Julien Cohen-Lacassagne : « Au-delà des Berbères juifs… »

HISTOIRE. Dans son livre sur les Berbères juifs, l’historien montre que le Maghreb a été un terrain d’affrontement entre monothéisme et paganisme, une réalité peu connue et pourtant essentielle.

Par Modifié le  - Publié le  | Le Point.fr
 Correctif: Les rédacteurs du site Jforum émettent de fortes réserves sur le contenu de certaines idées et opinions émises par l’auteur du livre…

Julien Cohen-Lacassagne* rappelle que, dans un entretien accordé en 1972, l’écrivain algérien Kateb Yacine exprimait son désir de voir l’Afrique du Nord s’approprier son histoire : « Depuis la Kahina jusqu’à Abdelkader, nous ignorons pratiquement tout. Or, c’est un explosif terrible, une force extraordinaire que nous perdons là. » Cet « explosif terrible », l’historien Julien Cohen-Lacassagne tente de le retrouver à travers un livre fouillé et dense**.

Remontant les traces historiques et historiographiques, il développe la thèse qui sous-tend le livre : montrer que juifs et musulmans du Maghreb « partagent les mêmes origines, confondues dans un univers arabo-berbère où les liens de solidarité reposent parfois sur l’appartenance religieuse, mais non exclusivement ».

L’auteur relève et conteste d’abord une fausse opposition qui se heurte à la réalité historique, celle entre juifs et musulmans, supposément qui remonte à « une nuit des temps ». L’auteur rappelle que « d’un point de vue théologique, ces deux religions sont proches et se sont réciproquement emprunté des composantes ».

Le Maghreb a été le lieu précis de ces échanges féconds, interpénétrations diverses et cohabitation millénaire. L’une des hypothèses fortes du livre pose que le judaïsme au Maghreb y fut prosélyte, à l’instar du christianisme et de l’islam. Une hypothèse que l’auteur travaille et étaye à travers diverses sources.

Mais la force de ce livre est, par ses contrepoints historiques, d’interroger cette « histoire au présent » qui est la nôtre. Sans s’appesantir sur des questions brûlantes d’actualité et d’acuité, le livre de Julien Cohen-Lacassagne apporte pourtant des réponses subtiles, mais plus encore de larges pistes de réflexion. Entretien.

Julien Cohen-Lacassagne révèle une part peu connue de l’identité berbère. © DR

Le Point Afrique : L’histoire des Juifs berbères est à la fois connue et méconnue, dans le sens où elle semble avoir fait l’objet de peu de travaux universitaires. Est-ce pour cette raison que vous avez creusé ce sujet ?

Julien Cohen-Lacassagne : Un peu, mais tout livre est une autobiographie. Je suis issu par ma mère d’une famille juive d’Algérie, d’Oran. Mes parents ont été instituteurs au Maroc, où j’ai plus ou moins appris à marcher. Pendant mes études, j’ai passé un peu de temps en Mauritanie. J’y ai découvert la langue arabe et redécouvert des pratiques que j’avais vues dans ma propre famille maternelle. Ce n’était pas très exotique. J’enseigne au lycée international d’Alger depuis trois ans, j’entamais le livre lorsque j’ai été nommé. Cela m’a permis de me confronter à un terrain et à une ambiance.

Mais vous soulignez aussi une absence de travaux scientifiques sur le sujet…

Il y a eu des travaux jusqu’à la fin de la première moitié du XXe siècle. Nahum Slouschz, au début du XXe siècle, fit des recherches abondantes sur les judéo-berbères. L’historien Marcel Simon publia en 1946 un beau texte sur le judaïsme berbère. Par la suite, les travaux s’amenuisent, l’idée que des populations aient pu être converties au judaïsme s’efface. Chaïm Hirschberg, qui écrivit une Histoire des Juifs d’Afrique du Nord dans les années 1960, minimisait les conversions, sans les nier. Cette bascule historiographique est liée à la progression d’un nationalisme juif cherchant à construire une homogénéité en exploitant le mythe d’un peuple juif exilé après la destruction du Second Temple de Jérusalem, en 70 apr. J.-C. Ainsi, tout juif serait un descendant des expulsés de Judée. Elle est aussi liée à l’hégémonie culturelle coloniale qui a écrasé la culture arabo-berbère juive et rendu honteuses les origines « indigènes ».

