Vous avez dit woke?

Un colloque anti-woke à la Sorbonne fait parler

Le wokisme est une forme d’obscurantisme. Mais la France résiste. Vendredi et samedi dernier se tenait à la Sorbonne un vaste colloque proposant de lancer une contre-offensive, ouvert par Jean-Michel Blanquer.

Vendredi 7 et samedi 8 se tenait à la Sorbonne un colloque qui se donnait pour objet de déconstruire le wokisme. Jean-Michel Blanquer s’y est exprimé, ainsi que quelques bons esprits immédiatement classés à l’extrême-droite par les spécialistes de l’anathème bien-pensant, les islamo-gauchistes professionnels et autres collabos de la pensée unique, qui ont enfourché le cheval de « l’éveil » faute de pouvoir briller par leurs qualités propres. Mais de quels chaudrons de sorcière sort cette idéologie américaine dont les plus sots des universitaires français font désormais leurs choux gras ?

Il s’agissait en fait de « déconstruire la déconstruction » et de lancer la contre-offensive contre une poignée d’agitateurs qu’un régime un peu cohérent aurait exclus de l’université. Pour ceux qui n’étaient pas là dans les années 1960-1970, ou qui se souciaient davantage de chocs pétroliers, d’inflation, de montée du chômage de masse et des premiers attentats islamistes, rappel des épisodes que vous avez pu rater.

Idées iconoclastes

Ces idées iconoclastes, qui aujourd’hui reviennent en boomerang des Etats-Unis où elles se sont implantées jadis, ont émergé des cervelles surchauffées par 1968 de quelques penseurs français. Nous vivions alors des temps iconoclastes, au sens pur du terme : on tentait de déboulonner les vieilles icônes, par exemple De Gaulle. Quelques philosophes, conformément à la pratique philosophique depuis vingt-cinq siècles, ont ébranlé les certitudes sur lesquelles reposait la civilisation occidentale : comme l’explique fort bien Denis Collin, Deleuze préfère alors les schizophrènes aux gens supposés « normaux », Foucault les taulards, et Badiou, le tout premier, remplace dans son maoïsme adapté au quartier Saint-Germain l’ouvrier français, contaminé par l’immobilisme du PCF, par l’immigré, nouveau damné de la terre. La Fondation Jean Jaurès reprendra l’idée trente ans plus tard, à l’usage du PS, avec le succès que l’on sait en 2002.

Nous sommes beaucoup trop tendres, trop patients, trop enclins à écouter, trop tentés de donner raison aux gens déraisonnables…

« Tous ces courants, précise Denis Collin, qui ont fleuri dans les années post-soixante-huit, considèrent, comme Michel Foucault, que la question du pouvoir d’État comme question centrale est dépassée et qu’il est nécessaire de s’opposer d’abord aux « micro-pouvoirs « et aux « disciplines » qui domestiquent l’individu. C’est encore chez Foucault et son élève américaine Judith Butler qu’est revendiquée la nécessité des « identités flottantes » contre les « assignations sociales » à une seule identité sexuelle. Remarquons enfin que, comme Foucault admirateur de la « révolution islamique » de Khomeiny, l’idéologie « woke » sacralise l’islam, considéré comme l’allié du mouvement contre les mâles blancs hétérosexuels.

Intersectionnalité des luttes

C’est de là que vient la sacro-sainte « intersectionnalité des luttes », dont j’ai déjà dit il y a plus de deux ans ce qu’il fallait penser. Les « chiennes de garde », version enragée des féministes du courant Beauvoir / Veil / Badinter, ont eu tôt fait de défendre le hijab, qui marque pourtant l’infériorité de la femme, puisqu’il était islamique. Et le courant LGBT s’allia ainsi à des fanatiques qui, ailleurs dans le monde, mettent à mort les homosexuels. Dans le monde de la pensée inversée, rien que de très normal.

Ce faisant, les « woke » reproduisent les pires préjugés racistes et sexistes. Avec la bonne conscience des néo-convertis.

