Analyse : alors que Tsahal était occupé à mener une guerre budgétaire et ne parvient pas à s’équiper correctement en vue de la prochaine guerre sur le front nord, l’organisation chi’ite s’est comportée de façon exactement inverse.
On peut interpréter l’incident qui s’est déroulé dimanche à la frontière libanaise comme un affrontement très circonscrit, dans lequel les forces Golani stationnées sur le Mont Dov ont repéré une cellule, alors qu’à ce stade, il est difficile de savoir si elle appartenait à l’armée libanaise ou au Hezbollah, qui a récemment encore renforcé ses liens avec les unités localisées de l’armée.
Des combattants de l’Unité Egoz de reconnaissance ont découvert qu’une cellule était en train de traverser la Ligne Bleue internationale, qui n’est pas marquée par une barrière, et ils ont ouvert le feu en sa direction. Les médias libanais ont mentionné qu’une personne aurait été blessée, et essentiellement, que ce serait Israël qui aurait violé la souveraineté du Liban.
Tsahal compare l’infiltration durant cet épisode à l’incursion d’un avion de combat syrien, abattu il y a deux semaines, mais on doit en réalité l’interpréter comme faisant partie d’une longue série d’incidents qui se sont poursuivis, toute cette dernière année, sur la frontière Nord – autant au Liban qu’en Syrie – et qui portent tous la signature du Hezbollah, pour s’apercevoir que l’organisation chi’ite est en train de changer les règles du jeu.
La ligne de frontière est, tout bonnement, en train d’être modifiée sous nos yeux et on peut détecter une présence accrue de miliciens du Hezbollah, certains en uniforme et d’autres apparaissant sans armes. On peut noter bien plus de drapeaux de l’organisation flottant sur les villages proches de la barrière et, principalement, une nouvelle politique du Hezbollah, qui parvient même à dissuader Israël d’en faire plus, à ce stade.
Il y a une raison, semble t-il, pour laquelle nous n’entendons pas parler, de la part des médias étrangers, de frappes de l’air force israélienne sur la contrebande d’armes de Syrie vers le Liban. En février dernier, un convoi transférant des missiles anti-aériens avancés de Syrie au Liban a fait l’objet d’une attaque aérienne, près de la ville de Jenta, du côté libanais de la frontière. Le Secrétaire-Général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, par l’entremise de l’un de ses associés, s’adressant à la presse, a fait savoir qu’il en passerait pas sou silence ce qu’il a qualifié de « tentative israélienne de changer les règles du jeu », à la suite de la frappe supposée de Tsahal sur le territoire libanais, plutôt qu’en Syrie.
Depuis lors, on a assisté à une série d’attentats terroristes contre les forces de Tsahal, dans la zone du Liban et sur la partie nord de la frontière israélo-syrienne. Le Hezbollah n’en a pas revendiqué la responsabilité directe, mais son implication dans chacun d’eux est claire comme le cristal.
En mars, deux engins explosifs ont explosé au passage d’un convoi de Tsahal, sur le Mont Dov, chacun contenant 20 kgs d’explosifs. Cet incident aurait facilement pu faire 4 morts parmi les soldats et entraîner Israël dans une guerre non souhaitée.
Peu de temps après, on a assisté à une tentative de faire exploser un autre engin explosif, prenant pour cible le 202ème Bataillon de Parachutistes, cantonné le long de la frontière syrienne. Dans ce cas, également, on doit remercier la chance qu’aucun soldat n’ait été tué, bien queplusieurs ont été blessés. Durant la même période, trois autres incidents sans victime sont passés sous les radars des médias.
Il est vrai que le Hezbollah est très occupé à combattre en Syrie, pour le moment, et qu’il connaît, également, des problèmes internes, face aux organisations du Jihad Global, qui menacent de prendre le contrôle de certaines parties de la Syrie et du Liban, mais au moment où nous parlons, l’organisation réussit à défier Israël et à modifier l’équilibre des forces de dissuasion.
Alors que Tsahal s’engageait dans des guerres budgétaires, ne parvenait pas à consolider sa puissance, ni à entraîner ses forces réservistes, ni à s’équiper correctement pour la prochaine guerre sur le front nord, le Hezbollah a fait exactement le contraire.
Le Hezbollah, selon des experts des renseignements militaires, est à son plus haut point de préparation, en ce moment. En plus des 100.000 roquettes qu’il a stockées, un tiers de ses forces combattantes – environ 5000 miliciens – combat en Syrie et y obtient une énorme expérience opérationnelle, en matière de combat urbain. Ses hommes sont entraînés au tir de roquettes et explorent divers moyens de développement au Liban.
Les missiles de courte-portée Borkan, par exemple, sont une des armes transférées au Liban, et que le Président Assad utilise pour écraser les quartiers entiers. Il peut atteindre une portée de plus de 7 kms. L’ogive de chacun de ces missiles peut être doté de centaines de kilo d’explosifs, si bien que les dégâts infligés aux localités présentes sur la ligne de front et aux quartiers généraux de Tsahal sur la frontière nord seront de nature totalement différente que les dommages causés par les tirs de mortiers tirés par le Hamas depuis la Bande de Gaza.
Aussi, même si le Hezbollah n’est pas intéressé à se lancer dans une guerre, à ce moment précis, la série d’incidents dans le nord doit être prise très au sérieux. On doit se rappeler que le Hezbollah avait planifié la Seconde Guerre du Liban, de la même façon (par une suite d’incidents), en en regrettant le déclenchement un peu plus tard, et que le Hamas a, de la même façon, été entraîné dans une guerre sans vraiment l’avoir voulue.
Tsahal, par conséquent, doit encore élever son degré de préparation et tirer les conclusions qui s’imposent de l’Opération Bordure Protectrice, aussi vite que possible, de façon à ce que la prochaine escarmouche ne conduise pas à une guerre dont la planification serait mal gérée.
Yossi Yehoshua