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Quelles ont été vos sources ?

Des pistes de recherches ont été lancées dans les années 1990 par le linguiste Paul Wexler qui a analysé le vocabulaire arabisant des juifs méditerranéens et décelé des pratiques révélant des conversions au judaïsme. L’éclaireur, c’est Shlomo Sand. Dans Comment le peuple juif fut inventé, il a débarrassé la judéité de son ethnicité. Il m’a encouragé et, en plus de son amitié, je lui dois beaucoup, en termes de méthode et d’appréhension critique de l’histoire. L’archéologie, l’épigraphie et les mythes fournissent quelques sources. Je me suis appuyé sur Flavius Josèphe et sur les premiers théoriciens de l’Église, d’origine berbère et préoccupés par l’expansion du judaïsme. L’Histoire des Berbères d’Ibn Khaldûn enfin évoque des tribus converties au judaïsme. Je pars du présent dans mon approche. En histoire, c’est le présent qui détermine le passé, pas l’inverse. Il faudrait peut-être davantage écrire l’histoire en commençant par la fin, une fausse fin évidemment, puisque c’est juste nous, maintenant.

L’Histoire des Berbères d’Ibn Khaldûn enfin évoque des tribus converties au judaïsme. © DR

Quelle est la thèse principale de votre livre ?

La thèse principale est que le judaïsme est un monothéisme comme les autres. Il fut un jalon dans l’affrontement entre le monothéisme et le paganisme, incarné par Rome. L’Afrique du Nord fut à la fois le terrain de cet affrontement et de celui entre les deux monothéismes concurrents, judaïsme et christianisme. Leurs stratégies diffèrent dans la conquête spirituelle de l’Empire romain. Le christianisme a isolé le judaïsme dans le mythe d’une « nation » errante et s’est distancié de son intransigeance zélote à l’encontre de Rome. En se transformant en religion conciliante et plus concrète, il a fini par triompher. Dans une certaine mesure, l’islam a repris le flambeau du strict monothéisme juif face à l’idéologie trinitaire chrétienne. Il y a assez peu de ruptures dogmatiques entre le judaïsme et l’islam.

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Vous développez également l’idée que le judaïsme fut prosélyte en Afrique du Nord…

Face au christianisme religion d’empire, le judaïsme s’est replié sur lui-même. Son élan missionnaire s’est toutefois maintenu dans des marges du monde méditerranéen, comme les arrière-pays berbères imbibés d’influences puniques. La saga de la Kahina, reine judaïsée des Aurès, comporte une part de mythe qui embrume le réel, mais lorsqu’un patient ment à son psychanalyste, ça veut quand même dire quelque chose de lui, non ? Elle témoigne d’une effervescence judéo-berbère africaine. Les frontières religieuses étaient poreuses dans ces régions. Il y régnait un monothéisme judaïsant hétérogène, mêlé d’animisme et de christianisme dissident. Le prosélytisme juif avait suscité l’intérêt d’Arthur Koestler à propos du royaume khazar. Je suis heureux de voir que des travaux universitaires sont entrepris sur le royaume juif prosélyte d’Himyar, au Yémen.

Pourquoi ce prosélytisme juif a-t-il rencontré une adhésion dans ce contexte particulier ?

Le judaïsme a trouvé en Afrique du Nord un terrain fertile. Cela tient au précédent de la civilisation punique qui élabora un matériel linguistique sémitique d’origine phénicienne, un vocabulaire, des rituels et des pratiques qui préparèrent l’implantation du judaïsme. Après la destruction de Carthage par Rome en 146 av. J.-C., ce matériel idéologique s’est échappé hors des murs de la cité vaincue et s’est diffusé en Afrique.

Il y avait donc en Afrique du Nord l’affrontement de deux universalismes, chrétien et juif, tous deux dotés d’une dynamique messianique ?

