Les ventes d’armes à Israël sous le feu des critiques après l’offensive à Gaza
Dans un entretien révélateur à CNN le 8 mai, le président américain Joe Biden a franchi un pas symbolique en menaçant de suspendre les livraisons d’armements à Israël si l’armée israélienne menait une offensive d’envergure dans la ville de Rafah. Cette mise en garde inédite intervient dans un contexte de montée des pressions internationales pour un arrêt des transferts d’armes vers l’État hébreu, en raison de la riposte dévastatrice contre le territoire palestinien après les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre dernier.
Bien que Washington ait constamment réaffirmé son soutien militaire historique à son allié, la poursuite du conflit et les allégations de catastrophe humanitaire à Gaza ont peu à peu infléchi cette position. Au sein même des principaux pays fournisseurs, les appels se multiplient pour suspendre les ventes d’armements.
Une résolution non contraignante du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, adoptée le 5 avril, a exigé l’arrêt de tous les transferts d’armes vers Israël, évoquant des craintes de « génocide » contre les Palestiniens. Si les études détaillées font défaut, des analyses d’ONG et de parlements nationaux permettent d’établir un état des lieux de ces livraisons controversées.
Les États-Unis, principal soutien d’Israël, sous pression
En tant que premier fournisseur d’armes à Israël, avec 69% des importations de 2019 à 2023 selon les données du Sipri, les États-Unis sont au cœur des critiques. Depuis 1948, Washington a versé l’équivalent de 148 milliards d’euros d’aides militaires à l’État hébreu, utilisées notamment pour financer sa défense antimissile.
Après le 7 octobre, seules deux livraisons publiques ont été annoncées, d’une valeur totale de 238 millions d’euros environ pour des munitions. Mais selon des révélations médiatiques, plus d’une centaine de ventes ont contourné le Congrès, incluant des milliers de munitions de précision et d’autres équipements létaux.
Cette situation a réactivé les appels réclamant l’arrêt du soutien militaire américain, relayés par des parlementaires et de nombreuses ONG. Une dynamique que le président Biden semble vouloir contenir, en posant désormais des conditions claires à son allié.
L’Allemagne, deuxième fournisseur, accélère ses livraisons
Représentant 30% des importations israéliennes ces dernières années, l’Allemagne est le deuxième pays exportateur d’armes vers Israël. Et ces transferts se sont accélérés après le 7 octobre, avec notamment un paquet d’aides de 303 millions d’euros approuvé dès novembre, près de dix fois supérieur au total de 2022.
Au nom de la « raison d’État » que représente la sécurité d’Israël, Berlin fournit des équipements antichar, des munitions, des véhicules et des technologies militaires à son partenaire stratégique. Une politique qui tranche avec la suspension des livraisons annoncée par d’autres nations européennes.
L’Italie et la France persistent, malgré des engagements contraires
Bien que représentant une part mineure des importations israéliennes (0,9%), l’Italie figure au troisième rang des exportateurs d’armes vers l’État hébreu. En janvier, Rome a affirmé avoir cessé ses envois après le 7 octobre, mais des données statistiques ont révélé la poursuite des livraisons, d’une valeur de plus de 2 millions d’euros sur les deux derniers mois de 2023.
La France assure de son côté ne fournir à Israël que des équipements « défensifs ». Mais une enquête de médias a mis au jour une livraison autorisée fin octobre de 100 000 cartouches pour fusils-mitrailleurs, pouvant être utilisées offensivement à Gaza selon les journalistes. Une accusation balayée par le ministre français des Armées, réaffirmant que ce matériel est destiné à la réexportation ou à des systèmes purement défensifs comme le « Dôme de fer ».
Au Royaume-Uni, les pressions pour cesser les transferts d’armes se heurtent à la réticence du gouvernement, qui assure suivre un « processus rigoureux » pour éviter toute violation du droit international. Toutefois, la mort de travailleurs humanitaires britanniques à Gaza a renforcé les appels transpartisans en ce sens.
Enfin, le Canada, l’Espagne et les Pays-Bas ont officiellement suspendu de nouvelles licences d’exportation depuis janvier, bien que d’anciens contrats soient encore honorés pour les deux premiers. La Haye a même ordonné le blocage de toute livraison de composants d’avions de combat F-35 depuis les Pays-Bas.
Si les critiques et les pressions pour arrêter les transferts d’armements vers Israël se multiplient, il est primordial de replacer ce dossier dans son contexte sécuritaire. Confronté à la menace terroriste permanente du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens, l’État hébreu n’a d’autre choix que de se défendre et de protéger sa population civile. Les frappes menées dans la bande de Gaza, aussi dommageables soient-elles, demeurent une riposte légitime face aux attaques incessantes de roquettes et la stratégie d’ensevelissement sous le feu adoptée par le Hamas.
Dans cette guerre imposée, Israël fait fi des appels vertueux à cesser les hostilités qui ne feraient que le laisser désarmé face au terrorisme. Il est du devoir de ses alliés occidentaux, au nom des values démocratiques qu’ils partagent, de lui fournir les armements indispensables à sa légitime défense. Céder aux pressions reviendrait à abandonner Israël et fragiliser un rempart contre l’extrémisme dans une région instable.
Si des dommages collatéraux sont malheureusement inévitables dans un conflit aussi asymétrique, les pays fournisseurs disposent de procédures drastiques d’exportation pour éviter toute violation du droit international. Leurs intérêts stratégiques et de sécurité collective les lient à Israël, unique démocratie et bastion des droits humains au Moyen-Orient. Un lâchage serait par ailleurs un signal désastreux pour tous les États confrontés au fléau du terrorisme.
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