PéKouDei: « on en fit les crochets ou vavim, des piliers » (R. Draï Z’l)

«Quant aux mille sept cents soixante quinze sicles, on en fit les crochets (vavim) des piliers, la garniture de leurs chapiteaux et leurs tringles» (Ex, 38, 28). Traduction de la Bible du Rabbinat.

La traduction précitée est un bon exemple de ce qui se perd du texte biblique lorsqu’il n’est pas abordé directement en langue hébraïque, dans la sûre intelligence des notions et concepts qu’il utilise.

De quoi est-il question? Non plus de la conception du Sanctuaire mais de la confection de ses divers composants puis de leur assemblage, avant leur montage conclusif.

 

A première vue nombreuses sont les répétitions qui alentissent ce récit, depuis la première paracha consacrée à ce sujet: la paracha Térouma.

Nous sommes incités à une attention plus soutenue une fois éclairée sa logique d’exposition car il ne s’agit pas des mêmes niveaux narratifs et explicatifs.

C’est pourquoi la paracha Pekoudéi commence par rappeler qui furent les maîtres d’oeuvre de toute cette affaire concernant le Monde d’en-haut et le Monde d’en-bas: Betsalel fils de H’our et Oholiav fils d’Akisamakh, assistés de quiconque au sein du peuple était «savant de cœur».

Autrement dit, toutes les opérations intellectuelles et techniques entrant dans la construction du Sanctuaire devaient réaliser chacune à part soi, puis toutes ensemble une oeuvre de pensée, de mah’achava, l’opposé du Veau d’or coulé d’un seul métal, une effigie d’une seule pièce, matérialisation non d’une réflexion mais d’un passage à l’acte.

On comprend mieux aussi pourquoi le Sanctuaire résulte à son tour d’un assemblage, qu’il ait fallu coudre ensemble des tentures, ajointer des panneaux, réunir des pièces confectionnées d’abord chacune pour elle même.

Aussi, et dans le même ordre d’idée, le mot «crochets», utilisé dans cette traduction, abrase-t-il le sens du terme hébraïque originel: vavim. 

Bien sûr par définition et par destination un crochet est destiné à conjoindre deux éléments distincts, à les mettre en contact de sorte à former par leur conjonction un élément nouveau.

Mais précisément pourquoi cette pièce particulière se nomme t-elle en hébreu vavim?

On aura immédiatement observé que ce mot est le pluriel de vav, de la lettre ainsi nommée dans l’alphabet hébraïque. Où cela conduit-il? Aux différents réseaux de sens que cette lettre engage.

La lettre vav est la sixième de l’alphabet et correspond aux six premières phases de la Création, les phases actives, lesquelles de ce fait ne constituent pas une simple succession d’opérations surajoutées les unes aux autres mais ce qu’il est convenu d’appeler une séquence, dotée d’une logique et d’une cohérence internes.

La lettre vav est bien, en ce sens, la lettre de la conjonction, celle qui rapporte l’un à l’autre en les articulant des éléments autrement disparates et inopérants. L’articulation est l’un des signes les plus visibles et les plus tangibles de la vie.

Sans articulation pas de voix, pas de langage, pas de gestes coordonnés, pas de conduite adaptative, pas de combinatoire mentale, etc. Toute la Genèse est placée sous ce signe: «Au commencement l’Eternel créa les cieux ET la terre» (Gn, 1, 1).

Si, dans la confection du Sanctuaire, des éléments particuliers de celui-ci sont nommés vavim, c’est bien pour l’insérer dans la symbolique créatrice que l’on vient de souligner.

Symbolique de pensée mais qui éclaire aussi, et de l’intérieur, la symbolique sociale du peuple d’Israël. Car on aura également observé que la lettre VaV s’écrit elle- même avec deux VaViM. Répétition? Redondance?

Certes non, mais indication particulièrement parlante selon laquelle, à la différence de l’image induite par le «crochet», une véritable conjonction et une réelle articulation s’obtiennent non par l’assujettissement d’une pièce principale à une pièce secondaire mais par le chevillage de deux pièces d’égale importance, placées l’une en regard de l’autre, en position de réciprocité.

Une réciprocité qui ajoute une valeur supplémentaire à ces deux pièces-là et les exhausse à un niveau de signification et d’efficacité plus élevé encore puisque l’addition des deux lettres vav forme le chiffre 12, celui des composantes du peuple d’Israël, du nombre de ses «rameaux», des douze chevatim, ce terme étant préférable à celui de tribu, mot d’origine romaine et qui se rapporte, comme son nom l’indique, au chiffre 3.

