Marseille : radicalisation sur Internet ou : un monde sans tiers…

 

La France à l’heure d’Israël

Marseille, lundi 11 janvier 2016 : un adolescent de 15 ans agresse un enseignant d’une école juive à coups de machette, et à plusieurs reprises alors que l’homme se défend avec son cartable ou son livre de prières, on ne sait pas bien, et que des riverains lui viennent en aide. L’adolescent s’enfuie et se fait rattraper par la BAC quelques temps après… Devant l’évidence de cette tentative de meurtre volontairement antisémite, puisque l’enseignant portait sa kippa, cette fois-ci, ni les journalistes, ni les politiques n’ont pu éviter de qualifier l’agression volontaire par cet adolescent d’agression antisémite où le but de tuer parait évident : tuer au nom de Daesh comme d’ailleurs Daesh, depuis plusieurs mois incite à le faire en France, et partout ailleurs, comme le font déjà depuis plusieurs mois d’autres terroristes palestiniens en Israël… Mais les médias s’arrêtent là, car ils ne voudraient pas que les Palestiniens soient relégués au rang de terroristes alors que ce sont les mêmes mots d’ordre qu’ils exécutent, ceux de Daesh, les mêmes modes opératoires qu’ils utilisent,  le couteau, la machette, la voiture bélier, voire des armes à feu… Il faudra donc encore attendre quelques temps et malheureusement d’autres meurtres et tentatives de meurtres antisémites et anti-israéliennes pour que le médias admettent enfin la relation évidente entre antisémitisme et antisionisme…

Mais retour à Marseille où les médias précisent bien, ou s’étonnent, je ne sais pas, que cet adolescent est sans histoire, sans passé judiciaire, qu’il est un bon élève, intelligent et tout et tout, qu’il n’est pas fou ni dérangé ce qui le laisse responsable de ses actes… et qu’au fond, rien ne justifiait une telle fureur antisémite, à la machette, à la rwandaise pourrait-on dire mais aux noms de l’État islamique et d’Allah…Nous savons hélas que l’intelligence n’est pas une protection contre l’antisémitisme. La pire barbarie antisémite a eu lieu dans l’Allemagne, pays alors le plus cultivé d’Europe et n’était pas le fait d’une population intellectuellement arriérée comme l’écrivait Sartre qui une nouvelle fois, se trompait («l‘antisémitisme c’est le snobisme du pauvre»). Le nazisme était soutenu par un grand nombre d’intellectuels et de scientifiques, Heidegger pourrait parler de son propre cas…L’intelligence n’y fait donc rien, reste la personnalité, les troubles identitaires, la pulsion…Et aujourd’hui, Internet… Alors pourquoi Internet?

Un monde sans tiers implique une identité sans faille.

