L’humoriste Jean-François Derec. / © Philippe Hanula

Un bonnet rouge en guise de nez de clown. Une couleur inséparable de son personnage sur scène, Gérard Bouchard. Un loser attachant, et toujours à contre sens. Même au bout du fil, quand il s’embrouille avec la messagerie du téléphone rose.

Pendant vingt ans, Jean-François Derec est l’humoriste populaire à l’accent grenoblois. Aujourd’hui, il troque son bonnet rouge pour le chapeau noir de son père, sur la scène du théâtre de l’Archipel, à Paris.

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Le soir où j’ai vu son dernier spectacle, première bonne surprise : le texte est très profond, avec une mise à distance réussie. Le ton n’est jamais grave, même si l’histoire qu’il nous raconte est très douloureuse.

Le premier souvenir se passe à Grenoble quand Jean-François à 10 ans. « Christine, 11 ans, me propose de me montrer ses seins si je baisse mon pantalon. Je suis timide, je décline la proposition. Elle me lance : ‘Je sais pourquoi tu ne veux pas me le montrer. Parce que tu es juif et que tu as le zizi coupé en deux !’ Le ciel m’est tombé sur la tête. Ma mère était-elle au courant qu’elle avait mis au monde un enfant juif ? »

S’ouvre alors pour le jeune Derec un abîme existentiel : « Devais-je le dire à mes parents ? Et sinon, comment arrêter d’être juif et devenir un vrai Grenoblois comme tout le monde ? » Démarre ainsi une quête, celle de son histoire familiale. Son véritable patronyme, Dereczynski n’a rien de breton, comme il le pensait. Son père et sa mère, des survivants juifs polonais, ont tout fait pour cacher leurs origines à leurs trois enfants et devenir des gens « komifo ».

L’humour en héritage

La seconde bonne surprise, c’est l’humour en héritage. Comme il l’a écrit dans son récit autobiographique, avant de l’adapter pour la scène : « C’est l’histoire d’un père juif qui racontait des histoires juives et qui voyait toujours le côté positif des catastrophes. A l’inverse de la mère juive, qui voit plutôt le côté catastrophique des réussites. C’est l’histoire d’un futur comique qui apprend l’humour par son père. Et l’angoisse par sa mère. C’est l’histoire de la seule chose que des parents peuvent léguer à leurs enfants, selon un proverbe juif : ‘Des racines et des ailes.’« 

Son autobiographie est à son image, drôle et touchante. C’est celle d’un comique qui a le sens du titre pour ses spectacles (« L’Homme au bonnet rouge ») et qui nous a marqués par ses apparitions au cinéma: « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes », « Génial mes parents divorcent », « Marche à l’ombre »…

C’est l’histoire de la seule chose que des parents peuvent léguer à leurs enfants, selon un proverbe juif : ‘Des racines et des ailes.’

Son rêve, communiqué à ses enfants sur le mode litanique du « comme il faut », est de ressembler à tout prix aux Français moyens. « A côté de ma mère, Marthe Villalonga était une autiste. » Plus tard, à Paris, l’adulte Jean-François Derec découvre les Séfarades, s’initie à la culture juive, les fêtes et les rituels, inquiet à l’idée de commettre une bévue. Premiers pas à la synagogue, première kippa, première cérémonie…

On retrouve toutefois Jean-François Derec dans un exercice très nouveau pour lui. Seul en scène, sous la direction de Georges Lavaudant, il raconte comment à partir de cinq photos jaunies, son enquête familiale le conduit dans la ville de Lodz, en Pologne, à la recherche de ses oncles, tantes et cousins, tous morts en déportation.

Mais rien de triste dans ce récit tragique. Jean-François Derec sait nous faire rire en « juif amateur » des différentes cultures juives avec en clé de voûte l’image surplombante de sa mère. Un spectacle à ne pas manquer.

France3

Théâtre de l’Archipel – Paris 18è
Les jeudis, vendredis et samedis jusqu’au 20 octobre 2018
A 21h – Durée : 1h15

Puis au Petit Montparnasse – Paris 14è
A partir du 25 octobre, du mardi au samedi
A 21h. Le dimanche à 15h

 

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Bonaparte

J’imagine JMLP s’il apprenait qu’il était Juif .

Il deviendrait Neturei Karta .