Le livre de L’Exode, le Sepher Chemot, s’est achevé avec la récapitulation minutieuse des éléments entrant dans la constitution du Sanctuaire et avec celle de son montage méthodique, tel que Dieu l’avait prescrit, de sorte qu’en en reprenant  le récit, c’est comme si le lecteur participait à son tour et à sa manière à  ce montage et qu’il en devenait l’artisan  actuel.

Et une fois cette oeuvre accomplie, une oeuvre digne du Maassé Beréchit, de l’oeuvre de la Création du monde, la Présence divine l’investit toute, au point de ne sembler laisser aucune place à Moïse lui même.

Comme pour signifier que le Sanctuaire devait se prolonger par un autre espace- temps dont il serait la structure d’accueil.

Et c’est pourquoi la Thora enchaîne  sans désemparer par ce verset : « Et Dieu appela (vaykra)Moïse du sein de la Tente d’Assignation (Ohel Moêd)..» et qu’elle se prolonge par une première série de prescriptions concernant les korbanot. Ces deux premiers points méritent une profonde attention.

Que signifie « appeler » ? Ce verbe est bâtit sur la racine KRA qui signifie certes appeler, au sens phonique, mais aussi advenir au sens événementiel. Ces deux significations sont liées : un événement, par définition imprévisible,  n’advient qu’au regard et à l’esprit de qui le souhaite, de qui l’attend ou l’espère.

23 Vayikra.

La Présence divine ne se convoque pas. Elle ne s’invoque pas non plus comme les esprits de la Forêt enchantée. Le Dieu de la Thora est un Dieu vivant et personnel, qui « s’en vient » et qui peut aussi s’en aller, parce qu’il est libre.

Libre même s’il se lie dans et par une Alliance. Moïse était en attente de Dieu comme Abraham était attentif au pas du passant  s’inscrivant dans son regard, au plus loin de sa tente hospitalière.

Pourtant, le degré de prophétie et de sainteté atteint par Moïse fait de lui le prophète incomparable à qui « Dieu parlait face à face, comme l’on  s’entretient avec un ami ».

Qu’en sera t-il de tout autre être qui veuille à son tour s’approcher  de la Présence  divine ou s’en rapprocher s’il s’en était éloigné,  à moins qu’Elle se fût éloignée de lui?

Aucune incantation, aucun rituel magique ou prétendu magique ne l’y aidera. Dans ce but il devra procéder à un korban, terme improprement traduit par sacrifice.

Le sacrifice, au sens ordinaire, est négativement connoté par les idées de  diminution, si ce n’est d’amputation, parfois à notre corps défendant.

Le mot korban comporte de tout autres significations. Il est bâtit sur la racine KRB qui désigne le rapprochement mais sans confusion, la réduction des distances mais sans dissolution de la personnalité. Tout le contraire, une fois de plus, de la régression du Veau d’or, idole fusionnelle et confusionnelle, compacte, opaque, réfractaire.

L’accomplissement des korbanot ne prend son sens que par l’intégration inéluctable de ce premier niveau animal, non pour s’y mélanger mais pour y prendre appui et le dépasser.

C’est pourquoi le texte insiste tant sur le découpage de l’animal apte au korban,de sorte que quiconque y assiste découvre un organisme articulé, avec un intérieur et un extérieur. Platon fera de cette sorte de  découpage, lui aussi méthodique et respectant l’intégrité de l’organisme, une des fonctions de la pensée proprement humaine.

Aussi, peut on dire que les korbanot dont on  découvrira la nomenclature  et même la théorie notamment chez Maïmonide,  étaient des fins en eux mêmes pour quiconque devait recouvrer le sens physique, corporel, presque kinésithérapique  du rapprochement, pour les raisons que l’on a dites.

Mais leur portée était plus élevée. Ils  impliquaient l’acceptation de la hauteur d’âme propre à l’être humain  qui sache user de la parole non pour empêcher, pour obstruer, pour abolir mais au contraire pour donner naissance, solliciter, inviter.

Car appeler, au sens du vaykra, c’est faire accomplir à l’appelé ou à l’invité un mouvement confiant, allant justement de l’extérieur vers l’intérieur, au plus prés de soi. C’est pourquoi également l’entame du Lévitique insiste sur la dimension humaine des korbanot accomplis par le biais d’animaux  «.. parle aux Bnei Israël et tu leur diras : « a) Un homme lorsqu’il rapprochera  (yakriv) b) à partir de vous mêmes (mikhem) un  acte de rapprochement c) pour Dieu (korban laChem).. »

Les trois dimensions complémentaires du korban  sont ici clairement mentionnées : la dimension humaine (adam) n’est pas dissociée du peuple (lakhem). Elle en procède.

Et c’est à cette double condition que le rapprochement divin proprement dit (korban laChem) aura sa pleine portée. Ce qui s’ensuit demande également à être examiné méthodiquement, korban après korban, comme la cartographie de l’espace spirituel et de l’espace social  par laquelle la Présence divine trouve ses propres voies et chenaux, à la rencontre  de la Présence humaine. Liturgie qui s’inscrit également dans une histoire.