Internet c’est cet écran individuel qui propose à son utilisateur le plus souvent solitaire, le meilleur comme le pire. Internet, ce sont les informations que l’on peut obtenir assez rapidement, des documents  que l’on peut envoyer, des objets que l’on peut commander…Un écran qui réduit les distances et les délais d’attente, bref, une mondialisation des échanges qui rétrécissent considérablement le temps à tel point que l’on peut y passer des heures sans s’en rendre compte… Mais voilà, Internet, c’est encore un monde en miroir qui laisse l’utilisateur très seul, captivé et capturé  par cet écran, par ces images terribles, par d’horribles vidéos qui peuvent fasciner et fasciser, par ces propagandes djihadistes qui peuvent littéralement hypnotiser celui qui pense y trouver sa complétude d’être, son unité, même si c’est par le relais d’un acte terroriste tel qu’il pourra penser les assumer… Avec Lacan, nous savons comment advient l’identité d’un être parlant. Entre autre, par le stade du miroir par lequel l’infans,  (celui qui ne parle pas encore) qui, entre 6 et 18 mois, ainsi confronté à sa propre image reflétée dans le miroir, métaphore du regard et de la parole parentale,  va s’y confondre en une certaine jubilation d’être. Il va se saisir enfin comme unifié par son image, son reflet inversé, si bien que l’identité est en partie imaginaire avant qu’elle ne se symbolise par le «Je» signe d’un désir en demande…mais d’un désir qui pour se constituer a dû passer par un autre qui l’a confirmé dans cette unité d’être à laquelle l’infans, tant bien que mal, va s’identifier. Mais cette identité est aussi division qu’il faut assumer puisque elle passe par une image, par un autre, la mère et encore un Autre (écrit avec un grand A cette fois-ci), l‘inconscient de la mère…Pour faire court, dans cette relation à deux, mère et infans, chacun est le complément de l’autre sans médiation, sans autre tiers que la parole de la mère qui tout en s’occupant de son enfant devra nommer le père placé alors comme tiers séparateur entre la mère et leur enfant. C’est le moment de l’œdipe qui se décline en trois temps mais au bout duquel l’enfant devra s’identifier et intégrer, faire sien, les idéaux du père : interdit de l’inceste, interdit de l’anthropophagie et interdit du meurtre. Nous y voilà : L’interdit du meurtre c’est sans doute ce qui fait défaut dans la construction de cet adolescent qui a voulu tuer un enseignant de confession juive, deux figures paternelles en somme : l’enseignant comme tiers dans la relation parents-enfant, possible figure paternelle donc, et le tenant du judaïsme comme passeur de la religion du père.  Internet est donc peut-être, à l’instar du stade du miroir, cet écran de fumée qui a radicalisé cet adolescent, en l’hypnotisant, en le fascisant, en lui donnant cette illusion qu’il ne pouvait ne faire qu’un, sans accepter sa division, son manque, sans intégrer le fait que pour assumer son humanisation, il fallait qu’il en passe par un autre et un Autre puis le père ensuite…autrement dit par un tiers qui lui fasse accepter cette division de lui-même, ce manque à être indispensable à s’accepter comme sujet, soumis à des interdits, celui du meurtre en l’occurrence… Devant ce type d’écran, il n’y a plus pour certains de tiers qui o-père la séparation d’avec les images, les textes de propagandes… Les textes et les images qui s’y déroulent sont sans limite, ils ne sont plus bordés par une parole tiers qui les interdirait et les démentirait. La relation ne se passe plus qu’en miroir où le temps n’existe plus et où les slogans de Daesh acquièrent peu à peu un pouvoir hypnotique et fascisant que l’internaute intègre en quelques sortes en ces termes: «je suis en Daesh et Daesh est en moi». Tout ce qui est dit, tout ce qui se voit est alors pris pour argent comptant… L’acte meurtrier n’est donc pas loin…Tout cela consiste bien entendu à essayer de comprendre, et non pas  de disculper cet adolescent. Autrement dit, ce qui semble manquer à cet adolescent qui voulait tuer, c’est justement l’acceptation du manque, de la division, par défaut d’identification à un tiers symbolique qui l’aurait empêché de tuer, défaut qui s’est rejoué sur Internet. Ainsi se serait-il préservé de ces manques pourtant structurants en s’identifiant aux idéaux de l’État islamique qui lui n’en offre pas. Daesh passe donc par un autre miroir aux alouettes, déformant, totalitaire, totalisant et tueur, sans manque donc, sans bords, en fabriquant sur Internet des images comme autant de mirages avec lesquelles se confondent ceux qui voudraient que leur identité soit sans faille, sans incomplétude et saturée de certitudes…

 Par Jean-Marc Alcalay

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Richard

C’est un peu comme le nuage de Tchernobyl, il peut toucher Israël , mais surtout pas l’Europe !
Et puis, c’est comme même ahurissant que les médias ne s’en tiennent à seulement ce que ce « dit adolescent embrigadé » veut nous faire croire (acte isolé etc……). Les islamistes connaissent très bien les haines inter-occidentales, dont l’antisémitisme en est malheureusement le plus grand témoin, pour faire tourner le monde occidental en bourrique. Il m’arrive même parfois « Pétain me préserve »(x) de me demander si il n’y en a pas en France et en Europe qui leur disent comment s’y prendre?

(x) »Airbus, carrefour, Auchan, total etc etc…. »