Des préparations contenant des restes des victimes de l’anatomiste nazi August Hirt, qui était en poste à la Reichsuniversität Strassburg, créée par les nazis pendant la Seconde guerre mondiale, ont été découvertes, indique un communiqué de la Ville de Strasbourg diffusé ce samedi soir.

Roland Ries, maire de Strasbourg, Alain Beretz, président de l’université, Jean Sibilia, doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg, Frédérique Neau-Dufour, directrice du Centre Européen du Résistant-Déporté (site de l’ancien camp de Natzweiler-Struthof), Georges Y. Federmann, président du Cercle Menachem Taffel, ainsi que le Grand Rabbin René Gutman ont été informés de la découverte de préparations contenant des restes des victimes de l’anatomiste nazi August Hirt, indique un communiqué de la Ville de Strasbourg diffusé ce samedi soir.

« Cette découverte fait suite aux recherches menées par le docteur Raphael Toledano, au sujet du devenir des corps livrés à l’Institut d’anatomie pendant la Seconde Guerre mondiale. Raphael Toledano a retrouvé une lettre du professeur de médecine légale de la Faculté de médecine de Strasbourg, Camille Simonin, datant de 1952 et faisant mention de bocaux contenant des prélèvements effectués au cours des autopsies judiciaires réalisées sur les victimes juives de la chambre à gaz du Struthof. Les pièces retrouvées sont des éléments conservés par le Professeur Simonin à l’issue des autopsies judiciaires qu’il a réalisées à la demande des autorités militaires sur les restes des 86 victimes juives du Camp du Struthof pour établir les conditions ayant conduit à leur mise à mort délibérée », indique encore le communiqué.

« Ces éléments étaient conservés dans les collections de l’Institut de médecine légale (fermé au public). Le 9 juillet 2015, Raphael Toledano a pu identifier avec l’aide du directeur actuel de l’Institut de médecine légale de Strasbourg, le Pr. Jean-Sébastien Raul, les pièces suivantes:
– un bocal contenant des fragments de peau d’une victime de la chambre à gaz,
– deux éprouvettes renfermant le contenu de l’intestin et de l’estomac d’une victime (probablement la même),
– un galet matricule utilisé lors de l’incinération des corps au Camp de Natzweiler-Struthof », précise le communiqué.

« La correspondance entre les préparations retrouvées et la description qui en est faite dans la lettre de Camille Simonin de 1952 ne laisse place à aucun doute quant à l’origine commune des pièces. L’identité de la personne dont proviennent les pelures de pommes de terre est traçable par le numéro matricule et le numéro d’expertise sur les éprouvettes, puisqu’il s’agit de préparations constituées en vue de documenter les crimes commis au Struthof à la demande d’August Hirt ».

« Les étiquettes identifient chaque pièce avec précision et font notamment état du matricule 107969, qui correspond au numéro qui fut tatoué au Camp d’Auschwitz sur l’avant-bras de Menachem Taffel, une des 86 victimes du projet de « collection de squelettes juifs » voulu par August Hirt, comme cela est confirmé par les archives du Camp d’Auschwitz ».

« Il est d’ores et déjà entendu pour tous que ces pièces doivent être remises à la Communauté juive de Strasbourg, afin de faire l’objet d’une inhumation et de rejoindre les restes des victimes inhumés au lendemain de la guerre au cimetière israélite de Cronenbourg », dit enfin le communiqué de la Ville de Strasbourg.

August Hirt, dirigeait à partir de 1941 l’institut d’anatomie de la Reichsuniversität Strassburg, université nazie créée en Alsace annexée. L’Université de Strasbourg, sans lien avec l’université d’occupation, était elle, à ce moment-là, repliée à Clermont-Ferrand.

Jeune médecin, Raphael Toledano mène depuis des années des recherches sur les victimes du professeur Hirt. Il leur a consacré un film-documentaire

Des matricules aux noms

Un documentaire raconte comment les victimes du professeur Hirt, gazées au Struthof et dont les dépouilles ont été découvertes fin 1944 dans des cuves de l’institut d’anatomie de la Reichsuniversität de Strasbourg, ont recouvré leur nom et leur humanité.

Le nom des 86 », d’Emmanuel Heyd et de Raphaël Toledano (Dora films, 63 minutes), est construit autour de visages.

Visage du professeur August Hirt, nommé à la tête de l’institut d’anatomie normale de la Reichsuniversität de Strasbourg, en 1941. Face abîmée pendant la Première Guerre d’un scientifique parti à la dérive, au-delà de toute éthique, en quête des critères qui fondent la race aryenne, dans le sillage de la société de l’« Ahnenerbe » (héritage ancestral). Les scientifiques nazis s’étant mis en tête de justifier la théorie des races qui a mené à la Shoah, il leur fallait en contrepoint de la célébration de la race aryenne documenter la sous-humanité d’autres hommes. Et particulièrement des Juifs.

C’est à cette tâche que s’est attelé, à Strasbourg, le sinistre professeur Hirt.

Autre visage, celui de l’historien et journaliste allemand de Tübingen, parfois au bord des larmes, Hans-Joachim Lang, qui raconte une invraisemblable quête. Celle qui consista, des décennies après la guerre, à redonner un nom aux victimes dont on a retrouvé les cadavres dépecés, décapités souvent, jetés dans les cuves de l’institut d’anatomie, à Strasbourg.

Visages des témoins de cette affaire, au Struthof en Alsace, ou à Auschwitz en Pologne. Visages des experts qui disent la difficulté à affronter cette histoire parce qu’elle raconte la face sombre de la science.

Et visages absents, enfin, introuvables, des victimes.

On sait que Menachem Taffel fut longtemps le seul nom attaché à la longue liste des victimes du professeur Hirt, en août 1943. Celle des hommes, des femmes, « sélectionnés » à Auschwitz, dont on ne connaissait que les matricules tatoués sur les bras et relevés dans le plus grand secret par un assistant de l’institut d’anatomie placé sous la férule de Hirt.

Cette liste de matricules, Hans-Joachim Lang l’a longtemps portée sur lui, guettant l’occasion de la faire parler pour progresser dans sa quête. Il la confrontera à une autre liste, celle des femmes et des hommes soumis à des examens à Auschwitz, au printemps 1943, avant leur transfert au Struthof pour être tués dans la chambre à gaz aménagée à l’extérieur du camp. Et pour servir ensuite au sinistre projet de Hirt : constituer une collection de squelettes et de crânes.

Au bourreau qui nie l’humanité répond la quête de l’historien qui la restitue

Le film raconte cette quête pour faire revenir dans la mémoire des hommes ces 86 victimes et leur restituer leur humanité. Juifs d’Allemagne, de Grèce, de Norvège…, leurs noms seront divulgués pour la première fois, en 2003, à Strasbourg.

Emmanuel Heyd et Raphaël Toledano racontent comment ces victimes anonymes, jetées dans un bain d’alcool, ont été tirées des limbes de l’anonymat pour être réintégrées dans la communauté des hommes.

Au bourreau qui nie l’humanité répond la quête de l’historien qui la restitue. C’est autour de ces deux trajectoires que le film s’articule. Projet porté depuis près de dix ans par Emmanuel Heyd qui vient du monde de l’audiovisuel, et par le jeune médecin strasbourgeois Raphaël Toledano, auteur d’une thèse sur un autre médecin nazi qui a sévi au Struthof, Eugen Haagen.

Il ne suffisait pas de juger les bourreau – Hirt le fut par contumace, bien après son suicide que les autorités ignoraient – ; il fallait aussi que les victimes retrouvent nom et dignité…

DNA

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