Du IIe au IVe, de Tertullien à Augustin, il y a une compétition terrible entre les deux monothéismes. Les cimetières juifs accueillaient des tombes chrétiennes et les synagogues étaient ouvertes aux « Craignant-Dieu » monothéistes hésitant entre judaïsme et christianisme. Ce sont les « tièdes » que Dieu vomit et qui constituaient un enjeu pour lequel judaïsme et christianisme se sont déchirés comme un couple en instance de divorce. Les théoriciens chrétiens voyaient les juifs comme des fanatiques excitant la colère de Rome et la poussant à persécuter les croyants.

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Avec l’arrivée de l’Islam au VIIe siècle, que se passe-t-il ?

Quand l’islam est arrivé, le christianisme avait triomphé de cette lutte. Au VIe siècle, Byzance s’imposa à Carthage et prit des mesures strictes contre les liturgies juives. Cela eut pour résultat de faire progresser le judaïsme dans l’intérieur. Afin d’échapper aux persécutions byzantines, des juifs de Carthage et du littoral se réfugièrent auprès des tribus berbères où le prosélytisme se poursuivit. L’islam n’a pas perçu les juifs d’Afrique comme des adversaires sérieux, car ils n’étaient appuyés par aucun empire. Ils furent même des alliés ; des contingents berbères juifs participèrent à la conquête de l’Andalousie au côté des musulmans. Ils furent probablement faciles à islamiser. L’islam se diffusa auprès de communautés berbères judaïsantes qui observaient déjà des interdits et des pratiques similaires à celle du nouveau monothéisme. Je ne suis pas certain que, pour elles, le passage du judaïsme à l’islam ait été très perceptible, ni qu’il ait changé grand-chose à leur quotidien.

Une autre thèse du livre est que « les juifs et musulmans ont une même identité qui a été tue ou repoussée ». Quelle est cette identité commune et pourquoi ce silence ?

Les juifs du Maghreb, particulièrement d’Algérie, de la génération qui s’est identifiée aux « pieds-noirs », ont souvent voulu se distinguer de ce qui est arabe ou « indigène ». C’est lié à la structure de la société coloniale où le racisme est un facteur d’intégration et où l’assimilation suppose l’identification aux Européens. Donc, on se rêve en « Séfarades », en Espagnols, l’origine européenne la plus proche. Je n’emploie pas le terme de Séfarades pour qualifier les juifs du Maghreb. Il y eut parmi eux d’authentiques descendants des expulsés d’Espagne, mais la majorité furent des Maghrébins.

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Tentez-vous de montrer qu’il existe encore un judaïsme diasporique qui a existé avec le ladino, le judéo-arabe, le yiddish ?

À ceci près qu’il n’y a pas, pour moi, de diaspora juive. Il y a des diasporas grecque, libanaise, arménienne… composées de « dispersés » partageant une même origine géographique et maintenant des liens avec le pays des aïeux. Pour les juifs, ce n’est pas le cas, l’origine géographique commune est fantasmée. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de liens spirituels avec Jérusalem, respectables aussi bien pour les juifs que pour les chrétiens, les musulmans ou les amoureux des vieilles pierres. Pour autant, les juifs, les chrétiens, les musulmans et les amoureux des vieilles pierres ne forment pas de diasporas. Pour ce qui concerne les langues, je préfère la diversité, je peux fredonner des chansons anarchistes en yiddish et des mélopées en ladino, mais une langue sert à communiquer et avec qui communique-t-on aujourd’hui en yiddish ou en ladino ? L’usage est toujours le plus fort, mais ça ne doit pas empêcher de faire vivre autrement ces langues, ce que faisait admirablement Isaac Bashevis Singer. Longtemps, la principale langue des juifs fut l’arabe. Elle a relié un espace allant de l’Irak à l’Andalousie et permit aux juifs de communiquer entre eux. Saadia Gaon traduisit la Torah en arabe au Xe siècle pour que des Arabes juifs la comprennent. Le grand penseur du judaïsme médiéval, c’est Moïse Maïmonide qui écrivait en arabe et était arabe, on devrait l’appeler par son nom véritable de Moussa ibn Maïmoun.