D’autres niveaux de signification sont encore discernables lorsqu’on aura rappelé que la lettre VaV est la lettre pivot du nom de Lévi, un nom qui sera donné au «rameau» sacerdotal par excellence d’où sont issus les cohanim.

Or cette même lettre se retrouve dans toute la terminologie hébraïque de l’éthique, du soutien à autrui et des son accompagnement durant toutes les phases de sa vie, surtout lorsqu’elles sont semées de difficultés et d’obstacles (alVaa, leVaya, etc..)

Ce qui culmine à une dernière remarque conclusive dans le cadre de cette analyse: dans l’alphabet hébraïque la lettre vav suit immédiatement la lettre hei, symbolique de la Présence divine et ces deux lettres se succèdent tout aussi immédiatement dans le Tétragramme.

Toutes ces indications ne constituent pas les degrés ascendants d’on ne sait quel ésotérisme mais les degrés successifs d’une autre échelle: celle de la responsabilité interhumaine dans une Création ouverte et vivace.

 

Raphaël Draï zal, 26 février 2014

 

 

 

Pekoudei: les vêtements sacerdotaux 

Il s’agit des instructions concernant les vêtements de prêtrise ou vêtements sacerdotaux.

Un vêtement se dit en hébreu BEGUED בגד mot composé de trois lettres se succédant dans l’alphabet comme pour signaler les trois sortes de vêtements importants que devra porter le Cohen pour exercer son sacerdoce.

Tout d’abord les vêtements de dessous, ceux intermédiaires et ceux d’apparat.

La guemara Zevahim (88b) qui traite surtout des sacrifices pose la question suivante :  « Qu’est ce que les sacrifices viennent faire pardonner ? Même les vêtements sacerdotaux font expiation ! » (מה קרבנות מכפרים ? אף בגדי כהונה מכפרים!). En effet, il est écrit que chacun des vêtements du Cohen Gadol sert à l’expiation d’un certain ordre de fautes.

Ainsi : Le pantalon (caleçon long) sert à faire pardonner les fautes commises  en inceste et relations illicites

La tunique  sur les effusions de sang,

La tiare sur la grossièreté  et pour que siège sur nous la crainte du ciel

La ceinture pour les penchants du cœur

Le Pectoral  pour tout ce qui concerne la justice, jugements etc..

Le Efod  contre l’idolâtrie,

Le manteau contre la médisance

Le diadème contre l’impudence.

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De même que D. a pris le soin de donner des instructions détaillées pour chacun de ces vêtements et qu’IL n’a rien laissé au hasard,  c’est pour une raison bien précise : c’est que ces vêtements seront les mêmes pour tous les cohanim, ils seront une sorte d’uniforme dont chaque détail a une importance.

Le mot uniforme en hébreu se dit MADIM מדיםde la racine MIDA qui signifie mesure mais aussi comportement : une personne qui possède un bon comportement est une personne baâlatmidoth tovoth  בעלת מידות טובותcar il est de notoriété publique et ce dans toutes les civilisations que le vêtement est d’une importance capitale pour l’être humain en français on dit : l’habit fait le moine mais en hébreu on nous enseigne aussi que : כבוד האדם לבושו kvodhaadamlevousho (pirké avot IV, 21) c’est-à-dire qu’en apportant du soin à notre façon de nous vêtir, nous influençons notre entourage pour que l’on nous apporte de la considération et d’autre part, en parallèle, le vêtement influera sur notre comportement intime et extérieur.

N’est-il pas écrit dans les Tehilim (45,14) כל כבודה של בת המלך פנימה ממשבצות זהב  : kolkevoda bat hamelekhpenimamemishbetsothzahav c’est-à-dire : Toute resplendissante est la fille du roi dans son intérieur, sa robe est faite d’un tissu d’or. 

Ce verset vient expliquer qu’une fille/femme juive est semblable à une princesse/reine (fille du Roi du monde) et cette beauté resplendissante est tout aussi intérieure qu’extérieure car,  la modestie apportée à sa tenue la rend respectable aux yeux du monde et même si son vêtement est sobre, il apparaît aux yeux des autres comme un tissu d’un luxe inouï.

Nous n’allons pas terminer ce propos sans souligner que les offrandes des femmes fut d’importance et considéré avec amour par le Saint béni soit-IL  en effet elles offrirent de leur plein gré tous les bijoux d’or qu’elles possédaient même ceux qui n’étaient pas apparents et qui furent fondus et purifiés par le feu mais aussi, les miroirs dont elles se servirent en Egypte et même dans le désert pour se « faire une beauté » de manière à charmer leurs époux et veiller à devenir mères !

Caroline Elishéva REBOUH

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