Extrait de mon roman ‘’Nous chanterons encore  » 

’Un manège ancien, devant nous, comme un rêve d’enfant, au haut chapiteau où défilaient des tableaux vénitiens, creusait la nuit de ses feux, de ses dorures, restituant, rougeoyante, la lumière captée du soleil fauve qui tout à l’heure s’était enfoncé dans la mer.

            Des miroirs tournaient distribuant des paillettes aux enfants et il passait en nous quelque chose d’autrefois, où se mêlaient par bouffées, la voix lointaine d’un saxophone, une humide fraîcheur qui venait de la mer, les teintes chaudes du manège suggérant comme un écrin précieux une foule de parfums où je croyais reconnaître, perçus sur tes joues, ceux que je t’offrais dans mon enfance, et puis le rappel que cet instant serait unique, qu’il nous était accordé comme le réveil soudain d’une flamme au moment de s’éteindre, et tout ce qui passait en nous d’infinie gratitude à l’instant, de bonheur rassemblé là en une étreinte qui dit tout au moment du départ, et l’impression aussi, je me le disais, que cet instant nous ne le quitterions jamais.’’

Gérard Darmon

NOUS CHANTERONS ENCORE «On vous la rend ! », ont dit les médecins.

Avant, ou après, ils ont prononcé le verdict :

«Quelques semaines, quelques mois au plus, en tout cas pas des années. »

De ses bras, le fils a entouré sa mère. Ils se sont retirés, blottis l’un contre l’autre, recroquevillés, face à la maladie, face à la mort.

Vivre, malgré tout.

Ils ont parlé. Beaucoup parlé. La mort tapie près d’eux les écoutait sans doute. Le chemin de l’enfance re-parcouru. La guerre par moment revécue, et le présent si fort.

Deux ans en tout, comme mille. Le défi relevé, et l’urgence de sauver tout ce qui restera après. La vie démultipliée à perte de mémoire pour les jours qu’ils n’auront plus. Pour eux, la mère et le fils, un seul refuge, l’amour.

Réinventer un pays où la mort n’existerait pas. C’est là qu’ils vont.

A travers la musique, la poésie, la peinture, et toute forme désespérée, et toute sorte de bonheur gagné au jour le jour.

Après ? Il la cherchait au ciel, il lui parlait encore.

Des réponses ? Il en eut, certains jours, certaines nuits.

Il erre encore dans les villes, Paris et Marseille, qui furent leur paysage.

Dans son journal, il relate ce qui fut sa quête face à la mort. Il a appris que l’amour, lui, n’est pas mortel.

               
Gérard DARMON est fils et petit-fils de déportés disparus à Sobibor et Auschwitz. Après des études scientifiques, il a été Maître de Conférence de Biophysique en Faculté de Médecine à Paris. Il est également artiste-peintre, après avoir fréquenté l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et l’Ecole des Arts Appliqués. Il publie ici, sous forme d’une lettre ouverte à sa mère, son premier roman : ‘’Nous chanterons encore… ’ 

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Bonaparte

Un mec bien et courageux ce Gérard Darmon .

Pluie ou bourrasque il fait face sur tous les plateaux aux antisémites de tous bords en les regardant droit dans les yeux .

Il se trouve parmi nos meilleurs défenseurs dans ce milieu du cinoche français où la plupart la réussite les a rendu frileux .

Gérard DARMON

Merci Haï
Je ne te situe pas mais je suis heureux que tu aies pu partager, par roman interposé, l’expérience de ma vie. Chalom à toi !
Gérard