Les élections à la veille des grandes joutes télévisées

 

La campagne électorale va changer de morphologie, avec le début de sa prochaine phase, à partir du 3 mars, par le lancement des émissions télévisées sur les chaînes nationales. Mais, pour le moment, les médias se focalisent sur le discours prévu de Netanyahu devant le Congrès américain et sur le débat concernant un éventuel accord avec l’Iran limitant ses capacités nucléaires. Le problème principal de la plus haute importance, cependant, restent les conséquences que pourraient entraîner un tel accord entre l’Occident et l’Iran.

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Henry Kissinger, qui est récemment apparu devant la Commission des Services Armés du Sénat, a clairement défini le sens de cet accord éventuel avec l’Iran. Il a déclaré :

 “Les pourparlers nucléaires avec l’Iran ont commencé comme relevant d’un effort international, étayé par six résolutions de l’ONU, pour empêcher l’Iran d’accéder à la capacité de développer l’option nucléaire militaire. On n’a plus, aujourd’hui, essentiellement, affaire qu’à une négociation bilatérale sur la portée de cette capacité, par le biais d’un accord qui imposerait une limite tout-à-fait hypothétique d’un an avant une percée supposée. L’impact de cette approche permet un détournement de l’intention initiale, qui part de la volonté d’empêcher la prolifération pour se transformer, ensuite, en tentative pour être en mesure de la gérer[1]”.

Ce que Kissinger a tenté de dire, dans des termes qui restent plutôt diplomatiques, c’est que l’Administration Obama ne va probablement pas apporter les mesures qu’on pouvait attendre d’elle. On peut aussi ajouter que les deux mandats d’Obama à la présidence ont mené à un déclin du statut international des Etats-Unis. L’armée américaine s’est retirée d’Irak, pour ne devoir, ensuite, qu’y revenir bombarder, aussi bien l’Irak que la Syrie. Les tensions à l’encontre de la Russie n’ont fait qu’augmenter. Obama a, donc, un besoin crucial d’un geste qu’on puisse interpréter ensuite comme un succès de politique étrangère, même  si à un certain moment de l’avenir proche, il peut s’avérer être le plus grand désastre de tout ceux qu’il a déjà provoqués jusqu’à présent.

En comparaison de l’énormité des enjeux d’un tel sujet, tout le reste passe forcément au second plan. Cela comprend les tensions entre les Républicains et la Maison Blanche, à propos de la conférence imminente de Netanyahu et de quelle manière a été lancée l’invitation. Obama perçoit Netanyahu comme l’obstacle majeur qui l’empêche de mettre une touche finale à son accord frauduleux avec l’Iran et, de ce fait, l’Administration américaine a tout tenté pour blâmer Netanyahu et en faire le bouc-émissaire de la déterioration des relations entre les Etats-Unis et Israël. La conseillère à la sécurité nationale américaine, Susan Rice, a déclaré que le discours de Netanyahu est “destructeur de tout le tissus des relations américano-israéliennes[2]”.

Il est loin d’être certain que tout ceci puisse avoir le moindre impact sur le cours des élections israéliennes, pour diverses raisons. L’opposition de gauche au Likoud est restée floue sur ce qu’elle ferait de si différent, concernant l’Iran, si elle était à la place de Netanyahu. Herzog a affirmé qu’un accord nucléaire avec l’Iran serait très dangereux pour Israël,mais il s’est refusé à dire qu’il s’agit bien d’une menace existentielle[3]. En outre, Obama est, de plus en plus, impopulaire en Israël. Un sondage du Times of Israel a démontré que 72% des Israéliens n’ont aucune confiance dans la capacité d’Obama à empêcher l’Iran d’obtenir la bombe atomique, soit plus qu’en janvier, où il était question de 64%.Il n’y a que 33% des sondés qui perçoivent favorablement Obama, alors que 59% ont de lui une opinion négative. Le même sondage indique que le sujet politique le plus déterminant, pour les Israéliens, concerne la situation économique, pour 48% d’entre eux, suivi par l’état des relations israélo-palestiniennes, à 19% et l’éducation à 14%. La menace iranienne n’est une priorité que pour 10% des sondés. Il reste à voir la façon dont ces évaluations vont se traduire dans les préférences des électeurs, le jour du scrutin.

Le Contrôleur de l’Etat Joseph Shapira a publié un rapport concernant la crise du logement en Israël. L’une de ses conclusions essentielles traite de la hausse vertigineuse des coûts du logement : alors qu’en 2008, acheter une maison coûtait, en moyenne 103 salaires mensuels, en 2013, cet achat s’élève à 137 fiches de paie. La part de salaire mensuel nécessaire à la location s’est élevée, au cours de la même période, de 29 à 38% du mois perçu. Désigner ceux qui sont responsables de cette crise inflationniste sera, probablement, un des sujets-phare de la campagne télévisée de ces élections[4]. Dans un sondage pour le Jérusalem Post, 41% accusent Netanyahu, 20% Lapid, 16%, l’Autorité des Terres en Israël et 6% s’en prennent à l’ancien Premier Ministre Ehud Olmert[5].

