INTERNATIONAL – Elle a vécu l’enfer. Une adolescente marocaine, Khadija, a raconté à un média en ligne avoir été kidnappée, violée, tatouée de force et martyrisée pendant plus d’un mois par un groupe d’hommes. Son témoignage a choqué le Maroc, et suscité une importante mobilisation sur les réseaux sociaux.
La jeune fille a été interviewée à visage couvert par Chouf TV, une télévision sur le web. Sur la vidéo publiée le 21 août, Khadija Okkarou, 17 ans, affirme avoir été enlevée trois mois plus tôt devant le domicile de sa tante à Fqih ben Saleh dans le centre du pays (voir sur notre carte en bas de cet article), par des garçons connus pour appartenir à une « bande dangereuse ».
« Ils m’ont séquestrée pendant près de deux mois, violée et torturée (…) Je ne leur pardonnerai jamais, ils m’ont détruite », dit-elle, en montrant des traces de brûlures de cigarettes sur son corps et tous les tatouages graveleux qu’ils lui ont fait, des symboles, une croix gammée, des dessins et des insultes.
À l’hebdomadaire Telquel, elle dit avoir été emmenée par le groupe « dans un terrain vague [qu’elle] ne connai[t] pas ». « J’ai essayé de fuir à plusieurs reprises, mais ils ont réussi à m’attraper. Ils m’ont alors frappé (…) Ce sont des criminels qui ne me donnaient ni à manger ni à boire et ne m’autorisaient pas à me laver », raconte la jeune fille.
Au bout de deux mois, « mon père a appelé l’un d’eux et lui a promis de ne pas porter plainte. Ils m’ont alors déposée en moto devant chez moi », ajoute-t-elle auprès de Telquel.
« Mon père leur avait dit de me libérer et il leur a promis de ne rien dire aux autorités. Mais c’est moi qui ai tout dit aux gendarmes. Je veux la justice et qu’ils paient pour ce qu’ils m’ont fait », a-t-elle indiqué à Chouf TV.
D’après elle, l’un de ses tortionnaires recevait de l’argent de ses violeurs.
12 personnes interpellées
Selon son père, Mohamed Okkarou, trois de ses agresseurs, à propos desquels aucune information n’a filtré, ont été arrêtés samedi 25 août. Il affirme également que la première audience du procès aura lieu le 6 septembre.
Au total, 12 personnes ont été interpellées dans le cadre de cette affaire, a indiqué à l’AFP Naima Ouahli, membre de l’Association marocaine des droits humains à Beni Mellal, près de Fqih ben Saleh.
« Son état est stable, nous essayons de la soutenir, de lui assurer que justice lui sera rendue et de lui dire qu’elle n’y est pour rien (…). Nous sommes émus par l’élan de solidarité avec elle », a affirmé son père.
Un « détatoueur » tunisien souhaite lui venir en aide
Le mot-clé #noussommestouskhadija accompagné d’un dessin de femme nue, tatouée, le visage barré d’un « SOS », est devenu viral sur Twitter après la publication de son témoignage dans des médias marocains.
Une pétition, destinée à lui fournir des soins et une aide psychologique, avait recueilli lundi midi plus de 13.750 signatures.
Un homme aimerait aussi pouvoir faire disparaître ses tatouages qui l’empêchent de sortir de chez elle. Le tatoueur tunisien Wachem « Fawez le tatoueur », également « détatoueur professionnel », a annoncé sur Facebook avoir pris contact avec le père de la victime et avoir l’intention de la faire venir en Tunisie pour lui enlever l’encre laissée dans sa peau par ses bourreaux.
Le nombre d’affaires de viols au Maroc a doublé en 2017
Le choc est immense au Maroc. Le sujet est d’autant plus sensible dans le royaume qu’il fait écho à de précédents faits divers ayant ému l’opinion.
À l’été 2016, une mineure de 16 ans s’était immolée par le feu après avoir été victime d’un viol collectif, ses agresseurs l’ayant fait chanter en la menaçant de diffuser des vidéos de son viol.
Les prévenus avaient été remis en liberté provisoire avant leur procès, ce qui avait suscité un scandale. Huit personnes ont été condamnées à des peines allant de huit à 20 ans de prison.
Un des cas les plus célèbres de la cause féminine reste celui d’Amina Filali, une adolescente de 16 ans qui s’était elle aussi suicidée en 2012 après avoir été contrainte d’épouser son violeur.
La mobilisation civile après sa mort avait débouché sur l’abrogation de l’article 475 du code pénal, qui permettait aux violeurs d’échapper à la prison en épousant leur victime.
Le nombre d’affaires de viols traitées par la justice marocaine a doublé en 2017, passant de 800 en moyenne à 1600.
Ce crime est doublement douloureux pour les victimes, souvent considérées comme les premières coupables par une société empreinte de valeurs traditionnelles.
Le Maroc a adopté en février une loi relative à la lutte contre la violence faite aux femmes, sanctionnant pour la première fois le harcèlement.