Syrie: cerné de cadavres dans Kobané, un « sniper » kurde expose ses exploits

 

Musa, 25 ans,
Musa, 25 ans, « sniper » kurde, raconte ses exploits lors de la reconquête de la ville syrienne de Kobane Bulent Kilic  /  AFP

« Celui-là, je l’ai tué d’une balle dans la tête alors qu’il essayait de s’enfuir. Les autres, c’était plus facile. Ils n’arrivaient pas à courir vite ». Au milieu des ruines de Kobané à peine libérée, Musa trône fièrement devant ses victimes jihadistes.

Neuf combattants du groupe Etat islamique (EI) gisent alignés au bord d’une rue du hameau de Khamlici, à quelques kilomètres au sud du centre de la ville.

A des journalistes de l’AFP qui ont pu entrer dans Kobané, Musa affirme les avoir abattus aux dernières heures de la bataille, alors qu’ils battaient en retraite face aux miliciens kurdes des Unités de protections du peuple (YPG).

Les combattants kurdes ont repris le contrôle de la ville lundi, au terme de plus de quatre mois de combats acharnés qui ont fait, selon les observateurs, au moins 1.800 tués, dont près de 1.200 dans les seuls rangs jihadistes.

« Je les ai eus à 400 m de distance », se souvient-il en exhibant fièrement le fusil de précision Kanas, de fabrication russe, dont il ne se sépare jamais. « Ils s’apprêtaient à s’enfuir à découvert pour rejoindre leurs camarades, ils n’ont pas réussi »…

Un bonnet vissé sur la tête, le visage mangé par une épaisse barbe noire, le combattant kurde d’origine iranienne, âgé de 25 ans, n’est pas avare de détails sur ses faits d’armes.

Dans un turc parfait, appris du temps où il faisait de la contrebande entre la Turquie et l’Iran, il raconte comment le téléphone portable d’un de ses ennemis, un jihadiste turc originaire de Manisa (ouest), s’est mis à sonner quelques heures après sa mort. Au bout du fil, sa famille qui cherchait désespérément de ses nouvelles.

« Nous leur avons dit que leur fils était ici, mais qu’il était mort », dit Musa. « Ils nous ont supplié de conserver le corps pour pouvoir au moins l’enterrer au pays, en Turquie. C’est pour cette raison qu’ils sont encore ici ».

Et d’ajouter que, d’habitude, les corps des jihadistes tués sont rapidement brûlés pour empêcher la propagation des maladies.

Installé en Rojava, la région à majorité kurde de la Syrie, depuis trois ans, Musa a rejoint le front de Kobané dès le début de l’offensive jihadiste. Quatre mois de combats ininterrompus, jour et nuit, face à un ennemi redoutable.

‘Pas une guerre normale’

« Ce n’était pas une guerre normale », souffle le jeune Kurde. « Dans une guerre, il y a une morale, une culture et même des règles. Mais Daesh (l’acronyme arabe du groupe EI) ne respecte aucune de ces règles », poursuit-il, « eux, ils avaient tous en tête l’idée de mourir en martyrs pour aller au paradis ».

Musa n’en dira pas plus. Il est l’heure de retourner vers le centre de Kobané, plus sûr. Au-delà des faubourgs, les jihadistes rôdent encore.

A l’entrée sud de la ville, des combattantes du YPG montent la garde et tentent de se réchauffer autour d’un brasero. La pluie froide tombe sur les bâtiments éventrés. Leur chef(fe), tout sourire, salue les journalistes. Dans son treillis kaki, elle se recoiffe rapidement, discrète coquetterie après le fracas des armes.

Musa lui demande de raconter « sa » bataille mais elle refuse obstinément. « J’ai du travail ».

Alors, sans se faire prier, son compagnon d’armes continue à évoquer la sienne. « La guerre a été très dure mais nous avons gagné contre un ennemi hors du commun, qui n’a cessé de décapiter les civils et les combattants ».

Autour de lui, le silence et la désolation règnent en maîtres absolus. Encadrés d’immeubles rasés, les rues sont jonchées de gravats, encombrées de véhicules perforés. Au loin, quelques coups de feu ou tirs d’obus claquent encore, sporadiques.

Un autre combattant a rejoint Musa. Il témoigne de l’âpreté des combats, de la motivation de ses ennemis. « On les tuait mais ils revenaient chaque fois plus nombreux », se souvient Dijwan Gever, 20 ans à peine. Mais il en est sûr, la victoire est acquise, définitivement. « Les villages autour seront bientôt libérés », pronostique-t-il.

Dijwan est moins affirmatif quand on lui parle d’un retour rapide des 200.000 habitants de la région, en grande majorité des Kurdes, qui ont fui pour la Turquie voisine. « Ils vont revenir, un jour », se contente-t-il de répondre.

Musa le sait, lui aussi. Le nettoyage et la reconstruction vont prendre du temps. Des obus de mortiers non explosés gisent encore dans les rues. « Ca va venir », promet-il, « il nous faut encore un peu de temps pour retrouver nos esprits après tant de mois de guerre ».

 

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ladepeche.fr

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