Vous écrivez que le statut des juifs en Afrique du Nord avec les Mellah n’était pas aussi dur que dans les ghettos européens…

Il y a eu des périodes de ségrégation oscillant sur le temps long. Pourtant, le statut de dhimmi ne fut pas appliqué partout de la même manière au Maghreb, voire pas du tout. Parfois, le mellah fut un quasi-ghetto. Le premier fut institué à Fez en 1438 sur le modèle des juderias d’Espagne. Il isolait les juifs en les plaçant à proximité du palais, sous la protection du sultan. Il ne faut pas être naïf : la protection implique la subordination, mais on ne peut pas comparer cela avec la situation des juifs des ghettos d’Europe et, à la veille de la colonisation du Maroc, les juifs n’étaient plus tenus de résider dans les mellahs. Il n’y a pas d’équivalent au yiddish, qui témoigne d’une communauté si isolée qu’elle use d’une langue spécifique. Les Maghrébins juifs parlaient la même langue que celle de leurs voisins musulmans. Le judéo-berbère et le judéo-arabe adoptent des accents et des tournures, mais c’est de l’amazigh et de l’arabe.

L’islam ne se définit pas dogmatiquement par rapport au judaïsme. Le christianisme s’est idéologiquement construit sur la notion d’un peuple juif déicide, et c’est une Europe déchristianisée qui a mis la judéophobie au service de la destruction génocidaire. La judéophobie au Maghreb n’est pas ancrée dans une histoire profonde, c’est pourquoi je parle de civilisation judéo-musulmane, mais pas de civilisation judéo-chrétienne.

Mais il y eut des émeutes antijuifs meurtrières aussi…

Les plus nombreuses eurent lieu en Algérie à la toute fin du XIXe siècle, dans la foulée de l’affaire Dreyfus et du climat antisémite et xénophobe importé depuis France, contre les « faux Français ». Elles furent dirigées par des leaders européens, comme Max Régis, rares furent les « indigènes » qui y participèrent.

Vous semblez dire que l’Algérie a été un terrain pour les antisémites européens ; Drumont y a été élu, par exemple, sous l’étiquette du parti antisémite…

Drumont fut élu député dans la circonscription d’Alger en 1898. La même année, il y eut d’autres élus ouvertement antisémites à Alger, à Oran et à Constantine. L’antisémitisme colonial ne concernait pas que la droite conservatrice. Un élu « antijuif », maire d’une commune de l’Algérois en 1899, déclarait qu’en Algérie l’antisémitisme était « la forme locale du socialisme ».

En quoi le décret Crémieux de 1870 a-t-il constitué une rupture, voire une cassure ?

Les autorités rabbiniques traditionnelles furent privées de leurs prérogatives sur les mariages, les naissances, les divorces, les décès, et sur l’enseignement. Les rabbins locaux furent remplacés par des rabbins venus de France. On se figure le décret Crémieux comme une seule mesure d’émancipation. Cette vision positive est guidée par le dégoût compréhensible envers le régime antisémite de Vichy qui l’abrogea. Mais cela ne doit pas nous aveugler sur le fait que c’est la globalité du système colonial qui généra des inégalités. Le décret Crémieux a divisé la société traditionnelle, précédant la discrimination institutionnelle matérialisée par le code de l’indigénat de 1881. Cela accentua les rancœurs entre musulmans indigènes et juifs devenus Français. Les juifs purent accéder aux écoles et aux postes refusés aux musulmans. L’articulation entre le décret de 1870 et le code de l’indigénat a brutalisé la société, nourrissant à la fois l’antisémitisme et le racisme antiarabe.

Votre livre questionne forcément le présent, notamment les identités en France et en Algérie…

Je vis en Algérie et je suis français, ça m’oblige à admettre que c’est un problème pour moi d’écrire sur la question coloniale ou même, en l’occurrence, précoloniale. Mon imaginaire est malgré moi nourri par des conceptions qui ont leur propre histoire et où les « Arabes » ont une place pas terrible, entre silhouettes folkloriques et brutes fanatisées. Il faut se bagarrer avec ça, sans pitié et sans innocence. La posture morale à l’égard du racisme est insuffisante, car c’est un système. Personne ne se pense raciste, pourtant, le racisme nous imprègne, c’est ça le vrai problème. Ce qui m’a intéressé, c’est de montrer qu’il y a une histoire du Maghreb avant la colonisation, qui n’est pas monolithique et où les identités s’ajoutent. Et puis, il ne faut pas être obsédé par l’identité, on en a plusieurs et aucune n’est pure.

