Nous avions déjà écrit sur l’une des étoiles montantes du Likoud, Moshé Kahlon, proche de Benjamin Netanyahou, qui avait l’avantage d’allier les théories traditionnelles de droite avec une sensibilité sociale parce qu’il ne pouvait pas rester indifférent aux difficultés croissantes d’une classe de plus en plus nombreuse d’israéliens.
Les problèmes ne touchent plus uniquement les populations arabes et les juifs orthodoxes, mais tout un pan de la classe moyenne écrasée par les familles d’oligarques juifs qui mettent le pays en coupes réglées.

Découragement

De nombreuses rumeurs ont couru sur les raisons qui ont poussé Kahlon à refuser de se représenter sur la liste du Likoud, malgré l’insistance de Benjamin Netanyahou.

Certains même le voyaient à la tête d’un nouveau parti crédité de 13 mandats à la Knesset.

Mais il semble que les étoiles montantes, les quadra politiques, ne sont pas en odeur de sainteté dans les vieux partis dirigés encore avec des méthodes soviétiques où les adeptes de la gérontologie s’accrochent à leurs sièges avec toute l’énergie du désespoir.

Les partis ne savent plus retenir leurs jeunes parce qu’ils ne leur offrent au mieux que des strapontins, à condition d’entrer dans le rang, de n’émettre aucune critique et de respecter les injonctions du comité suprême.

D’ailleurs, le premier ministre israélien a subi cette semaine deux défaites qui l’ont forcé à avaler la pilule, d’une part avec Barack Obama qu’il n’avait pas choisi et Naftali Bennett qu’il s’est vu contraint de féliciter alors qu’il avait misé sur sa défaite.

Bennett est un transfuge du Likoud, autrefois étoile montante qui s’est senti étouffé par la personnalité imposante d’un leader qui ne lui laissait aucun espace politique.

Héros de l’armée et du high-tech


Sayeret matkal

Né en 1972, Bennett a servi dans l’unité d’élite Sayeret Matkal du chef d’État-Major et dans l’unité Maglan comme commandant de compagnie.

Il n’a pas fait carrière dans l’armée et a préféré obtenir un diplôme en droit de l’Université hébraïque de Jérusalem pour entrer dans les affaires.

Il a créé en 1999 la société de logiciel anti-fraude «Cyota» qu’il a revendue en 2005 pour 145 millions de dollars.

Après la Seconde Guerre du Liban, il a rejoint le leader de l’opposition de l’époque, Benjamin Netanyahou, pour être son directeur de cabinet de 2006 à 2008 et, à ce titre, il a élaboré un nouveau plan de réforme de l’éducation.

Il l’a aidé à conquérir la place de leader du Likoud aux primaires d’août 2007. Mais il s’est vite trouvé à l’étroit au parti et a préféré quitter le Likoud où il souffrait de nombreux blocages et de l’impossibilité de «vendre» ses idées nationalistes qui s’opposaient au gel des constructions dans les implantations.

En janvier 2010, il a pris la direction du Conseil de Yesha (acronyme hébreu pour Judée, Samarie, Gaza), représentant aujourd’hui uniquement les juifs de Cisjordanie.

Il quitta son poste en janvier 2012 car il avait en effet l’idée d’entrer dans la politique active en créant, en avril 2012, le mouvement «Yisraelim » (les israéliens) avec pour objectif d’augmenter le sionisme parmi les partisans de centre-droit, de renforcer le dialogue entre les communautés religieuses et non-religieuses, et enfin de promouvoir son plan pragmatique «Le Plan Bennett».

Pragmatisme

Sioniste et religieux, il a boudé le Likoud pour se présenter aux primaires de l’ancien parti national religieux sioniste devenu Bayit Yéhoudi.

Il a été désigné à la tête du parti au détriment du député Zevoulon Orlev qui a décidé de se retirer de la Knesset.

Le président Shimon Peres et le Premier Ministre ont tenu à féliciter Naftali Bennett pour sa victoire.

En fait ces félicitations de Netanyahou étaient forcées car il avait tenté de l’empêcher d’entrer en politique après cette boutade : «Cela m’a rappelé ma propre victoire dans les primaires du Likoud en 1993». Mais il garde l’espoir de l’intégrer à son prochain gouvernement même si le parti religieux n’est crédité, pour l’instant, que de cinq sièges à la Knesset.

Certains militants de Bayit Yéhoudi, opposés à la solution de «deux États pour deux peuples», risquent cependant de déchanter. Si Bennett défend avec force les implantations en précisant que : «la terre d’Israël ne sera pas l’objet de transactions ou de concessions», il reste pragmatique face à certaines réalités palestiniennes.

Sa position iconoclaste pourrait faire venir à lui des électeurs des autres bords.

Il avait précisément expliqué dans une vidéo imagée son plan consistant à annexer à l’État d’Israël la zone C de la Cisjordanie et à fusionner les zones A et B pour en faire un État palestinien autonome.

Il estimait qu’il ne pouvait pas accepter un État binational qui enlèverait à Israël son identité juive.

Les citoyens arabes annexés, 48.000 environ, auraient le choix entre acquérir la nationalité israélienne, devenir des résidents permanents comme ceux de Jérusalem-Est ou, rejoindre le nouvel État palestinien.

Pour un nationaliste, le plan était révolutionnaire.

Danger politique

Benjamin Netanyahou se méfie de ce quadra trop ambitieux à son goût, qui peut agréger autour de lui les déçus des autres partis.

Il ne craint pas d’être supplanté mais ce nouveau venu pourrait lui enlever quelques sièges dévolus au Likoud et diminuer sa majorité. Riche depuis la vente de sa startup, Bennett symbolise la vision élitiste d’un Israël qui réussit et qui donne un espoir sérieux aux abandonnés de la vie mais surtout, grâce à son passé militaire de haut niveau, il représente un gage que la sécurité du pays ne sera pas bradée.

Il ne s’est pas assis sur son tas d’or mais il met son argent à la disposition de jeunes créateurs qui, comme lui, ont conquis les États-Unis.

Héros militaire, il met la défense de son pays avant ses convictions religieuses et il pourrait ainsi amener à lui de nombreux laïcs traditionalistes que la kippa noire fait peur ainsi que de nombreux religieux qui ne reconnaissent plus dans les dérives des orthodoxes du Shass.

Il puisera aussi ses électeurs parmi les militants du Likoud rebutés par la vielle garde inamovible, parmi les membres des partis religieux soucieux de renouveau et parmi une certaine frange centriste qui n’arrive pas à se défaire de la tradition juive et qui voit dans ce jeune ambitieux l’image rénovée et moderne de la religion.

Certains hommes de gauche, qui peuvent approuver l’originalité de ses positions politiques iconoclastes, pourraient être tentés de mettre son bulletin de vote dans l’urne.

Kahlon et Bennett ont commencé leur carrière en étant chacun le bras droit de Netanyahou qui a reconnu qu’il regrettait la perte de Bennett qui risque de donner des idées à Moshé Kahlon pour voguer de ses propres ailes.

Alors bien sûr il peut arguer que ceux qui quittent le Likoud ont un ego surdimensionné ou une ambition démesurée.

Mais il reste à comprendre pourquoi les dauphins finissent souvent mal au Likoud.

Jacques Benillouche Article original

copyright© Temps et Contretemps

TAGS: politique Likoud Netanyahou Benett Kahlon Cyota

Sayereth Markal

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