Erdogan cède

Les derniers gestes de la Turquie pourrait signifier d’importants changements en Syrie. 

Turkey

Le triple-attentat contre l’aéroport d’Istanbul, en début de semaine, a jeté de l’ombre sur un geste signifcatif fait par le gouvernement turc, qui éclaire d’un jour nouveau l’échec de sa politique en Syrie : le Président Recep Tayyip Erdogan a  présenté ses excuses à la Russie pour la mort du pilote russe dont l’avion a été abattu par la Turquie en novembre dernier.

Cela survient alors que la Turquie est aussi en train d’amender ses relations avec Israël, qui constitue une nouvelle reculade quant à la position pro-Arabe inflexible d’Erdogan d’il y a quelques années. Cela pourrait bien déboucher sur des accords gaziers très lucratifs, permettant à Israël de livrer du Gaz en Europe, grâce à un pipeline à travers la Turquie, dès qu’il serait construit. En d’autres termes, cette réconciliation est difficile à concevoir comme une mesure timorée et seulement temporaire.

Cela dit, ce sont les effort d’Erdogan pour rafistoler ses relations avec la Russie, le principal appui de Bachar al-Assad, et pour faire référence à ce pays comme parlant d’un « ami et partenaire stratégique » qui a représenté la principale concession de taille. Elle souligne effectivement que la coalition régionale contre Assad s’est désintégrée.

Cela ne veut pas dire que la Turquie a abandonné ceux qui combattent le régime syrien, mais plutôt que d’autres priorités ont maintenant pris le dessus d’un pays qui s’est presque entièrement focalisé sur la Syrie au cours de ces dernières années. Les Turcs doivent désormais se tourner vers d’autres questions pressantes, par-dessus tout, la question kurde, mais aussi la situation économique difficile, que le fossé qui s’est creusé avec la Russie n’a fait qu’exacerber et que la réouverture des contacts avec Israël peut aider à soulager la pression.

Mais Erdogan n’est pas le seul dans ce cas. Le deuxième pilier de la coalition anti-Assad, l’Arabie Saoudite, s’est éloignée de Syrie. Le Prince Mohammad bin Salman cherche à réorienter l »économie saoudienne loin de sa dépencdance au pétrole et réduit ses dépenses dans tous les domaines. Par conséquent, l’attention de Riyad envers la Syrie s’est atténuée, une tendance qui ne fait que se renforcer à la mesure de l’impasse au Yémen.

Pour de nombreux pays arabes, la situation en Syrie a atteint un point où l’intérêt prévalent conduit le pays vers un terme, sans que personne n’engrange de points stratégiques. Cet état d’esprit était déjà perceptible, quand l’Egypte et la Jordanie ont tourné le dos au conflit, en changeant d’attitude envers l’opposition anti-Assad. Au début de cette année, la coalition arabe contre Assad n’existait déjà plus que par le nom.

Assad et ses soutiens peuvent prendre plaisir au fait que leur politique destructrice au cours de ces cinq dernières années a virtuellement assuré que le régime syrien demeurerait en place. Tous ceux qui se sont ligués contre lui, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur de la région, ont plus ou moins renoncé au combat, même si le seul résultat visible est le chaos.

Cela ne signifie pas pour autant que la guerre en Syrie est terminée, mais qu’elle a atteint un état d’inutilité. L’avenir d’Assad n’est plus sur la table, comme la rupture des négociations de Genève l’a clairement exposé. Le défi que pose Daesh a donné naissance à dee nouvelles dynamiques, conduisant les Etats-Unis à soutenir les forces kurdes en Syrie, dont les succès menacent la Turquie. L’intervention russe,  bien que tout-à-fait barbare en certains endroits, n’a pas porté préjudice à ses relations diplomatiques avec la majorité des ennemis d’Assad. En d’autres termes, tous les développements ont eu pour conséquence de renforcer la position du Président syrien.

Le seul problème d’Assad est qu’il ne dispose pas de la main d’œuvre nécessaire pour reprendre tout le territoire que son régime a perdu. Partout son armée combat et la volonté de ses alliés chiites soutenus par l’Iran, en son nom n’est pas garantie. Par exemple, en dépit des déclarations fracassantes du contraire,  faites par Hassan Nasrallah, la semaine dernière, des rapports non-confirmés indiquent que le Hezbollah a dit au régime syrien qu’il refuse de mener l’assaut pour la reconquête d’Alep, craignant devoir perdre trop d’hommes dans la bataille.

Le côté positif de l’histoire de cette impasse sanglante est qu’elle peut faciliter une solution en Syrie. Cependant, cela n’est pas près de se produire bientôt, puisque les ennemis d’Assad, même s’ils sont affaiblis, ne sont pas à l’aube de renoncer à leur exigence qu’il démissionne de son poste. Il y a des dizaines de milliers d’hommes en armes, probablement plus, en Syrie, qui ne voudront pas, soudainement cesser les combats contre lerégime et rentrer chez eux. Personne ne peut gagner cette guerre, mais aucun bord n’admettra non plus de si tôt qu’il en est incapable.

Mais, avec ces excuses d’Erdogan à la Russie, une marge de manœuvre plus large est créée, facilitant la diplomatie. Les Saoudiens, empêtrés au Yémen, sont incités à participer à un nouveau cycle de pourparlers sur la Syrie. Le défi consiste à les persuader de le faire, alors que de son côté l’Iran participe aussi et de trouver une façon de procéder à une désescalade de la rivalité toxique saoudo-iranienne.

Il est improbable qu’on abandonne formellement les accords de Genève comme cadre de discussion, et c’est pourquoi ces négociations doivent être menées tranquillement afin de forger un arrangement amendé. Assad peut constituer un poison, mais pour trop de pays à Genève, il est devenu un obstacle à tout accord. Un cadre plus ambigu, où on choisit délibérément de laisser le sort d’Assad dans le vague, serait préférable, si on veut avancer.

En tant que voisin le plus puissant de la Syrie, la Turquie a toujours été le pivot de la coalition anti-Assad. Erdogan s’est effectivement retiré de Syrie et l’attentat contre l’aéroport d’Istanbul n’aura fait que le persuader un peu plus qu’il a eu raison de le faire. La guerre en Syrie va continuer, mais avec la possibilité d’une position beaucoup plus neutre de la part de la Turquie, le modèle de cette guerre appliqué lors des cinq années passées, a changé de façon décisive.

MICHAEL YOUNG

Publié le : 30/06/2016 10:48 AM

Michael Young est écrivain et journaliste à Beyrouth. Il tweete sur : @BeirutCalling.

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Adaptation : Marc Brzustowski

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