* Professeur d’histoire-géographie au lycée international Alexandre Dumas, à Alger. Il collabore à la revue « Orient XXI ».

* * « Berbères juifs – L’émergence du monothéisme en Afrique du Nord », La Fabrique, 2020, préface de Shlomo Sand. Sortie le 19 mai 2020.

https://www.lepoint.fr/afrique/julien-cohen-lacassagne-au-dela-des-berberes-juifs-03-07-2020-2382849_3826.php

 

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Denis Cohen

Selon ce Monsieur il y a eu peu d’attaques anti juives, et elles ont surtout eu lieu au 19 ème siècle et dirigées par des français bien sûr.
Et les pogroms formentés par les musulmans depuis le début de leur conquête du maghreb pour convertir juifs et berbères jusqu’au pogrom de Constantine de 1936?
Ils ont commis par des européens ?
Pourquoi dédouaner la cruauté des musulmans maghrebins ?
Il est plus facile d’accuser les européens qui, il est vrai, ont une grande part de responsabilité dans les massacres effectués par les musulmans durant le 19 ème et le 20 ème siècle.
Quand au prosélytisme juif, il est formellement interdit par la religion juive. Qu’il ait été pratiqué, même à grande échelle, par certaines tribus berbères qui se considéraient comme juives est certainement possible et même probable.
Mais ces tribus berbères qui pratiquaient certains rites juifs n’étaient pas considérées comme juives par les rabbins de cette époque, car le prosélytisme est formellement interdit par la thora.

Marc

« Puissante est la Vérité, et elle triomphera ! » *Magnum Veritas Est, et Praevalabit ! ». Maxime reprise en exergue par David G.Littman.

Cette journée avec Bat Ye Or, Paul Fenton et David Littman s’est déroulée sous le sceau de cet adage qu’aime à rappeler David Littman : « Celui qui ne connaît pas son passé est appelé à le revivre ». Ce lien invisible relie ces 2 ouvrages, comme un souffle…
Entretiens : « L’Exil Au Maghreb ; La Condition Juive Sous L’Islam 1148-1912 », De Paul B. Fenton Et David G.Littman

« L’Exil au Maghreb ; La condition juive sous l’Islam 1148-1912 », de Paul B. Fenton et David G.Littman
Entretiens par Marc Brzustowski
Pour © 2010 lessakele © 2010 aschkel.info© 2010 Le Météor
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Magazine le Météor de Décembre
page 22-24-25
entretiens
* »Puissante est la Vérité, et elle triomphera ! »

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*Magnum Veritas Est, et Praevalabit ! ». Maxime reprise en exergue par David G.Littman.
Cette journée avec Bat Ye Or, Paul Fenton et David Littman s’est déroulée sous le sceau de cet adage qu’aime à rappeler David Littman : « Celui qui ne connaît pas son passé est appelé à le revivre ». Ce lien invisible relie ces 2 ouvrages (+ « Le Spectre du Califat…, de Bat Ye Or -à suivre-), comme un souffle…

« L’Exil au Maghreb ; La condition juive sous l’Islam 1148-1912 », de Paul B. Fenton et David G.Littman (P. Universitaires Paris-Sorbonne., 2010) est la première recension majeure authentifiée par des sources irréfutables sur la situation des Juifs sous le joug islamique durant 8 siècles, en Algérie et au Maroc.

Hors de toute polémique, il s’agit de poser les faits sur la table. Paul Fenton est directeur adjoint du Département d’études arabes et hébraïques de la Sorbonne. David Littman a entrepris des recherches dans les archives de l’Alliance israélite universelle, du Quai D’Orsay et du Foreign Office. Il est entré de plain-pied dans l’histoire des Juifs du Maroc, en 1961, au péril de sa liberté, par l’évacuation clandestine de 530 enfants juifs. Il était agent bénévole du Mossad, architecte de l’« opération Mural ». Il est porte-parole de plusieurs ONG en bute à l’ostracisme de l’ONU.