Après la publication du rapport du Contrôleur de l’Etat, au sujet des dépenses résidentielles du Premier Ministre, le Procureur Général Yehuda Weinstein a ordonné une enquête criminelle sur le sujet. Il a spécifié, cependant, qu’il ne s’agissait pas d’un gros problème et que l’essenteil des enquêtes et de l’annonce publique au sujet de ses conclusions ne se déroulerait qu’après les élections. Weinstein a ajouté que le Premier Ministre Netanyahu est, actuellement, exempt de toute enquête criminelle[6].

Les dirigeants de huit partis ont participé à un débat télévisé sur la Deuxième Chaîne. Le Likoud, l’Union Sioniste et le Judaïsme Unifié de la Torah étaient absents. Au cours de ce débat, Lieberman a attaqué Ayman Oudeh, le chef de la liste Arabe Unifiée, en affirmant qu’il avait menacé les Arabes Israéliens qui voulaient se porter volontaires pour le service national. Lieberman lui a dit : “Vous vous désignez vous-même comme Palestinien et non en tant qu’Israélien et il a ajouté qu’en conséquence, Oudeh devait se présenter au Parlement palestinien[7].

Les représentants de divers partis se sont exprimés par des déclarations politiques, soit durant ce débat, soit ailleurs, sans qu’aucun ne semble attirer plus d’attention que cela.

Lors d’une conférence organisée par le Réseau des Femmes pour Israël et réunissant plusieurs autres organisations féminines, des représentants ont exposé le programme de leur parti. Moshe Kahlon de Koolanu a déclaré que la première priorité de son parti  est de renforcer les lois existantes qui promeuvent l’égalité. Tzipi Livni de l’Union Sioniste, a proclamé qu’elle est féministe. Le Ministre des Renseignements Yuval Steinitz, du Likud, a affirmé qu’une femme pourrait, pourquoi pas, être Ministre de la Défense, si elle maîtrise les questions relatives à ce domaine de compétences. La députée Ayelet Shaked, de Bayit Hayehudi a déclaré que les lois autorisant seulement le marriage religieux et pas le marriage civil ne sont pas discriminatoires[8].

Le Président de Bayit Yehudi, Naftali Bennett a affirmé qu’il démissionnerait de tout gouvernement qui concèderait de nouveaux territoires aux Palestiniens. Il avait, précédement, écrit sur sa page Facebook qu’il le ferait pour empêcher à tout prix que la moindre communauté de Judée et Samarie ne soit démantelée[9].

Les dirigeants de l’Union Sioniste, Herzog et Livni se sont rendus en visite dans la zone du Wadi Ara, au nord d’Israël. Des dizaines d’Arabes Israéliens ont manifesté contre leur présence, en hurlant : “Vous avez du sang sur les mains!” et en agitant des drapeaux palestiniens. La police a arrêté six de ces provocateurs[10].  

Sur la foi de la plupart des sondages, qui ont eu lieu cette semaine, on note un léger désintérêt en défaveur du Likud, mais sans que cela ne provque une augmentation sensible du nombre de sièges promis à l’Union Sioniste. La plupart de ces prises de pouls de l’opinion ne font pas la démonstration de changements significatifs dans les intentions, entre les différents blocs. Pourtant 43% des électeurs de l’Union Sioniste et 36% de ceux du Likud envisagent encore de voter éventuellement pour un autre parti. Au total, 21% des électeurs demeurent indécis[11].

Tout ce qui précède n’est qu’une introduction à la phase des émissions télévisées portant sur cette campagne. Les partis devront se concentrer sur leur capacité à apporter des messages audibles et clairs. Les plus grands partis auront un temps de parole plus élevé que les petits partis. La répétition constante des messages qu’ils considèrent comme essentiels, pour eux, sera abondamment véhiculée en direction du public.

Par Manfred Gerstenfeld

Le Dr. Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

Notes : 

[1] “Kissinger on Iran,” The Wall Street Journal, 9 February 2015. 

[2] Brendan Bordelon, “Susan Rice: Netanyahu’s D.C. Speech ‘Destructive of the Fabric’ of U.S.-Israel Relationship,” National Review, 25 February 2015.

[3] Gil Hoffman, “Netanyahu slams Herzog for saying Iran not an existential threat,” The Jerusalem Post, 23 February 2015.

[4] Yonah Jeremy Bob, “Comptroller skewers national housing policies,” The Jerusalem Post, 26 February 2015.

[5] Gil Hoffman, “’Post’ poll finds 41% blame Netanyahu for housing crisis,” The Jerusalem Post, 27 February 2015.

[6] Yonah Jeremy Bob, “A-G orders criminal probe into PM Residence affairs,” The Jerusalem Post, 27 February 2015.

[7] Lahav Harkov, “Israeli party leaders butt heads in televised debate,” The Jerusalem Post, 26 February 2015.

[8] Lahav Harkov, “Kahlon calls to enforce equal pay for women,” The Jerusalem Post, 26 February 2015.

[9] Hezki Ezra, Cynthia Blank,”Bennett: I Will Overthrow Gov’t That Gives Even an Inch of Land,” Israel National News, 26 February 2015.

[10] Ariel Ben Solomon, “Wadi Ara protestors: Herzog, Livni have ‘blood’ on their hands,” The Jerusalem Post, 1 March 2015.

[11] Yossi Verter, “Poll: One-fifth of Israeli voters still undecided, three weeks before elections,” Haaretz, 25 February 2015.

 

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