« Pinhas fils d’Eléazar, fils d’Aharon le Pontife » (vidéo)

« Pinhas fils d’Eléazar, fils d’Aharon le Pontife a détourné ma colère de dessus les enfants d’Israël, en se montrant jaloux de ma cause au milieu d’eux en sorte que je n’ai pas anéanti les enfants d’Israël dans mon indignation. C’est pourquoi, tu lui annonceras que je lui accorde mon alliance amicale (eth berithi chalom) » ( Nb, 25, 11, 12). Bible du Rabbinat.

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Le sens du récit biblique n’apparaît véritablement que lu en hébreu et dans la graphie de cette langue.
Autrement des éléments essentiels de son interprétation se dérobent au regard optique et à l’intelligence du texte. Ainsi en va t-il lorsque l’on traduit « berithi chalom » par « alliance amicale ».
Pour bien le comprendre il faut reconstituer ce qu’il est convenu d’appeler le contexte de l’affaire.
Durant la Traversée du désert, les crises n’ont pas manqué qui ont mené les Bnei Israël parfois au bord de la destruction.
Chaque fois ils en ont réchappé, prenant conscience in extremis de la gravité des transgressions commises et s’engageant à ne pas les réitérer. Mais une chose est de dire, autre chose d’accomplir.
D’où la récurrence de ces crises, comme si chacune d’elle mettait au jour une racine vénéneuse bien plus profonde qu’on ne l’aurait cru.
Dans la paracha précédente, l’on a vu comment la malédiction commandée par le roi Balak au prophète Bilâam a été commuée en bénédiction.
L’on aurait alors pensé que le peuple, rassuré par cette bénédiction d’un niveau exceptionnel, s’élève encore en spiritualité.
Au lieu de quoi, une partie des Bnei Israël ne croit pas mieux faire que se livrer à la prostitution idolâtrique avec des Midianites, et cela dans la sidération complète des responsables du peuple, jusqu’au moment où Pinhas, brisant cette sidération, embroche le couple initiateur de l’orgie.
Dans un récit légendaire ordinaire, l’on aurait pensé également que Pinh’ass soit aussitôt érigé en héros et cité en exemple.
Au lieu de quoi, la Parole divine enjoint de lui adresser un autre message: certes, le petit-fils du pontife Aharon a su prendre fait et cause pour le Dieu d’Israël et pour la loi du Sinaï.
Ainsi a t-il rendu inutile une intervention directe de l’Eternel. Pourtant en agissant comme il a fait, et quelles que soient les contraintes de sa propre intervention, il n’en a pas moins porté atteinte à la vocation des Aharonides: la recherche de la paix.
A n’en pas douter son infraction, car c’en est une, bénéficie de circonstances explicatives et atténuantes. Elle reste néanmoins une infraction à cette vocation native et ne saurait être érigée en norme.
Nul doute non plus que Pinh’ass en soit conscient et qu’il se retrouve taraudé par l’après- coup de son acte, comme le fut Moïse en personne après avoir tué le maître de corvée égyptien qui tourmentait un esclave hébreu dont il se sentait comme jamais le frère (Ex,2, 12).
C’est pourquoi le Créateur aidera Pinh’ass a assumé ce débat de conscience en l’insérant dans une Alliance, dans une Berith, pour bien souligner qu’il ne s’agit pas d’une mesure circonstancielle mais bien d’un dispositif qui étaye la vie même du peuple tout entier.
On sait qu’il est plusieurs modalités de l’Alliance: l’Alliance du sel (Berith mélah’), l’Alliance de la circoncision – révélation ( Berith mila), le sang de l’Alliance ( dam Haberith).

Cette fois il s’agit d’une Alliance de paix: Berith Chalom. Et c’est sur ce point précis que la lecture du récit en hébreu est indispensable.

Car, dans le texte originel, le mot ChaLoM s’écrit d’une manière bien particulière qui ne se retrouve pas dans toutes les bibles, y compris parfois dans celles imprimées en hébreu: la vav de ChaLoM n’est pas transcrit comme il l’est ordinairement, autrement dit tel un trait continu.
Il l’est de sorte à faire apparaître en son milieu une coupure, une interruption, comme s’il était constitué de deux demis vavim séparés par un blanc: ChaL:M.
Comme s’il fallait également comprendre qu’à la suite de l’intervention de Pinhas le peuple se retrouvait lui aussi coupé en deux, la représentation pour ainsi dire graphique de cette coupure prescrivant l’obligation d’une réparation immédiate, celle précisément du chalom qui constitue la vocation originelle d’Aharon le Cohen, lequel n’est plus physiquement présent parmi le peuple qui l’a pleuré au lieu dit Hor Hahar après que le Créateur l’avait rappelé auprès de Lui.
Aucune existence, individuelle ou collective, n’est rectiligne. Elle est faite d’instants qui se suivent certes mais qui ne se ressemblent pas toujours, les uns paisibles, les autres chaotiques.

Lorsque ces derniers se produisent, il ne faut pas les assigner à la fatalité, ni s’imaginer qu’ils ne se reproduiront pas. La valeur du ChaLoM ne se marchande guère.

Lorsqu’elle est contrariée par l’irruption de la violence, il importe plus que jamais que celle-ci se retrouve circonscrite le plus étroitement possible et que la paix prévale à nouveau. La paix n’est pas une simple disposition affective.

Elle est avec le droit et la vérité l’un des piliers de l’univers. Et de cela il est fait sans tarder leçon à Pinhas, encore sous le coup de son geste explicable mais qui ne doit pas faire école pour un peuple dont les institutions doivent assumer toutes leurs responsabilités.
Raphaël Draï zatsal 

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