Les universitaires américains, en panne d’idées originales, adoptèrent cette French Theory dans le courant des années 1970. Comme dit Pierre-André Taguieff, l’inventeur du concept d’islamo-gauchisme, une entreprise philosophique qui s’appuyait initialement sur Nietzsche et Heidegger est tombée entre les mains de quelques crétins qui en ont fait un étendard. Le « politiquement correct », qui sévit depuis bientôt quarante ans, est la section émergée de cet iceberg de nouvelles certitudes. Quelques incidents policiers, ici ou là-bas, convainquirent les militants de la justesse de leurs aberrations. Et, surtout, de leur appartenance à la grande communauté des victimes — une trans-classe qui transcende les anciennes distinctions sociales.

Parce qu’il n’y a rien de marxiste dans le wokisme. Comme il n’y a rien de libéral — sinon l’accent mis sur le désir d’exister de chacun, via les réseaux sociaux, les « communautés », les mouvements revendicatifs, le sentiment victimaire et la chasse aux sorcières, à Sciences-Po Grenoble ou ailleurs, comme l’expliquait récemment Nicolas Le Hors dans Valeurs actuelles.

OPA sur la recherche et les médias

Si l’on veut comprendre le wokisme, il faut remonter à la source américaine : il s’agit en fait, comme dit Jean-Loup Bonnamy, de l’une de ces innombrables sectes qui pullulent depuis quatre siècles dans un pays colonisé à l’origine par des quakers — secte dissidente de l’église anglicane — chassés d’Angleterre avec William Penn en 1681.

Une secte ne subsiste que dans la mesure où elle identifie ses ennemis — et plus nombreux ils sont, mieux elle prospère. Savonarole à la fin du XVe siècle persuada pendant trois mois les Florentins qu’ils devaient se repentir, et brûler les marques de l’impureté de leur foi : Botticelli jeta au feu ses toiles non religieuses — puis on tortura, pendit et brûla le nouveau messie, les Florentins étaient collectivement trop intelligents pour se laisser suborner longtemps par un illuminé. Le catholicisme, contrairement au protestantisme, n’a eu que fort rarement des bouffées délirantes de vertu. Il sait bien qu’il est avec le Ciel des accommodements, comme disait Tartuffe.

Nous autres contemporains sommes beaucoup trop tendres, trop patients, trop enclins à écouter, trop tentés de donner raison aux gens déraisonnables. Sous prétexte d’autonomie des universités, nous avons laissé recruter des centaines d’imbéciles qui se sont réfugiés dans le wokisme pour étayer des recherches stériles et empêcher des chercheurs sérieux d’entrer dans le Supérieur. Se cooptant entre eux – exactement comme les pédagogistes, ces pédagogues minables qui n’ont de force que celle qu’ils tirent de leur incompétence de groupe —, ils ont lancé une OPA sur la recherche universitaire et les médias. Voir par exemple cette aberration absolue qu’est l’écriture inclusive, ou les marques aberrantes du féminin imposées à des mots qui ne nous ont rien fait. Un « e » collé à « auteur » ou « professeur », comme si c’était un Marseillais qui articulait le mot, voilà qui sanctifie des profs nuls et des auteurs stériles. Blanquer n’a pas tort d’expliquer que le wokisme est une forme d’obscurantisme. Trois connards, ce n’est rien ; trente connards, c’est une secte ; et s’ils sont relayés par quelques journalistes qui eux non plus n’ont rien trouvé d’autre pour exister, cela devient un groupe de pression.

Que le wokisme se soit répandu aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, pays de sectes protestantes, soit. Mais en France ? Ni le catholicisme, ni l’islam des origines, celui qui partait sabre en main conquérir un empire, ne pratiquent la victimisation ou l’auto-apitoiement.

Mais c’est compter sans la perte d’influence de l’Église, et la dégénérescence de l’islam dans sa version banlieue. Faute d’exister en soi, faute de se battre, de travailler, de créer, un grand nombre de petits connards ont choisi le wokisme pour se construire une niche, ou un piédestal qui leur donne un semblant d’existence — et, si possible, de prépondérance.

Ils ne se contentent pas d’un petit bout de territoire, comme les Amish. Ils prétendent tout régenter, à commencer par le champ pédagogique. Tout candidat sérieux à la présidentielle doit promettre d’en finir avec cette poignée de malfrats de l’intellect. En les révoquant, quitte à modifier les statuts de la Fonction publique, lorsqu’ils sont enseignants ; en leur coupant les vivres, s’ils sont journalistes ; en leur ôtant la parole, dans tous les cas.

Jean-Paul Brighelli causeur.fr
D.R.

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