Denécé : un autre point me paraît tout à fait important de signaler, c’est ce qu’il se passe à Alep en ce moment parce que là, on est à mon sens sur une falsification de l’information qui est énorme.

Bien sûr qu’il y a une guerre civile en Syrie, bien sûr que la situation d’Alep est inadmissible, ceci dit, ça ne concerne que 30 % d’Alep, ça concerne soit des civils qui sont pris en otage par les djihadistes, soit des gens qui refusent de quitter les quartiers parce qu’ils soutiennent ces mêmes djihadistes. On ne vous parle pas de tout ce qu’il se passe ailleurs en Syrie…

Calvi : on se fait rouler dans la farine avec Alep ?

M Denécé : on se fait rouler dans la farine avec Alep  ! Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des victimes innocentes qui périssent, mais j’insiste sur ce point…

Calvi : y a bien une ville qui est détruite enfin bon…

Denécé : il y a un tiers des quartiers d’Alep, seulement un tiers, qui sont victimes des bombardements, et j’insiste, c’est un tiers de la ville dans lequel les djihadistes dangereux sont présents et ce sont ces djihadistes qui depuis des années tirent sur les quartiers chrétiens, tirent sur le reste de la ville, ce dont on ne parle jamais. On ne parle pas non plus du massacre humanitaire que conduisent les Saoudiens aujourd’hui au Yémen, où systématiquement des hôpitaux sont ciblés, où des sites archéologiques sont détruits ; un de nos contacts qui rentrait du terrain l’autre jour nous disait la chose suivante : «  en Syrie, il y a des tas d’endroits où les choses se passent, bien », c’est vrai qu’on peut aller dîner dans la rue le soir dans les quartiers de Damas, les gens de Damas vont passer l’été dans des bungalows à Lattaquié au bord de la mer..

Calvi : ça rappelle que c’est une situation qu’on a connu notamment au Liban.

M.Denécé : voilà, donc le pays n’est pas à feu et à sang. Au Yémen c’est totalement différent, il n’y a quasiment pas un kilomètre carré qui ne soit pas bombardé par les Saoudiens, dans lequel les combats n’ont pas lieu. On ne parle pas de ça.

Il y a un autre point que je voudrais évoquer c’est que nous avons eu dans les années 90 dans une ancienne colonie française, le Congo, une guerre civile qui a fait 400 000 morts sur 4 millions d’habitants, 10 % de la population, on n’en parle pas non plus.

Donc, aujourd’hui, le focus qui est mis sur la Syrie d’une part et sur Alep avec les désinformations qui les accompagnent est une falsification complète de la réalité, ce qui ne veut pas dire qu’on défende Bachar Al Assad, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas des victimes civiles qui disparaissent, mais, il y a quelque chose d’extrêmement dangereux. Pour un jeune islamiste aujourd’hui, la façon dont les médias occidentaux présentent   la crise syrienne est une motivation pour passer à l’action.

Calvi : comment l’expliquez-vous justement cette situation et ce manque de lucidité ? En l’occurrence, ce que vous êtes en train de nous expliquer l’a été à ma surprise aussi en partie, très largement par les invités de l’émission que nous avons consacré la semaine dernière à Alep.

Je vous le dis franchement, je m’inquiétais tout simplement d’être en train de faire une émission révisionniste sur ce qui est entrain de se passer au même moment et qui tire des larmes au monde entier, donc…

M.Denécé : là par exemple, c’est très frappant, on voit la communauté syrienne en France et dans d’autres pays européens qui est absolument scandalisée de voir la façon dont les médias présentent la situation.

Alors, je pense que nos médias en France, et je suis obligé de rester un peu général, sont un peu suivistes du mainstream médiatique qui est impulsé et imposé par les médias anglo-saxons et par les médias arabes qui eux ont intérêt à présenter la situation en Syrie comme quelque chose d’absolument scandaleux, et comme toujours, 300 000 morts dans cette guerre, 5 ans de guerre civile, c’est quelque chose d’horrible, y a à peu près 90 000 militaires qui ont été tués, il y a à peu près 60, 70 000 personnes soutenant le régime ou en tous cas neutres qui ont été massacrées, on nous présente les faits comme si Bachar avait tué 90 % de la population, ce qui est inexact, ce qui ne veut pas dire que ce soit un saint.

Calvi : C’est extrêmement grave ce que vous nous dîtes, parce que ça veut dire que nous participons d’une façon ou d’une autre à la naissance des djihadistes et des assassins de demain ?

M.Denécé : De deux façons, en étant toujours en relation avec des États qui encouragent directement ou indirectement le djihadisme, par le wahhabisme notamment, l’Arabie Saoudite et le Qatar, et de l’autre côté sur ce qu’il se passe aujourd’hui à Alep, le fait de mettre le focus en montrant à tort, que les pauvres populations islamistes de ces quelques quartiers d’Alep sont des victimes de l’occident, et bien, on redonne du carburant à ceux qui dans nos banlieues où à l’étranger considèrent que le peuple arabe dans le monde est victime de l’ostracisme occidental et ça les pousse à passer à l’acte.

Les crises

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2 Commentaires
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Danielle

En ce moment entre les cloches de Noel, les sapins et les crèches on ne voit plus rien aux informations.
Eric Denécé a divulgué des informations qui n’ont même pas été soulevées en France dans le milieu journalistique , à savoir ; l’Arabie Saodite qui détruit le Yémen, le Qatar qui encourage les djihadistes, et j’en passe.
Et vous voulez que l’on fasse des éloges aux Israéliens qui soignent des Syriens ?

parmentier

L’ONU préfère pudiquement détourner les yeux et condamner Israël, c’est beaucoup moins risqué ! Par contre, pas un mot sur les milliers de syriens soignés dans les hôpitaux israéliens !