Mikets: Les rêves du Pharaon n’en forment qu’un

Raphaël Draï zal mis à jour le 18.12.2020

Si, comme on l’a proposé précédemment, les rêves qui commencent avec celui de l’Echelle et qui se concluent par ceux de Pharaon n’en forment qu’un, les parachiot qui commencent par «Vayétsé» et qui se poursuivent jusqu’à «Mikets» n’en forment également qu’une.

10 Mikets(Gn,  41, 1  et sq)

Dans les deux cas une vision d’ensemble, panoramique, visuelle et intellectuelle, est requise.

C’est d’ailleurs à la toute fin de la paracha «Vayéchev» que se sont produits deux autres rêves qui sont comme le prélude prophétique de ceux relatés dans la présente paracha.

A la suite de ses déboires libidinaux avec la femme de Potiphar, Joseph – dont son maître égyptien a tout de même épargné la vie – se retrouve incarcéré avec deux hauts dignitaires de Pharaon lesquels ont failli à leur fonction et sont enfermés là, en attente de jugement.

Joseph n’est plus le jeune homme imbu de sa personne. Les épreuves l’ont  mûri. Il sait être attentif non plus aux soins de sa chevelure mais au visage d’autrui.

Et ce matin, le visage de ses codétenus ne trahit rien d’autre que le désarroi et l’inquiétude.

Il faut dire que durant la nuit, l’un et l’autre ont fait en commun  un rêve étrange, à deux dimensions, l’une personnelle et l’autre transversale. Et ils n’en comprennent pas le sens, ce qui ajoute à leur trouble.

Joseph s’en aperçoit, les approche, leur fait comprendre qu’ils peuvent s’en ouvrir à lui.

Mis en confiance ils acceptent et Joseph interprète le rêve de chacun de manière si juste qu’il y reconnaissant pour l’un sa proche libération, pour l’autre sa proche exécution.

Joseph adresse une seule demande en retour: qu’il ne soit pas oublié en cette «prison dans la prison».

Les événements qui se produisent à présent confirment son interprétation. Seulement, celui des deux officiers que Pharaon a rétabli  dans sa charge avait entre- temps oublié le détenu hébreu, sans doute parce que son image lui rappelait trop son incarcération.

Mais l’Histoire continue, tramée l’on ne sait où, ni par qui, même si Joseph, pour sa part, n’en doute plus.

Et il advient qu’à son tour le Pharaon en personne est tourmenté par deux rêves antagonistes dont le sens lui échappe, comme il échappe à tous les sages et nécromanciens que compte l’Egypte d’alors.

Le Pharaon a rêvé que des vaches grasses sortaient du Nil que d’autres vaches, faméliques et carnassières, allaient tout simplement avaler.

Et comme si ce rêve n’avait pas épuisé l’information de son inconscient, il rêve aussitôt après que sortent de terre des épis gras que d’autres épis secs et goulus vont avaler aussi.

Du coup son cerveau n’est plus qu’une cloche battue à toute volée. Les événements s’enchaînent.

L’officier gracié se souvient soudainement de Joseph et relate au Pharaon ce qu’il s’est passé en prison.

Le Pharaon montre foi en ses dires et mande Joseph lequel, sentant son intuition se confirmer, s’empresse de se rendre à cette convocation sans réplique.

Et dans ce but précise le texte «il se rase et change de vêtement», sans doute pour nous faire comprendre qu’il se départit de ce qui persistait en lui d’adolescence et d’égo-centrage.

Arrivé face au Maître de l’Egypte il le prie de lui raconter ses rêves transmués en cauchemars.

Pharaon s’en acquitte et Joseph note quelques variantes au regard de la version qui déjà en avait circulé.

Puis il délivre sa propre interprétation: sept années de prospérité seront suivies par sept années d’une famine si dure que les premières seront comme si elles n’avaient pas été.

Que Pharaon prenne ses dispositions. Celui-ci ne croit pas mieux faire que d’ériger Joseph au degré de pouvoir juste inférieur au sien.

Dans de telles circonstances, Joseph se persuade que l’Histoire en cours ne se limite plus aux péripéties de sa seule existence.

Entre-temps encore, d’autres événements s’agencent de sorte à rejoindre  ceux qui se déroulent en Egypte.

Les prédictions de Joseph se confirment. Après sept années de prospérité, la famine  frappe cette région du monde, si ce n’est toute la terre. Même Jacob et les siens en sont affligés.

Jacob sait qu’il y a du blé en Egypte. Il demande à ses fils de s’y rendre pour en faire provision de survie et ses fils l’écoutent.

Avec une seule restriction : Benjamin, le dernier fils de Rachel ne sera pas du voyage. Jacob redoute qu’il ne subisse un sort analogue à celui dont il croit toujours qu’il fut celui de Joseph, le fils de ses dilections.

Dix enfants de Jacob  se rendent donc en terre pharaonique sans se douter le moins du monde qui, à part Pharaon, en est devenu le véritable maître. Et c’est ainsi, de fil en aiguille, si l’on peut user de cette expression, qu’ils se retrouvent devant Joseph qu’ils ne reconnaissant pas, d’autant que celui-ci a bien pris soin non pas seulement de se dissimuler mais dit le verset de Beréchit de se rendre «étranger» (vaytnaker) à leurs regards (Gn, 42, 8).

Commence alors un jeu qu’on n’ose qualifier de cache-cache. Joseph entreprend de tourmenter ses frères. Pourquoi ne sont-ils que dix? Pourquoi sont-ils venus en Egypte? A eux de prouver qu’ils ne sont pas des espions.

Qu’ils s’en retournent chez leur père et qu’ils ramènent avec eux le frère manquant. C’est peu de dire que la stupeur a saisi la fratrie, aussi diminuée qu’elle soit. Pourquoi ce supplice mental? Que payent-ils en l’occurrence?

N’est ce pas la Justice divine qui s’exerce en ce moment à cause du fratricide qu’ils étaient sur le point de commettre contre leur frère des songes …

En réalité une Histoire aux figures multiples se tresse et se presse dont il est indispensable de discerner les deux fils conducteurs. En premier lieu, il faut, conformément à l’annonce faite à Abraham (Gn, 15, 13) que les descendants de Jacob se retrouvent en Egypte car là se joue une partie du destin de l’humanité et qu’ils en sont parties prenantes.

Mais également, c’est en jouant cette partie qu’ils en joueront une autre, celle qui les approche, une nouvelle fois, au plus prés du fratricide sans que nul ne sache encore s’ils seront en mesure de le déjouer.

Un des frères commence à le discerner: Juda, celui là même qui avait joué sa propre partie de cache-cache avec sa bru, elle aussi voilée, jusqu’au moment où il comprit que quelque chose d’autre tentait de se faire jour, dans le clair-obscur de la Révélation.

Un clair-obscur que les lumières de Hanoucca, synchrones désormais avec ces parachiot, convertiront en pleine clarté.

Raphaël DRAÏ zal

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