Duel au soleil (noir) du Chiisme entre Sistani d’Irak et Khamenei d’Iran

Un député irakien anonyme s’exprime sur le fossé qui se creuse entre eux. Sistani ne veut ni sectarisme (panchiite), ni népotisme (Al-Maliki), ni corruption, ni tutelle de Soleimani, ni des Russes comme seuls maîtres à bord… 
Shiite Grand Ayatollah Ali al-Sistani. (AFP/Ahmad al-Rubaye)

BEYROUTH – Le fossé se creuse entre le Grand Ayatollah très respecté et hautement influent Ali al-Sistani et l’Ayatollah Ali Khamenei, à propos des politiques suivies par le guide suprême iranien en Irak, selon un quotidien basé à Londres.

Alaraby Aljadeed cité mardi un « éminent député » de la coalition d’Alliance parlementaire nationale irakienne, constituée de 70 députés chiites,qui dit que les divergences entre les deux poursuivent une escalade, à cause de « l’insistance du Guide Suprême Iranien à toujours conduire les questions irakiennes de la même manière.

Ce député, qui a préféré conserver l’anonymat, explique que Sistani – qui jouit d’une influence politique considérable, en tant que plus important dignitaire religieux chiite d’Irak – est de plus en plus en colère contre la posture adoptée par Khamenei, concernant la milice de Mobilisation Populaire combattant Daesh en Irak.

« La première divergence qui a conduit à la rupture entrer ces deux [personnalités chiites] concerne la question de la milice de Mobilisation Populaire, que Sistani voulait voir devenir une entité irakienne nationale, plutôt qu’un groupe religieux confessionnel », affirme le Député.

L’Irak a formé la force de Mobilisation Populaire le 15 juin 2015, en tant que milice auxiliaire sous les ordres du gouvernement, seulement deux jours après que Sistani ait diffusé un Edit religieux (fatwa) appelant les Irakiens à défendre leur pays contre la menace d’expansion de Daesh.

Cette force milicienne, qui est organisée et dirigée avec le soutien de l’Iran, est devenue une force presque exclusivement chiite, alors que Sistani insistait dans sa fatwa, pour faire appel à une force trans-confessionnelle qui agirait au nom de l’Etat d’Irak.

« La seconde divergence concerne une foule de réformes proposées par le nouveau Premier Ministre irakien Haidar al Abadi et sa décision de limoger Nouri al Maliki de son poste de Vice-Président irakien, un geste rejeté par Téhéran, et plus spécifiquement Khamenei, qui insiste pour que Maliki [responsable de la politique sectaire et clientéliste qui a mené à l’implosion de l’Irak et, surtout de son armée nationale face à Daesh] reste à son poste », a confié ce député à Alaraby Aljadeed.

Le 9 août, Abadi a annoncé un lot de mesures pour réformer l’Etat irakien, deux jours après  son  entretien avec Sistani, qui le sommait de « lutter avec une main de fer contre la corruption « , alors que les Irakiens se mobilisaient dans des manifestations croissantes contre l’incapacité de l’Etat à fournir des services élémentaires.

Le plan de réforme en Sept points d’Abadi – qui a été approuvé autant par le cabinet que par le parlement – appelait à éliminer les postes de vice-présidents, dont l’un est occupé par Maliki.

Cependant, l’Iran a fait une démonstration de soutien à Maliki en difficultés, en l’invitant pour une visite à Téhéran le 19 août, au cours de laquelle il a été reçu en grande pompe par Khamenei. Des reportages sont survenus depuis montrant que l’Ira, continue de fournir un appui politique conséquent à Maliki et que Téhéran s’oppose vigoureusement à toute réforme en Irak.

Le point final de discorde entre Sistani et Khamenei découle de l’implication potentielle de la Russie en Irak, selon ce député anonyme.

Il affirme que Sistani ne veut pas voir la Russie intervenir militairement dans son pays, insistant sur le fait que Bagdad ne devrait compter que « sur un seul allié fort », au lieu de deux en rivalité l’un contre l’autre, faisant ainsi référence à Moscou et Washington.

« Sistani a confié à ceux qui lui sont proches que la politique du guide suprême de l’Iran accroît l’hostilité contre les Chiites, non seulement en Irak, mais dans le reste des pays arabes », selon ce député chiite.

Les rapports sur ces divergences entre Sistani et les dirigeants iraniens n’ont fait qu’amplifier au cours de ces derniers mois. En septembre, Asharq Alawsat rapportait que Sistani avait envoyé un message au Guide Suprême Ali Khamenei, pour l’interroger sur « l’influence grandissante de Soleimani en Irak ».

Un homme politique irakien anonyme déclarait au quotidien saoudien que Sistani demandait « Si c’était le résultat des ordres mêmes de Khamenei ou la conséquence des décisions prises indépendamment par Soleimani lui seul ».

La colère grandissante de Sistani à propos de l’ingérence de Soleimani dans la politique irakienne symbolise toutes les divergences croissantes entre les appareils religieux de Najaf en Irak et de Qoms en Iran, les deux grands séminaires chiites au monde.

Une source d’Asharq Alawsat affirme que Sistani a depuis longtemps réalisé que l’intervention de l’Iran dans la politique irakienne, par l’entremise d’al Maliki [plébiscité par les conseillers de l’Administration Obama] affecte considérablement le rôle historique de Najaf » (donc dénature le Chiisme, selon sa version plus pondérée].

Cette source a ajouté que l’action de Sistani est la preuve « d’une controverse âpre entre Najaf et Qom », où Sistani et Khamenei jouent respectivement le rôle de l’autorité centrale.

Selon l’analyse du député irakien, l’approche de Khamenei visant à « réformer l’Irak [pour en prendre le contrôle] se concentre sur « la dimension politique des questions, parce que tenir certaines personnalités de haut niveau pour responsables de la corruption mettrait en cause certains dirigeants chiites »-mis en place avec l’aide et dans l’intérêt de l’Iran-.

« Sistani veille sur ce domaine d’un point de vue juridique et religieux ; il pense que combattre la corruption est un devoir légal et moral, indépendamment des conséquences politiques que cela doit engendrer ».

Publié le : 11/11/2015 01:10 PM

now.mmedia.me

Adaptation : Marc Brzustowski

 

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