Zingaro , Cabaret de l’Exil
Le théâtre équestre de Zingaro, fondé en 1985 a pris une option audacieuse: une incursion dans le monde du Yiddish, du Shtetl, de la musique Klezmer. Un monde disparu. Bartabas, le metteur en scène intéressé par le monde Yiddish, le découvrira plus précisément par l’intermédiaire de Rafael Goldwaser, rare comédien Yiddish à l’accent si précieux. Rafaël Goldwaser fit entendre à Bartabas le discours prononcé par Isaac Bashevis Singer, avant que ne lui soit remis le Prix Nobel de Littérature. Après la traduction faite par Rafael Goldwaser, Bartabas veut un spectacle autour du Yiddish. Pour accompagner ce projet, Bartabas choisit un groupe de musiciens Klezmer, un groupe parisien mais qui « viendrait d’ailleurs ». Après des indications sur les contraintes imposées pour la coordination avec le spectacle, le choix fut laissé libre à Marine Goldwaser, musicienne spécialisée dans la musique Klezmer , également fille de Rafael !
Entre les chevaux, colombes, oies, ânes, harengs et chèvres défilent sous nos yeux le petit monde éternel peint par Chagall, mais aussi des prières issues directement de la liturgie qui surprennent et saisissent. Notamment El Mole Ra’hamim , dans l’enregistrement de Shalom Katz. Moment très fort du spectacle où apparaît un Rabbin couvert de son Talith. En 1942 dans un camp de concentration, Shalom Katz, qui devait être fusillé demanda la permission de chanter cette prière pour ses compagnons qui creusaient leurs propres tombes. Le commandant nazi en fut si impressionné, que miraculeusement Shalom Katz fut épargné.
Le fil conducteur du spectacle est le discours de Bashevis Singer prononcé à Stockholm en Yiddish et qui évoque les fantômes. « J’aime écrire des histoires de fantômes. Pour des histoires de fantômes, rien ne convient mieux qu’une langue en train de mourir. De plus, je crois à la Résurrection et je crois que lorsque les six millions de morts reviendront leur première question sera de savoir s’il y a un nouveau livre à lire en Yiddish ».
Nous sommes transportés dans un monde empreint d’images fortes, émouvantes en résonnance avec les tableaux de Chagall, les mariés, le Rabbin volant. Comme les LuftMensch,ces personnes si familières et étranges du monde Yiddish qui traversent le monde réel, sans s’y attacher, et, sous nos yeux, virevoltent les écuyères et les écuyers. Nostalgie, humour, comme dans cette vraie vie, s’entremêlent et se croisent en un fragment de seconde. Le spectacle de Bartabas fait revivre des hommes, des femmes, le monde du Yiddshland qui passe devant nous en lourdes carrioles. Lourdes comme le souvenir.
Prolongé jusqu’à fin mars, » Le Cabaret de l’Exil » un spectacle hors normes tant par sa mise en scène, que par son sujet émouvant, surprenant, fascinant. Merci M. Bartabas
Evelyne Gougenheim – Akadem