Le nouveau président iranien investi en pleine crise diplomatique

Ebrahim Raïssi est investi ce mardi président d’un Iran engagé dans des négociations délicates avec les grandes puissances sur la levée des sanctions américaines. Téhéran est accusé d’être responsable d’un raid sur un pétrolier.

C’est un cadeau un peu particulier que recevra Ebrahim Raïssi , le nouveau président iranien, lors de son investiture télévisée ce mardi par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei : un bras de fer entre son pays, d’une part, et les Etats-Unis, le Royaume-Uni et Israël, d’autre part. Le tout sur fond d’impasse dans les négociations sur son programme nucléaire, censées aboutir à une levée des sanctions économiques de Washington

Le regain de tension est né de l’attaque, jeudi en mer d’Oman, du pétrolier géré par une société israélienne Mercer Street, par un drone qui a fait deux morts, un Britannique et un Roumain. Israël, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont accusé dimanche l’Iran d’en être l’auteur et la Maison-Blanche a averti que cette opération susciterait une « réplique appropriée et imminente ».

Une guerre souterraine avec Israël

Téhéran, qui a nié toute implication, a averti lundi qu’il répliquerait à tout « aventurisme ». Depuis des années, Israël et l’Iran s’affrontent directement ou indirectement au Liban, en Syrie et dans la bande de Gaza palestinienne. Israël a aussi mené en Iran même des opérations clandestines de sabotage d’installations nucléaires ou d’élimination de scientifiques. Mais ces derniers mois, cette rivalité s’est transposée en mer avec l’émergence d’une mystérieuse série de sabotages et d’attaques.

L’arrivée d’Ebrahim Raïssi à la tête de l’Etat, sous la tutelle du véritable numéro un du régime, l’ayatollah Ali Khamenei, au nom de la doctrine de la suprématie du religieux sur le politique au coeur de la république islamique créée en 1979, survient à un moment délicat pour le pays : l’Iran espère obtenir la levée des sanctions économiques américaines qui ont divisé par cinq ses exportations de pétrole, source jadis de la quasi-totalité de ses recettes en devises. Sanctions rétablies unilatéralement par Donald Trump en mai 2018, quand la Maison-Blanche avait dénoncé le traité dit « JCPoA » de juillet 2015 par lequel l’Iran s’engageait auprès des Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, la Russie et la Chine à geler de manière vérifiable son programme nucléaire en échange d’une réintégration internationale graduelle.

Négociations délicates sur le nucléaire

Depuis lors, Washington a instauré plusieurs vagues de sanctions et l’Iran s’est départi de plusieurs de ses obligations au titre du JCPoA, notamment en commençant à enrichir de l’uranium bien au-delà du seuil autorisé en isotope 235 permettant de produire des bombes atomiques. Les négociations pour une résurrection du JCPoA ont repris peu après l’arrivée au pouvoir, en janvier, du président américain, Joe Biden, qui avait annoncé qu’il comptait le réintégrer mais au prix d’ajustements.

Washington, comme Paris et Londres, veut obtenir de Téhéran des concessions, qui ne figuraient pas dans l’accord initial, en matière de missiles balistiques et de non déstabilisation régionale. Téhéran pratique ouvertement une ingérence politique, voire militaire, en Syrie, Liban, Irak et Yémen.

Des discussions ont repris en avril à Vienne , mais les six cycles de négociations n’ont rien donné. Le dernier cycle s’est achevé le 20 juin sans fixer de date pour le prochain. Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a estimé, mercredi, que l’expérience du gouvernement sortant en matière de dialogue avec les grandes puissances et les Etats-Unis montrait que « faire confiance à l’Occident ne fonctionnait pas ». Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a prévenu jeudi que les négociations pour sauver le JCPoA ne peuvent durer « indéfiniment ».

Des tensions sociales en arrière-plan

La partie de poker se complique du fait que l’Iran est secoué depuis une dizaine de jours par des manifestations, parfois violentes, suscitées par les pénuries d’eau et d’électricité. Pour autant, « ce serait une erreur de croire que ces tensions vont mettre sous pression Téhéran dans les négociations sur le JCPoA, même si elles illustrent combien le pays a urgemment besoin d’une levée des sanctions américaines. Car le régime ne lâchera rien sur ce qu’il considère être ses intérêts vitaux », estime Sanam Vakil, spécialiste de l’Iran au think tank Chatham House. Conformément à la doctrine du guide suprême, Ebrahim Raïssi dit appuyer la reprise de négociations avec les Etats-Unis, afin d’obtenir la reprise des exportations de pétrole sans laquelle la crise sociale s’aggraverait inéluctablement, mais aux conditions de l’Iran.

Elu mi-juin dès le premier tour, sans adversaire de premier plan, avec 62 % des suffrages exprimés mais une participation officiellement à un plus bas historique, à 48 % des quelque 59 millions d’électeurs iraniens, Ebrahim Raïssi doit être confirmé ce mardi par l’ayatollah Ali Khamenei. Avant de prêter serment, jeudi, lors d’une cérémonie où il présentera son cabinet. Ce dernier devra alors être confirmé par le Parlement. Ebrahim Raïssi est issu de la branche réputée la plus conservatrice du régime iranien et cet ancien procureur de 61 ans a officié dans une « Commission de la mort » ayant fait exécuter près de 30.000 opposants en 1988.

Ebrahim Raïssi, qui a tenu fin juin sa première conférence de presse de président élu, va devenir officiellement ce mardi le numéro deux du régime derrière le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. (ATTA KENARE/AFP)

Par Yves Bourdillon Publié le 3 août 2021 www.lesechos.fr

 

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Moshé

Si ce mec-là est un descendant du prophète (sayyed) et par conséquent un descendant d’Abraham, c’est qu’il y a eu un bug quelque part…