Ida Grinspan tient des photos d’elle-même pendant sa déportation à Auschwitz, à l’université d’Alicante (Espagne) le 14 octobre 2009. (MAXPPP)

Arrêtée à l’âge de 14 ans dans les Deux-Sèvres,Ida Grinspan avait survécu à l’horreur nazie. Elle avait passé les trente dernières années à témoigner dans les collèges et lycées.

Au fond d’elle, une petite voix aurait pu se demander très longtemps : par quel miracle, du haut de ses 14 ans, avait-elle pu échapper à la chambre à gaz ?

A Auschwitz, plus encore que dans tout autre camp de concentration nazi, les SS ne faisaient pas dans le détail : les enfants, impropres au travail, passaient des wagons à bétail à la mort. Pas Ida Grinspan, qui a survécu et témoigné.

L’une des dernières survivantes de la « Shoah » est décédée à l’âge de 88 ans. C’est la députée des Deux-Sèvres Delphine Batho qui a annoncé sa mort dans la nuit de lundi à mardi.

« J’ai l’immense tristesse de faire part aux Deux-Sévriens de la disparition de notre protégée Ida Grinspan, femme exceptionnelle de courage et de joie de vivre », a annoncé l’élue socialiste.

Delphine Batho

@delphinebatho

J’ai l’immense tristesse de faire part aux Deux-Sévriens de la disparition de notre protégée Ida Grinspan, femme exceptionnelle de courage et de joie de vivre. Survivante de la Shoah, elle témoignait toujours auprès des jeunes et nous rendait souvent visite. Elle était mon amie.

Des générations de lycéens connaissent Ida Grinspan. Elle accompagnait régulièrement les voyages à Auschwitz, notamment ceux du conseil régional d’Ile-de-France. Coiffée de sa chapka, minuscule petite femme à la voix douce et aux yeux brillants, elle transmettait sa mémoire. Elle disait la barbarie concentrationnaire simplement, sans emphase ni pathos. Le livre qu’elle avait publié en 2002, avec Bertrand Poirot-Delpech, s’intitulait d’ailleurs « J’ai pas pleuré ».

« J’ai eu énormément de chance, je faisais plus que mon âge »

Ida Grinspan était née à Paris en 1929, de parents originaires de Pologne et arrivés en France six ans plus tôt pour fuir l’antisémitisme. Au début de la Seconde Guerre mondiale, ses parents la confient à une nourrice dans un petit village des Deux-Sèvres, Sompt, où elle sera arrêtée dans la nuit du 30 au 31 janvier 1943 par trois gendarmes français.

Elle fut déportée le 13 février 1944 vers le camp d’Auschwitz. Elle avait 14 ans. « J’ai eu énormément de chance, je faisais plus que mon âge, je rentrais dans le camp par miracle, je suis restée onze mois à Birkenau-Auschwitz », nous confiait-elle en novembre 2007, dans un froid polaire, sur un banc du camp dont l’entrée est pour toujours marquée de la cynique devise « Arbeit macht frei », « la liberté par le travail ».

Auschwitz : Ida en est revenue

 

Sa mère Chaja avait été arrêtée le 16 juillet 1942, lors de la rafle du Vélodrome d’Hiv’, et déportée vers le camp d’Auschwitz. Elle avait été gazée avant l’arrivée d’Ida. Son père Jankiel fut déporté par le dernier convoi, le convoi no 77, le 31 juillet 1944, qui partit pour Auschwitz. En cinq années, plus de 1,1 million d’hommes, de femmes et d’enfants meurent à Auschwitz, dont 900 000 le jour même de leur arrivée.

Onze mois à endurer le travail forcé et le froid glacial

Ida a passé onze mois dans les baraquements du camp, endurant le travail forcé, l’absence de nourriture, l’inhumanité des kapos, le froid glacial du sud de la Pologne. Elle a survécu aux marches de la mort, ces transhumances de prisonniers d’un camp à un autre, destinées à cacher les méfaits nazis aux alliés qui progressaient autant qu’à achever les derniers survivants. Trois jours et trois nuits de marche sans pause pour rejoindre Ravensbrück, en Allemagne. Puis autant pour aller à Neustadt-Glewe. Paradoxalement, c’est le typhus qui la protégera de la mort. Une infirmière polonaise prendra soin d’elle.

Rentrée à Paris à presque 17 ans, elle n’avait retrouvé que son frère. « Des camarades qui sentaient que leur fin approchait nous disaient si vous vivez, il faudra leur dire. Leur hantise, c’était que le monde ne sache pas. On a une dette. J’ai toujours répondu mais au début, les gens n’écoutaient pas ».

En 1987, la région Île-de-France lui propose de témoigner, sur place, auprès d’élèves de Terminale. « J’avais peur de revenir à Auschwitz. Et puis on m’a dit c’est dommage, ce serait utile ». Le camp de concentration a été restauré, il reste des salles de déshabillage, des « douches », terme obscène compte tenu de leur usage criminel, et en témoignage, des montagnes de chaussures, de cheveux, de valises, d’objets personnels, scrupuleusement consignés par la méticulosité de l’administration allemande d’alors, qui notait toutVêtements, cheveux, peau, dents en or… Tout ce qui appartenait aux victimes devait profiter au Reich.

Ce retour43 ans après la libération, est un choc pour Ida. « Mais on m’a communiqué ce que les élèves avaient écrit dans l’avion du retour. Et l’année d’après, je suis revenue », disait-elle. Puis chaque année ensuite.

Avec des lycéens d’Île-de-France à Auschwitz-Birkenau

 

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