Les faux messies dans le monde juif (2/4)

Caroline Elishéva REBOUH le 14.04.2020

Voir notre première partie

MOÏSE DE CRÈTE

Il vécut au Vème siècle de la présente ère, après l’épisode de Bar Kokhba qui fera l’objet d’une étude particulière.

Bien entendu, le peuple juif a toujours espéré la venue du Messie soit à cause des différentes manifestations d’antijudaïsme quelles qu’elles furent ou tout simplement parce que l’espoir de voir arriver le Mashiah fait partie intrinsèquement du judaïsme laissant l’espoir d’un monde meilleur dénué de mal.

Moshé faisait figure de prophète mais, soudainement, son nom courut sur toutes les lèvres faisant allusion au fait que déjà existait LE Rédempteur ! Le fait que son pouvoir de persuasion était fort puisqu’il réussit à embrigader de nombreuses personnes dans un mouvement messianique. Il dit qu’il se nommait Moshé mais, en réalité, on ne connaissait pas son nom véritable.

Son discours fut d’assurer aux Juifs de les libérer de leur « esclavage » et, de manière miraculeuse, de les transporter vers Eretz Israël pour y rétablir le Royaume d’Israël. Le succès ne se fit pas attendre et très nombreux furent ceux qui ajoutèrent foi à ses promesses en lui faisant don de leurs propriétés et de leurs richesses, abandonnant même leurs moyens de subsistance se déclarant prêts à le suivre vers le chemin de la guéoula !!!

Lors de la fête de Pessah, il harangua son public et les enjoignit de sauter dans la mer pour que celle-ci se fendît et qu’ils pussent marcher à pied sec comme le raconte la Torah. Malheureusement la plupart d’entre eux mourut et peu d’entre eux furent recueillis par des pêcheurs crétois et/ou grecs. D’après les écrits de Socrate de Constantinople et l’évêque égyptien Yohanan de Niko Gores, Moshé de Crète mourut noyé bien que certains aient émis à l’époque qu’il avait dû s’échapper.

 

SHARIYA

Il fut désigné aussi sous le nom de Sharini. Il naquit en Syrie au VIIIème siècle et « monta » en Israël vers 720. La grande nouveauté parmi les faux-messies fut que Shariya annula les prières quotidiennes et alla jusqu’à permettre la consommation de tout ce qui eût pu être « taref » et permit la boisson des vins et alcools permis aux non-juifs.

Ceci ne fut pas les seules dispositions qu’il prit ! En effet, Sharya, s’appuyant sans doute sur le fait qu’il était le Mashiah se permit d’annuler le deuxième jour de fête dit jour des galouyoth et qu’il allait mener la guerre contre l’empire ottoman qui avait envahi Israël et c’est ainsi qu’il se constitua un corps armé qui lui obéit en tous points. Il se rendit célèbre à tel point que des Juifs issus d’Espagne ou d’occident rejoignirent ses rangs !

Le Calife Yazid ben Al-Mouhalab le fit prisonnier et, bien que Shariya se défendît farouchement en déclarant qu’il avait menti à ses fidèles, le Calife mit à mort ce faux-messie.

La mort de cet imposteur eut des conséquences fâcheuses d’une part pour les Juifs qui étaient restés fidèles et habitaient la terre d’Israël et se virent poursuivis et persécutés et, d’autre part, ceux qui avaient cru ce charlatan, et avaient relâché leur pratique, firent teshouva pour revenir aux prescriptions de la Torah.

 

ASHER LEMLINE

Les dates concernant ce personnage ne sont pas exactes et il n’existe que peu de documents le concernant. Issu d’une famille juive allemande. Il serait arrivé dans la communauté d’Istréa en Italie (ville proche de Venise).

Certaines opinions furent émises selon lesquelles il aurait été inspiré par des écrits du grand penseur juif Don Isaac Abravanel. Et, dès son arrivée dans la région, il se présenta comme celui qui annonce la Rédemption. C’est la raison pour laquelle il est considéré comme un faux-messie.

Asher Lemlin avait sans doute étudié un peu de Cabale avant d’arriver en Italie et il prêcha pour exhorter les fidèles à faire Teshouva pour pouvoir accueillir positivement le Mashiah qui était en chemin et ne devrait sans doute pas tarder à se révéler et sans hésiter, sa prédiction fut que le rédempteur arriverait dans les six mois à venir si, toutefois, les Juifs se décidaient à se repentir sincèrement. Ses paroles parvinrent aussitôt au-delà des frontières vers l’Allemagne et en Italie elle-même.

Le nombre de ses adeptes ne se comptait plus, nombreux étaient ceux qui voulaient vraiment voir la Guéoula. Le rabbin de Westphalie qui était un fervent partisan du mouvement messianique qu’il fit détruire le four à matsot de sa ville persuadé qu’il était que la prochaine fête de Pessah serait « célébrée » en Eretz Israël.