David.G.Littman : « -on parle des pogroms de Kichinev, Odessa…, les Juifs connaissent ça. Ils ne connaissent pas du tout les massacres de Fez en 1907, 1912, le massacre des Juifs en Perse, en Egypte, à Rhodes, après l’affaire de Damas (1840). Les Musulmans ont repris les idées de meurtre rituel… ». Et de refaire le parcours de la rumeur, depuis les Grecs antiques d’Alexandrie contre… les premiers Chrétiens, en passant par Norwich en 1046, jusqu’à « l’affaire de Damas » …

Il s’agit d’une description sobre, dépouillée, tragique, assortie de la richesse des illustrations et témoignages : alors que le Judaïsme maghrébin jouait un grand rôle jusqu’au XIè, le règne des Almohades, au XIIè siècle, a anéanti les communautés urbaines. Les Juifs de Fez sont massacrés jusqu’au dernier en 1465. A cette époque, les Chrétiens disparaissent totalement de cette région, alors qu’ils subsistent en Lybie, Syrie, Egypte, Irak… Ils y laissent les îlots juifs seuls face à l’Islam : c’est ce qui fait de cette étude un joyau anthropologique incomparable. Les minorités juives se réfugient toujours plus loin vers le Sahara, se cachent dans le Touat. Les réfugiés d’Espagne et du Portugal s’installent en 1393 et 1492, dans les villes portuaires de la Méditerranée (Oran, Mostaganem, Alger, Tlemcen…). Ils donnent un second souffle à ces communautés décimées. Les questions s’enchaînent sur ces conditions de survie, autour de l’évaluation du statut de « dhimmi » comme ayant le moindre sens de « protection » :

Paul.B.Fenton : C’est un terme mal choisi qui donne lieu à des incompréhensions. Ce n’est pas être « protégé de l’extérieur, d’invasions », c’est être protégé des Musulmans eux-mêmes ! Contre les attaques de leurs concitoyens. Dans l’expansion islamique, celui qui refusait la conversion était mis à mort. Or, un Juif, un Chrétien, qui acceptait le joug de la soumission avait droit à une garantie contre sa mise à mort. C’est au gré des circonstances historiques. Au moment de l’arrivée des Juifs d’Espagne, au début, les autorités ont fait bon accueil aux Juifs, parce qu’ils ont vu l’utilité pour l’Etat. Mais, pour les théologiens, cet avènement des Juifs, parfois à des positions d’éminence, constituait une rupture du pacte de la dhimmitude. Il fallait réagir. Le Sultan Watasside est considéré par Terturlien comme un Juste des Nations, pourr l’accueil réservé aux Juifs. Mais, en même temps, en 1505, al-Maghili réagit de façon très violente, avec une haine viscérale des Juifs. Qui va enclencher une nouvelle tradition en Afrique du Nord, de la haine qui durera jusqu’au 20è siècle. Il anéantit les Juifs du Touat. L’histoire de l’Afrique du Nord est ponctuée par des évènements qui vont provoquer des vagues d’antisémitisme dont les Juifs subissent le contrecoup. Les éléments arabes étaient souvent hostiles aux Berbères et vis-versa, il y a eu des soulèvements et les Juifs ont subi autant en milieu berbère qu’arabe. Le milieu arabe était surtout urbain, alors que le milieu berbère était rural. Les communautés y sont plus réduites, mais ça va jusqu’à l’esclavage par rapport au maître berbère. Il semble que les Turcs les ont dépassés en cruauté, ils sont plus rustres que les Arabes et d’autant plus que ceux qui arrivent en Algérie sont des Janissaires, des « sauvages ».

DL : il y a, parmi les Janissaires, beaucoup de Chrétiens convertis, d’Europe du Sud ottoman (Balkans, Grèce). Ceux qui avaient été pris, les familles devaient donner des enfants régulièrement pour entrer dans l’armée, on les convertissait automatiquement à l’Islam et ils pouvaient arriver à des postes importants.

PF : C’est une constante dans l’Islam, ça fait partie à la fois des sources scripturaires, les Hadiths, depuis Médine, puisque la confrontation avec les Juifs imprègne les pages du Coran. Puis ce sera élaboré par les juristes, au VIIIème siècle avec Omar II, et développé de génération en génération.

