Il est parfaitement exact que, lors de ces élections, la droite l’a emporté sur la gauche. Mais non la droite et la gauche politiques mais la gauche et la droite identitaires. Il s’agit d’un combat très éloigné de l’idéologie de la Révolution française, mais issu d’une dialectique originaire et fondatrice du peuple juif et ce, dès Abraham.

Les Ivrit, les Hébreux, selon l’étymologie du terme, sont « ceux qui traversent ». Qui traversent quoi ? Le fleuve Euphrate. A l’est du fleuve, s’était développée une civilisation florissante et dominante avec les villes de Sumer et Ur, dont Abraham était natif, une civilisation fondée sur « l’avoir », c’est-à-dire sur la richesse matérielle, l’expansion des villes, les idoles glorifiant la force, le commerce, la sexualité, la nature, etc. Abraham et les Ivrit, les Hébreux, sont ceux qui décident de se séparer, de se couper de cette civilisation dite de l’avoir au bénéfice d’une civilisation de « l’être », c’est-à-dire celle des richesses immatérielles, de la spiritualité, de la morale, de la justice, de toutes les valeurs exprimées par la Bible.

Ce conflit fondateur est celui du peuple juif, dernière tribu survivante des tribus hébraïques. C’est l’un des thèmes récurrents du Deutéronome, Devarim, « ne devenez pas comme tout le monde ». On connaît l’épisode du livre de Samuel, suppliant le peuple de ne pas exiger d’avoir un roi « comme tout le monde » pour les diriger. Ce conflit fondateur se répétera de tout temps, déjà sous Salomon, dont la première partie du règne sera caractérisée par « l’être » – la sagesse de Salomon –, pour tomber dans sa vieillesse sous le règne de « l’avoir », de la richesse, de la magnificence, des femmes et de la reine de Saba, de l’assimilation aux civilisations environnantes.

La fête qui symbolisera ce conflit fondateur du peuple juif est Hanoukka, la guerre des Macchabées contre l’hellénisme dominant. Les Juifs furent alors fascinés par l’hellénisme, la culture de l’intelligence, de l’art, des dieux et le culte du corps développé dans les gymnases. L’on vit alors les Juifs délaissant le Temple abandonné au profit du sport dans les gymnases, nus, le corps huilé magnifiant les muscles, se fabriquant des ersatz de prépuces pour paraître encore plus « comme tout le monde ». La famille Tobie dominait la mode du temps, tandis que la famille des Hashmonaïm, les Macchabées, se révoltait et prenait les armes contre l’hellénisme dominant.

L’assimilation aux civilisations à la mode faisait des Juifs des caméléons, plus nationalistes que les Grecs, que les Perses, les Romains, les Byzantins, les Arabes et jusqu’à aujourd’hui que les Américains. La « gauche » israélienne est « atlantiste », l’Amérique est le modèle à suivre, insurpassable ; elle voudrait presque que l’étoile juive devienne une étoile de plus sur le drapeau américain.

Le plus grand reproche que fait la gauche à Netanyahou est d’avoir osé marquer sa distance par rapport au pouvoir américain actuel personnifié par Obama. Netanyahou veut qu’Israël soit, reste et demeure un Etat juif. Et c’est bien ce qu’il exige avant tout d’Abbas, qui le refuse énergiquement alors que lui-même veut une Palestine arabe, et a adhéré à la Ligue arabe. Mais Abbas refuse énergiquement qu’Israël soit un Etat juif bien que la résolution de l’ONU en 1947 ait préconisé un Etat juif et un Etat arabe !

Ce n’est pas par hasard que Tel-Aviv a voté massivement à gauche et Jérusalem à droite. Tel-Aviv est le symbole de la civilisation américaine, hérissée de gratte-ciel, le pendant culturel de la Californie, du cosmopolitisme, de l’individualisme, du kaléidoscope culturel. Jérusalem est le symbole multiséculaire de l’identité pérenne juive.

Le conflit fondamental n’est pas politique, il est « civilisationnel », identitaire.

Notre choix et notre combat sont identitaires. Il est très au-delà de la politique, au cœur même du monde des valeurs : le choix de « l’être » et non de « l’avoir », de l’immatériel et non du matériel, de la transcendance et non de l’immanence, de l’éternel et non de l’éphémère. Cela dure depuis trente-cinq siècles et nous voulons que cela perdure. Etre juif, c’est résister au désir d’être « comme tout le monde », à l’assimilation, c’est développer notre identité, notre histoire, les valeurs de la Bible. Tel est le combat séculaire des Juifs.

Et c’est celui qui oppose aujourd’hui Netanyahu, sioniste authentique et traditionnel, à une gauche qui se prétend sioniste pour mieux cacher qu’elle ne l’est plus qu’en parole.

N.R. Cohen Tanugi
Le Lien Israël-Diaspora, 19 mars 2015

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