Au grand dam de tous ces supporters, Asher Lemlin disparut subitement. Cette disparition eut pour effet immédiat la dissolution de ce groupe de partisans et certains autres prirent le parti de se convertir.

 

DAVID ALROY

 Celui-ci vit le jour en Irak au douzième siècle. Son nom véritable était Rabbi Menahem ben Shlomo Alroggi.

Ce nom n’indiquant que l’origine de la famille issue d’une province syrienne… Menahem s’installa dans le nord de l’Irak et y vécut paisiblement jusqu’à ce qu’un jour il déclara à qui accepta de l’entendre qu’il avait été désigné comme Mashiah.

A cette époque un voyageur juif célèbre de Navarre espagnole : Benjamin de Tudèle eut vent de cette histoire qu’il rapporta et consigna dans son oeuvre.

La région était partagée en plusieurs califats. Alroggi qu’il changea en Alroy changea également son prénom de Menahem en David en allusion à David Roi d’Israël et s’improvisa dès lors comme Roi Messie et comme futur souverain du peuple juif. D’après Benjamin de Tudèle, Alroy était un homme instruit qui avait étudié en Yeshiva Tanakh et Talmud à Bagdad et auprès de véritables rabbanim néanmoins, il s’entendait aussi en sciences occultes (en magie notamment).

De manière à s’attirer l’attention et la confiance des Juifs qui vivaient alentour, Alroy attacha à son service deux autres juifs avec lesquels il pensait aller reconquérir Jérusalem.
Le sultan exigea qu’on l’emprisonnât et les juifs lui demandèrent de se calmer et de renoncer à cette « révolte ».

Au lieu de cela, il utilisa des forces surnaturelles (sorcellerie) et se retrouva en présence du Sultan qui, une fois de plus fit appel aux représentants de la communauté juive, lesquels réussirent à convaincre Alroy que l’heure de la Guéoula (Rédemption) n’avait pas encore sonné mais ils ne réussirent pas dans leur mission.

La part fut belle à des imposteurs qui extorquèrent de fortes sommes d’argent aux membres de la communauté de Bagdad, les exhortant à se vêtir de leurs plus beaux atours en l’honneur du Messie qui devait apparaître ainsi qu’une forte tornade qui les aiderait à s’envoler pour Jérusalem.

On ne sait si, véritablement, il fut incarcéré mais il appert qu’il fut libéré et retourna dans sa ville natale où l’attendait son épouse. Alroy convainquit ses partisans de se rendre maîtres de la citadelle ce qui signa en quelque sorte l’arrêt de mort d’Alroy.

Il existe d’autres versions selon lesquelles le sultan donna une forte somme en cadeau au beau-père d’Alroy lequel enivra son gendre et l’assassina lorsque le faux-messie exprima son désir d’aller se coucher. Avec la mort d’Alroy le désir de révolte se tut et le sultan profita de cette occasion pour augmenter les taxes déjà lourdes imposées aux juifs. Malgré tout certains de ses partisans continuèrent à croire en lui et fondèrent un parti regroupant les « Menahemim » (du véritable prénom d’Alroy : Menahem et du futur nom du Messie).

 

SHEMARIYA IKRITI DE NEGROPOINT

 Né en 1275 à Rome et mort en 1355. Issu apparemment d’une famille de Juifs Romains ou Grecs (d’après le nom Ikriti qui indiquerait que ses parents étaient originaires de Crète).

Il était philosophe et commentateur biblique. Son père était rabbin en Crète et, lui-même était un homme savant connaissant les langues : grecque, latine et l’italien et l’hébreu évidemment. Il était versé dans les études bibliques (bible, midrash, aggada) et talmudiques qu’il poursuivit jusque vers l’âge de 30 ans.

Il fut si apprécié que le roi de Naples : Robert se l’attacha comme délégué aux Ecritures à propos desquelles il devait rédiger des notes et des commentaires, qu’il termina à 53 ans. Ses œuvres furent appréciées par des Karaïtes qui l’honoraient.

Shemarya était marié et père de famille cependant, un grand malheur s’abattit sur lui lors qu’il perdit un fils . Apparemment déprimé par cette perte incommensurable, il interrompit son travail intellectuel et, 16 ans après, il se mit à rédiger un livre intitulé « sefer hamora » dans lequel il réfuta toutes les idées philosophiques concernant la création.

Quelques années plus tard, ignorant sans doute que la majeure partie des Karaïtes se trouvaient en Egypte, il décida de se rendre en Castille et en Andalousie afin, dit-il de faire revenir à la foi ancestrale les Karaïtes qu’il rencontrerait. On dit qu’il se présentait en tant que Messie et fut arrêté et incarcéré. Il mourut en prison.

Il est question de lui dans le Talmud (traité de guemara de Meguila) à propos d’un commentaire sur la Aggada qu’il écrivit. Il composa également quelques piyoutim (poèmes).

Caroline Elishéva REBOUH

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William Weiss

Il y a un problème avec Sharya, l’empire Ottoman fut fondé 5 siècles plus tard.