P. Fenton : Un des aspects actuels de notre travail est qu’on est face à un problème où l’antisionisme est le faux-nez de l’antisémitisme : pour certains : « nous sommes tous des Sémites ». Donc l’antisionisme ne serait pas « antisémite ». Mais notre livre, par ricochet, montre, dans les faits, qu’il y a une longue tradition de l’antisémitisme [traduction impropre de « Juden Haas »] dans l’Islam, et que c’est l’antisémitisme qui a fécondé l’antisionisme et non l’inverse. Le 2è aspect de l’actualité de ce livre, c’est un passé réactualisé, étant donné que l’aile militante de l’Islam aujourd’hui, ce sont des Salafistes, des gens qui préconisent un retour au passé, tous ces vieux clichés, attitudes, risquent d’être réactivés.

Nous évoquons le sort des Juifs convertis à l’Islam, souvent plus « royalistes que le roi », mais qui se plaignent au Sultan de l’interdiction de commercer sur le marché, parce que les Musulmans redoutent le savoir-faire par atavisme de ces descendants. Ou le refus d’épouser des descendantes de « convertis », dont certains conservent des pratiques clandestines, d’autres, une érudition particulière dans le traitement des textes juridiques de l’Islam. Le statut des « privilégiés » juifs, « amis du Sultan » est précaire, suspendu au-dessus de l’abîme. Lorsque la classe dominante ne peut payer ses troupes, elle offre le « pillage du mellah » à ses soudards. Parmi les masses analphabètes, chacun conserve les services de « son Juif ». De là naîtront des amitiés asymétriques, toujours relatives au savoir-faire (commercial, administratif, linguistique…) que ne maîtrise pas le Musulman de la rue. Malgré les interventions d’hommes illustre, comme Moses Montefiore, les mauvais traitements ne cessent pas , mais redoublent au moment de la pacification de l’Algérie. Les masses se vengent de l’acquisition, par les Juifs, de l’égalité statutaire avec le colonisateur. Cette dépendance est perceptible par le témoignage vécu de David Littman, dans les années 60 : le Roi refuse de laisser partir « ses Juifs », ou seulement plus tard, contre argent sonnant et trébuchant…

Quelle « radioscopie » tirer de cet enseignement redoutable ? Le livre ne fera pas l’économie du déni des tenants de la thèse de « l’âge d’Or d’Al-Andalous »… « jusqu’à la colonisation ». Mais les faits sont têtus. Les auteurs ne doutent pas qu’il leur faudra d’abord convaincre les intellectuels arabisants, avant un nécessaire examen de conscience. Celui-ci a bien eu lieu en Allemagne, en Europe. Elle est une condition sine qua non et la véritable chance, qui n’a pas encore été saisie, de la Paix. David Littman, depuis son poste d’observation à l’ONU, reprend les propos radicalement antisémites du Ministre de la Défense syrien, Mustafa Tlass, adepte du « protocole des Sages de Sion ». De toute évidence, la maturité morale en passe par la modernité démocratique dans l’éducation et la culture… Elle n’est pas pour demain, pour la plupart de ces régimes.

Asher Cohen

Article de propagande antijuive sans intérêt tellement il regorge de mensonges par omissions, d’évaluations non objectives, le tout pour servir un propos délirant, d’ailleurs dans une grande confusion.

