L’attentat contre la synagogue vécu comme un appel au réveil
Alors que la communauté juive faisait des demandes répétées de sécurisation des lieux, le gouvernement danois n’a rien fait.
JTA — Depuis la fenêtre du centre de crise de la communauté juive de Copenhague, Finn Schwarz peut apercevoir le paysage de son pays changer sous ses yeux.
Quelques heures après la mort d’un garde à l’extérieur de la principale synagogue de la capitale danoise, tôt, ce dimanche matin, deux agents de police portant des mitraillettes patrouillent à l’extérieur du centre – une image devenue banale, en France, Belgique et dans bien d’autres endroits devenus problématiques pour les Juifs, mais que les autorités danoises réticentes considéraient, jusqu’à présent, excessive et difficile à accepter.
« Je pense que cet attentat est un appel au réveil », dit Schwarz, ancien Président de la communauté, qui a longtemps démarché, durant des années, auprès des autorités, souvent en vain, pour qu’on élève les mesures de sécurité. « Ce que nous craignions depuis longtemps est arrivé et nous allons assister à un changement au Danemark. On n’avait jamais vu circuler, auparavant, autant de forces de sécurité et d’armes ».
Le déploiement d’agents armés devant des institutions juives s’est fait dans les heures qui ont suivi les rafales tirées contre un café de Copenhague, où s’exprimait un caricaturiste qui a brocardé l’Islam. Une personne a été tuée, dans ce centre culturel, lors de ce que le Premier Ministre Helle Thorning-Schmidt n’a pas hésité à désigner comme un acte terroriste.
Un peu plus tard, dans la même nuit, Dan Uzan, un garde de sécurité volontaire de 37 ans, se trouvait avec deux agents de police devant la Grande Synagogue, lorsqu’un homme armé a ouvert le feu à l’arme automatique, tuant Uzan et blessant les deux policiers. Ce trio montait la garde pour protéger environ 80 personnes rassemblées pour une Bar-Mitzvah, dans un bâtiment qui se trouve derrière la synagogue. Les invités ont pu se mettre à l’abri au sous-sol, avant d’être évacués sous bonne garde.
Dimanche matin, la police danoise a liquidé un homme âgé de 22 ans, dans un échange de tirs, musulman extrémiste, repsonsable des deux fusillades. Le tireur a été identifié comme un immigré d’origine palestinienne, s’appelant Omar El-Hussein.
Tout au long de la journée de dimanche, des policiers lourdement armés sont restés déployés à travers la capitale et au-delà, alors que les autorités traquaient des complices.
Cet attentat survient au beau milieu d’une escalade des incidents antisémites au Danemark, dont un cet été, lors duquel plusieurs individus ont fait irruption dans une école juive, quelques semaines après la fin du conflit de sept semaines contre le Hamas à Gaza. Personne n’avait été blessé, mais quelques semaines plus tôt, des éductaeurs juifs avaient recommandé aux élèves de ne plus porter de kippa ou tout autre signe distinctif pouvant permettre de les identitfier, lorsqu’ils se rendent à l’école.
« Cette réalité et le dernier attentat touchent de plein fouet la communauté, à la fois en encourageant certains à l’émigration et en forçant les gens à demander à leurs enfants de prendre leurs distances, pour raisons de sécurité, avec la communauté, ses écoles et ses institutions », selon Schwartz.
Pourtant les autorités danoises ont souvent été réticents aux demandes de mesures de sécurité plus élevées, un problème soulevé par le Rabbin Andrew Baker, en septembre dernier, au cours de sa visite au Danemark, en tant que représentant de la lutte contre l’antisémitisme de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.
Soulignant l’absence des arrangements minimaux de sécurité qu’on voit fréquemment à Paris et Bruxelles, Baker a demandé aux responsables danois s’ils s’inquiétaient de l’éventualité d’un attentat contre des institutions juives.
« Les responsables que j’ai rencontrés ont reconnu les risques, mais dit que le Danemark avait une « approche détendue des problèmes de sécurité », comme l’a déclaré un interlocuteur, et que de mettre des policiers armés devant les bâtiments serait bien trop perturbant pour la population dans son ensemble », remarque Baker, qui a aussi occupé le poste de directeur des affaires internationales juives du Comité Juif Américain.
« J’étais décontenancé, parce que je n’avais jamais eu affaire à ce genre d’arguments, dans d’autres pays, qui consistent à rejeter la moindre mesure de sécurité, tout en reconnaissant pleinement l’existence de la menace », déclare Baker au JTA. « Je suis reparti en sachant pertinemment que ce n’était qu’une question de temps avant qu’on ne me rappelle ».
Schwarz concède que les autorités ont légèrement amélioré la sécurité des institutions juives, après le massacre à Paris de quatre Juifs, à l’HyperCacher de la Porte de Vincennes. Mais, actuellement, dit-il, il reste un fossé à combler de dizaines de milliers de dollars entre le financement pour la sécurité que recherche la communauté et ce que le gouvernement accorde en réalité.
« Je pense qu’il est nécessaire de disposer d’une sécurité lourde, mais cela m’attriste aussi, parce que le Danemark où on doit mettre des gardes armés à l’extérieur de la synagogue n’a rien à voir avec le pays pacifique que je connais et que j’aime. Mais c’est nécessaire ».
Il y a approximativement 8.000 Juifs au Danemark, selon le Congrès Juif Européen.
Le CJE a souligné que le problème de la sécurité des Juifs ne concerne pas seulement le Danemark et a appelé à de vastes contre-mesures, dont une législation qui fournisse aux gouvernements nationaux des outils améliorés pour faire face à cette menace.
« Nous avons affaire à un problème pan-européen qui n’est traité que de façon individuelle, au lieu de l’être sur des fondements européens », déclare Arié Zuckerman, responsable important au sein du CJE, qui supervise le centre de crise et de sécurité du groupe. « C’est, en partie, une des raisons pour lesquelles nos ennemis peuvent conserver l’initiative ».
Le Président du CJE, Moshé Kantor a appelé l’Union Européenne à fonder une agence consacrée entièrement à combattre l’antisémitisme.
« Les gouvernements européens et les dirigeants qui, au nom du maintien des libertés, sont réticents à agir efficacement contre les terroristes, sont ceux-là même qui mettent réellement en danger ces libertés, parce qu’ils exposent leur population à des attentats terroristes », martèle Kantor.
De retour à Copenhague, Ilan Raymond, un médecin juif, père de deux enfants, évoque une route incertaine qui se dessine pour l’avenir.
« Ce qui s’est produit dimanche constitue un choc, que nous éprouverons encore longtemps », déclare Raymond, qui a appris les nouvelles de l’attentat par un sms de son fils de16 ans, alors qu’il était en vacances à l’étranger et qui lui disait : « Je vais bien ».
Cet attentat aura un profond impact et pourrait bien provoquer le départ de certains », dit Raymond. « Il est encore trop tôt pour le dire ».