire que la répression est implacable. L’oligarchie des pasdarans, des gardiens de la révolution, accaparent les principales ressources du pays. État dans l’État, cette milice au service du guide suprême contrôle les principaux secteurs d’activité économiques.
Sans succès jusqu’à présent, les Iraniens contestent les coûteuses manifestations de l’expansionnisme iranien :
  • Le Liban où tout est contrôlé par le Hezbollah
  • La Syrie où les Iraniens directement et indirectement avec le Hezbollah ont sauvé avec les Russes le régime de Bachar El ASSAD
  • Le Yémen où l’Iran soutient les rebelles chiites Houtis
  • L’Irak avec les milices chiites armées par les Iraniens
  • Gaza avec un soutien actif au Hamas et au Djihad islamique.
Avec ces élections et la perspective de la fin des sanctions, les tyrans de Damas et Téhéran ont de beaux jours devant eux. Avec le recouvrement de leurs avoirs bloqués et le redémarrage de la production et la vente de son pétrole L’Iran va retrouver une puissance financière inégalée depuis 10 ans. Le Monde n’a pas fini de subir les effets de la révolution islamique de 1979.
Dov ZERAH

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