Isaac Breuer le rappelle : sans la présence du bélier, le dénouement vital de la ligature d’Isaac, fils d’Abraham, n’eût pas été possible.

Solidarité non seulement écologique mais spirituelle. Le  Psalmiste le rappelle dans ce passage lu à  Minh’a de chabbat : «  L’homme et l’animal, tu les sauves, Éternel ». Ensemble.

Raphaël Draï Zal

 

Vayikra: L’Éternel a appelé Moïse (vidéo)

Cette sidra avec laquelle nous entrons dans le livre VAYIKRA ou LEVITIQUE, troisième livre du Pentateuque traite essentiellement des korbanoth ou sacrifices.

Ce livre est appelé par ailleurs Torat HaCohanim ou l’enseignement des Cohanim et des Léviim dans les tâches qui leur incombent à tous au Temple.

Par le premier mot de cette sidra: « vayikra » IL a appelé, la Torah souligne pour la troisième fois que D. a appelé Moïse de manière particulière comme IL l’a fait lorsque Moïse s’est approché du buisson ardent ou bien lorsque Moïse devait monter sur le Sinaï pour y recevoir la Torah. Ici, donc, quelle est la cause de cette convocation ?

Le Midrash raconte que lors de la première convocation il était question de faire sortir le peuple d’Egypte, pour la deuxième il était question de promulguer la Torah et à présent : il est question de demander à Moïse d’enseigner au peuple l’intégralité de la Loi (l’écrite et l’orale).

Il y a pourtant une remarque importante à faire : le mot vayikra s’écrit avec un alef à la fin et cette lettre est inscrite en tout petit dans le texte. Pour quelle raison ?

Rashi commente ce alef ainsi : en fait Moïse voulut écrire vayikra vav-yod-kouf-resh ce qui aurait pu se lire vayikar (il a chéri) et D. fait remarquer à Moïse qu’il devait ajouter la lettre alef ce que fit Moïse en rétrécissant cette lettre.

Certains autres commentateurs pensent qu’il faut lire « vayiker » soit IL l’a appelé de manière accidentelle…

D’autre part, pour en revenir à la raison pour laquelle le alef de vayikra était plus petit, le midrash, encore, nous apprend que lorsqu’une lettre est de plus petite taille c’est  qu’il y a la possibilité de lire le mot de manière différente et ici, si l’on ne lit pas le alef c’est parce que l’humilité de Moïse sur laquelle il est dit : « Et l’homme Moïse était un homme très humble plus que tout autre homme… », lorsque D dicta à Moïse « D. appela Moïse » celui-ci, réfléchissant rapidement se fit la réflexion suivante : « quoi ? qui suis-je, moi, pour que D. m’appelle ? » et aussitôt il demanda au Créateur la possibilité d’écrire le alef de vayikra en tout petit pour que, le lecteur en ne s’attachant qu’aux lettres de taille normale lise : VAYIKER.

Jusqu’où l’homme devra-t-il s’attacher à se conduire avec humilité pour avoir un aussi grand mérite que celui de Moïse ? Tenter de se perfectionner sans fin pour arriver à la sainteté.

Le midrash fait aussi allusion au fait que Moïse ne pénétra dans le Saint des Saints qu’après y avoir été invité.

Sacrifice en hébreu se dit KORBAN de la racine karov : proche. Ce qui reviendrait à dire que d’offrir un sacrifice n’est autre qu’un acte tendant à rapprocher la créature de son Créateur lorsqu’il offre de sa propre volonté un animal ou autre chose à D. et donc par là-même de s’élever vers D. non seulement pour se rapprocher mais aussi pour conférer au sacrifice une élévation sur la vie du monde matériel et concret vers l’infini du monde spirituel.

La première fois qu’on parle de sacrifice c’est dans la Genèse lorsqu’Abel offre un sacrifice et que celui-ci est agréé. Ce premier sacrifice n’est qu’un acte volontaire étant donné que D. n’en avait pas réclamé.

En fait les sacrifices offerts avant le don de la Torah ne se nommaient pas korbanoth mais portaient d’autres noms tels que Minhot (offrande), maâsser (le dixième) et les zévahim ; toutefois il est à noter que les hommes pouvaient procéder par eux-mêmes à des sacrifices alors qu’à partir de la promulgation de la Torah, les korbanoth sont une tâche incombant exclusivement au Cohen.

Cependant, un sacrifice doit être offert d’un cœur pur et avec de bonnes pensées et intentions. Les sacrifices n’exigent pas toujours d’offrir des bêtes mais cela peut-être également des fruits, des céréales, de l’huile, des céréales pétries avec de l’huile, de la pâte etc.

Rashi fait remarquer également que D. a signifié à Moïse Sa volonté mais a exigé de lui qu’il aille le répéter au peuple et qu’ensuite il revienne l’informer de la volonté éventuelle du peuple.

