Israël face à l’isolement aérien
Alors que le conflit à Gaza s’intensifie, une autre forme de pression menace Israël, bien loin des champs de bataille : l’éventualité d’un isolement aérien international. Face à la multiplication des critiques de ses partenaires occidentaux, certains analystes redoutent un scénario dans lequel l’espace aérien de plusieurs pays pourrait être fermé aux avions israéliens, affectant profondément l’économie du pays et sa position diplomatique.
Depuis les premières frappes du Hamas le 7 octobre 2023, Israël a mené une vaste opération militaire dans la bande de Gaza. Si l’objectif affiché reste la neutralisation du mouvement terroriste et la libération des otages toujours détenus, les conséquences humanitaires de cette guerre prolongée ont généré une onde de choc dans les opinions publiques européennes.
Plusieurs compagnies aériennes internationales ont d’ailleurs suspendu leurs vols vers Tel Aviv, invoquant la dégradation sécuritaire et notamment les tirs de missiles houthis. Un projectile avait frappé une zone proche de l’aéroport Ben Gurion début mai, poussant les transporteurs étrangers à interrompre leurs liaisons. Seules quelques compagnies ont repris partiellement leurs services. Résultat : Israël se retrouve largement dépendant de ses propres compagnies, comme El Al, Israir ou Arkia, pour maintenir ses connexions aériennes.
Mais au-delà des préoccupations logistiques, certains craignent une évolution plus lourde de conséquences : la suspension, voire l’annulation, des accords de libre survol signés entre Israël et l’Union européenne. Ces accords dits de « Ciel ouvert » permettent aux compagnies israéliennes de survoler sans restriction les espaces aériens européens, facilitant les échanges économiques, touristiques et diplomatiques. Une rupture de ces accords, même partielle, représenterait un séisme pour le secteur aérien israélien et une entrave stratégique majeure.
Le professeur Yossi Shain, politologue et ancien député israélien, reconnaît que la situation est devenue « extrêmement complexe » sur le plan diplomatique :
« En Europe, les critiques sont virulentes. S’il devait y avoir une réaction coordonnée sous forme de sanctions aériennes, cela reviendrait à désigner Israël comme un État paria, ce qui constituerait un précédent. »
Pourtant, une telle mesure semble peu probable à court terme. Comme le souligne Gali Ingber, experte en économie au College of Management Academic Studies de Rishon Lezion, une fermeture de l’espace aérien nuirait également aux intérêts économiques et stratégiques des pays européens, partenaires commerciaux d’Israël dans des secteurs clés comme la technologie, la sécurité ou la santé.
De plus, une telle décision nécessiterait l’unanimité des 27 États membres de l’UE, ce qui reste difficilement envisageable tant qu’un certain nombre d’entre eux conservent un soutien affirmé à Israël. L’économiste rappelle aussi qu’Israël, contrairement à la Russie en 2022, n’a pas engagé une guerre d’agression mais a répondu à une attaque terroriste de grande ampleur. Ce contexte atténue, pour l’instant, la probabilité d’un isolement diplomatique total.
Malgré cela, les conséquences d’un isolement partiel sont déjà visibles. Les compagnies locales, bien qu’encore actives, fonctionnent sous pression et en situation de quasi-monopole. Une baisse des revenus, des réductions de personnel et des coupes dans les services sont à prévoir si la situation perdure. Plus globalement, un ralentissement des échanges pourrait affecter l’économie israélienne dans son ensemble : hausse des prix, difficultés d’importation de matériel médical ou technologique, et perturbations logistiques dans des secteurs vitaux.
L’autre risque identifié concerne les menaces proférées par les Houthis, qui ont revendiqué l’envoi de plus de 40 missiles et drones contre Israël en solidarité avec les Palestiniens de Gaza. Vendredi encore, leurs dirigeants ont annoncé envisager de cibler des avions civils israéliens, dans une volonté d’asphyxier le pays par le ciel.
Ces actions, combinées à une diplomatie européenne de plus en plus critique, laissent planer une menace inédite. Pour l’instant, le ministère israélien des Transports assure ne pas avoir été informé d’éventuelles restrictions officielles sur les accords de survol. Mais dans un climat où les images en provenance de Gaza influencent fortement l’opinion publique, la pression sur les gouvernements occidentaux s’accentue.
Le professeur Shain conclut en soulignant la volatilité de la situation :
« Tout dépendra de l’évolution du conflit. Un fiasco humanitaire plus important pourrait faire basculer les équilibres, y compris dans le ciel. »
Alors qu’Israël tente de préserver son ouverture au monde, c’est désormais aussi dans les airs que se joue une partie cruciale de son avenir diplomatique et économique.
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