Les premiers Juifs ne sont présents en AFN qu’à la fin de l’Empire Romain, vers le 4ième siècle, pour des raisons commerciales. Ils ne se mélangent pas aux populations locales. Il y a peut-être eu des Berbères qui ont judaïsé, partiellement d’ailleurs,les prosélytes de la porte de synagogues, mais ils n’ont pas pu être convertis en masse car le Talmud l’interdisait, ce qui a laissé l’Eglise les évangéliser. On n’a trouvé aucune preuve, ni archéologique, ni linguistique, ni anthropologique d’un judaïsme berbère. Si ce type de judaïsme avait réellement existé, les traces et vestiges n’auraient-pas pu être entièrement détruites dans un espace aussi vaste. A l’arrivée des arabes, la majorité des Berbères étaient chrétiens, et tous les Berbères récemment judaïsés on été islamisés par force. Ne sont alors restés Juifs que ceux qui étaient originaires de l’ancienne Judée. Une fois soumis à l’Islam, il n’y a pas pu y avoir de sortie de berbères de l’islam vers le Judaïsme, sous peine de mort pour apostasie. Dans tous les cas, le Maghreb a probablement été parfaitement Judenrein au 13ième siècle du fait des Almohades. Les Juifs présents en AFN après 1391 sont tous venus d’Espagne, et peut-être après 1492 du Royaume du Touat détruit. Les Juifs Séfarades n’ont rien à voir avec les Juifs présents avant le 13ième siècle en AFN. Tous leurs textes sont en Hébreu médiéval, comme en Espagne. Je verrais mal un berbère judaïsé s’appeler Serfati (Français), ou Askénazi, ou Tolédano (Tolède) ou Marciano (Murcie), ou Aboulker (Abulkerque), ou Lévi, Cohen, Benézra (Ibn Ezra), Ben zaquen, etc..Enfin à l’arrivée des Français en 1830, il n’y a pas 15.000 Juifs dans la Régence d’Alger, vivant quasiment tous dans les plus grandes villes, et ce sur les 3 millions d’habitants que comptait alors ce territoire, ce qui est extrêmement faible.

Il y a une jalousie obsessionnelle de cette Nation Juive et de ses réalisations, notamment dans l’Espagne Médiévale. Quand on pense que durant tout le Moyen-Âge il n’y a eu aucun traité de Philosophie, Mathématiques, Grammaire, Astronomie, Médecine, etc.. rédigé en langue vernaculaire Française et que durant tous ces siècles, tous ces traités furent rédigés en Hébreu par des auteurs Juifs, qui d’ailleurs affichent un mépris pour les religions qui cherchent à les imiter, il y a de quoi s’inquiéter pour l’Europe si l’on croit que l’Histoire n’est qu’un perpétuel recommencement, ce que même Marc Bloch a fini par admettre en 1940. Comme je plains les propagandistes antisémites haineux, surtout les Juifs pétris de haine de soi.

le Chat Dort

citer schlomo sand suffit a décrédibiliser l’ ouvrage

et quand je lis
«  »des contingents berbères juifs participèrent à la conquête de l’Andalousie au côté des musulmans. » »

faut avoir lu l’ historien El Bekkri pour y apprendre que le père de Tariq ibn Ziyad, (jabal tariq) était un berbère juif qui se convertit a l’ islam, vu les formidables perspectives de gloire que lui offraient les arabes qui envahirent le Maghreb

et ces contingents berbéres juifs trouvèrent sur place l’ appui actif des juifs locaux qui en ont longtemps bavé sous la férule chrétienne des Wisigoths profondément antijuifs

lleurs descendants a ces wisigoth seront les producteurs de l’ Inquisition qui se vengeront 8 siècles plus tard comme on le sait

parmi ces juifs berbères, plus nombreux au Maroc qu ailleurs on retiendra les noms tels que Melloul,Bouzaglo, Azancot, Aflelou, knafou, Abergel,Chriki et autres Assouline

plusieurs sont cités dans l’ ouvrage dit El Kitab al-3ibar , d’Ibn Khaldoun , bien moins connu que la Mouqadima…….

je crois que la dernière photo de ce billet représente des juifs berbères de Illigh dans le Sous, pays Chlouh ou ils communiquaient en Tachelha, comme leurs voisins d’ algerie du sud en Chaoui Imazighene

Makha

Je ne donne aucune importance à ce monsieur pas contre en lui mais quand on sait que la moindre hypothèse a l’encontre de l’algerie il serait cloué sur le pillori.
Quant il prétend que le Judaisme a pris à l’islam Certaines loi ça me fait bien rire alors que c’est l’inverse.

andre

Si, comme l’auteur l’ecrit, « l’eclaireur, c’est Shlomo Sand », on peut se dispenser d’acheter ce livre, et le jeter tout de suite si on l’a achete. Non, tout point de vue ne merite pas d’etre entendu: pas s’il est motive par la haine et entretenu par la volonte de nuire.