Ainsi tout se passe comme si D. fait une proposition (demande en mariage) au peuple et que Moïse reçoive l’acceptation et la retransmette à D.

Les sacrifices ont eu lieu aux premiers et deuxième Temples et si D veut cela reprendra au troisième Temple.

Il existe donc plusieurs types de sacrifices : le korban ôlah קורבן עולה ou holocauste, le korban hatat קורבן חטאת sacrifice expiatoire, korban minha קורבן מנחה, korban asham קורבן אשם sacrifice délictif, korban shelamim קורבן שלמים sacrifice rémunératoire, et puis il y a le korban pessah קורבן פסה sacrifice de Pâque,le korban bekhor קרבן בכור, le korban tamid קורבן תמיד sacrifice perpétuel et le korban moussaf מוסף supplémentaire et le maâsser מעשר, maâsser sheni מעשר שני etc…. les personnes désirant offrir des choses au Temple pouvaient offrir aussi de l’encens, de l’huile, du bois pour brûler les sacrifices.

A remarquer les korbanoth sont en général des animaux et les minhoth sont à base de végétaux ne contenant ni levain ni miel.

Le korban ôlah est offert à titre individuel et volontaire. L’animal qu’il soit un taureau, un bélier, un mouton, sont des mâles, sans défaut, généralement jeunes (un an ou deux).

Ils sont chargés des fautes de la personne offrant en imposant ses mains sur la tête de l’animal qui, après avoir été abattu sera entièrement consumé par le feu pour les fautes bishgaga (בשגגה).

Pour les personnes ayant été atteintes de lèpre ou pour les femmes ayant conçu en état d’impureté.

Le korban hatat est un sacrifice offert par des personnes privées par les offices du Cohen Gadol pour expier une faute grave commise sans intention ou pour Kippour.

Pour ce sacrifice seuls les organes sont entièrement brûlés sur le mizbéah (autel) certaines parties sont consacrées à l’Éternel et le reste en dehors de certaines parties réservées aux cohanim doivent être consommées intégralement dans l’enceinte du Temple.

Le korban asham est un sacrifice offert pour un délit. Il s’agit d’une offrande personnelle et non publique.

Le korban shelamim est offert à titre individuel lors d’un pèlerinage, ou pour un vœu. Il est offert par le public pour la fête de Shavouoth.

Le korban de pessah est effectué dans l’enceinte du Temple à la veille de Pessah par chaque chef de famille et rituellement à la veille de la fête.

Pour tous les autres produits de la terre on offre la dîme ou maâsser. Cette offrande est adaptée aux besoins et aux possibilités de chacun et sont aussi adressées en partie aux Cohanim et aux Léviim.

Pour la curiosité historique, dans l’île d’Ieb (près du barrage d’Assouan) (appelée aussi Eléphantine) à l’époque de Ezra, des Juifs avaient construit un temple sur le modèle du Temple de Jérusalem et ils faisaient des sacrifices.

Les sacrifices dits propitiatoires ou כפרות en hébreu, sont des sacrifices que l’on fait de manière expiatoire d’après la racine de לכפר.

Comme kippour כיפור. Autre chose à remarquer c’est que le פרוכת ou tenture devant l’Arche Sainte et כפורת le propitiatoire renferment les mêmes lettres de même que כפתור (les boutons qui ornaient la menorah du Temple.

Dans les différentes façons de commenter la Torah, il en est une qui s’attache aux cas qui sont présents dans la Torah où des lettres sont plus grandes et parfois plus petites. Dans la Torah, rien n’est au hasard.

Les exégètes s’entendent pour donner un sens à ces mots où la ou les lettres ne sont pas de la même taille que le reste du mot en donnant un sens allusif non pas de manière fantaisiste mais, en se basant sur les midrashim qui éclairent l’étudiant ou le lecteur : en effet se posent deux problématiques à ce niveau : la première est de savoir pourquoi et comment Moïse a pu prendre l’initiative de faire des modifications dans le corps de la Torah et ensuite, qu’est-il advenu de cette quantité d’encre non utilisée.

Le midrash nous raconte ce qui s’est passé sur le Mont Sinaï où Moïse écrivait la Torah sous la dictée du Saint béni soit-IL : D. avait remis à Moïse la quantité exacte d’encre et de parchemin nécessaires à Moïse pour mettre par écrit la parole divine.

Or, après qu’il eût terminé de tout écrire, même s’il écrivit certaines lettres plus grand que d’autres, il en écrivit d’avantage qui furent plus petites et, il resta de l’encre.

D. décida d’utiliser ces gouttes d’encre en les essuyant sur le visage de Moïse et, c’est la raison pour laquelle, en redescendant du Mont Sinaï avec la Torah, nous lisons que le visage de Moïse rayonnait d’une lumière si intense qu’il fut contraint d’atténuer cet éclat en voilant sa face.

Caroline Elisheva Rebouh

MA Hebrew and Judaic Studies
Administrative Director of Eden Ohaley Yaacov

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