Le Hezbollah ne se trouve pas juste à Beyrouth. Il est aussi présent à son QG de New York.

Le procès d’un haut responsable révèle l’étendue de la portée de l’organisation terroriste aux États-Unis et au Canada.

Des combattants du parti chiite libanais du Hezbollah portent des drapeaux lors de leur défilé dans la banlieue sud de Beyrouth, capitale, pour marquer la Journée internationale al-Quds (Jérusalem), le 31 mai.

Des combattants du Hezbollah, parti chiite libanais, portent des drapeaux alors qu’ils défilent dans la banlieue sud de Beyrouth, à l’occasion de la Journée internationale al-Quds (Jérusalem), le 31 mai. ANWAR AMRO / AFP / GETTY IMAGES

 

Ces dernières années, le Hezbollah a intensifié ses activités au-delà des frontières libanaises. Cette intensification de ses activités a été la plus nette au Moyen-Orient – en Irak, au Yémen et en particulier en Syrie – mais des complots ont également été contrecarrés en Amérique du Sud, en Asie, en Europe et, en définitive, aux États-Unis.

Les rapports sur les activités du Hezbollah en Amérique du Nord ne sont pas nouveaux, bien que ces reportages portent généralement sur les activités de collecte de fonds, de blanchiment d’argent , d’approvisionnement ou autres activités logistiques du groupe entre Vancouver et Miami. Mais le mois dernier, les poursuites pénales et la condamnation à New York du responsable du Hezbollah, Ali Kourani, ont révélé de nouvelles informations troublantes sur l’ampleur des opérations et des activités du Hezbollah aux États-Unis et au Canada.

La poursuite pénale et la condamnation à New York du responsable du Hezbollah, Ali Kourani, ont révélé de nouvelles informations troublantes sur l’ampleur des opérations et des activités du Hezbollah aux États-Unis et au Canada.

Mis côte à côte, les arrestations de Kourani et d’un autre membre du Hezbollah en 2017, Samer el Debek, ont amené la communauté du renseignement américain à réexaminer son évaluation de longue date, selon laquelle le Hezbollah serait peu susceptible d’attaquer la patrie des États-Unis à moins que celui-ci ne perçoive que Washington serait en train de prendre des mesures menaçantescontre son existence ou celle de son patron : l’Iran. À la suite des arrestations de Kourani et de Debek, le directeur du Centre national de la lutte contre le terrorisme aux États-Unis avait déclaré en octobre 2017: «Nous estimons que le Hezbollah est déterminé à se donner une option de frappe potentielle contre la patrie (les Etats-Unis) en tant que composante essentielle de son jeu de cartes d’actions par le terrorisme».

À l’époque, peu d’informations sous-jacentes à cette nouvelle évaluation avaient été rendues publiques, mais le 16 mai 2019, un jury new-yorkais a rendu les verdicts de culpabilité, relatifs à tous les chefs d’accusation retenus contre Kourani, notamment les accusations de terrorisme liées à sa surveillance et à ses repérages des services du FBI et des bureaux des services secrets américains, ainsi que de l’arsenal militaire américain, des locaux tous situés à New York. (Debek n’a pas encore été jugé.)

Kourani a mené d’autres activités opérationnelles en tant qu’agent dormant pour agir à long terme, agissant pour le compte de la composante de planification des attaques externes du Hezbollah, l’Organisation du Jihad islamique (IJO), telles que l’identification des Israéliens vivant à New York et susceptibles d’être visés par le Hezbollah. D’autre part, il avait la possibilité de contacter des hommes auprès desquels il pourrait se procurer des armes que le Hezbollah avait la capacité de stocker dans la région.

La plupart de ses activités se sont déroulées aux États-Unis, mais le Hezbollah a également envoyé M. Kourani en Chine, où le groupe avait précédemment acheté des produits chimiques utilisés pour fabriquer des bombes du type de celles qu’il avait construites en Bulgarie, à Chypre et en Thaïlande. L’attentat de 2012 à Burgas, en Bulgarie, a fait sept morts, dont le terroriste-suicide et 32 ​​blessés. Des produits chimiques de fabrication d’explosifs du même type ont été découverts en Thaïlande en 2012 et à Chypre en 2012 et 2015, lorsque des conspirations ont été découvertes et bloquées. Le Hezbollah a également envoyé Kourani en mission opérationnelle au Canada. Lors d’entretiens avec des agents du FBI, Kourani s’est décrit comme faisant partie d’une « cellule dormante ».

« Pendant qu’il vivait aux États-Unis, Kourani s’est conduit en membre du Hezbollah pour aider l’organisation terroriste à l’étranger à se préparer à de futures attaques contre les États-Unis », a déclaré le procureur général adjoint aux États-Unis pour la sécurité nationale, John Demers. Ceux-ci comprenaient des bâtiments abritant le FBI et les services secrets américains à Manhattan, ainsi que l’aéroport international John F. Kennedy de New York et un dépôt de l’arsenal militaire américain.

Kourani est issu d’une famille bien connue dans les milieux du Hezbollah – il l’a décrite au FBI comme « les ben Laden du Liban » – et il a d’abord participé à un camp d’entraînement du Hezbollah durant son adolescence. Mais le groupe ne l’a recruté dans son unité d’élite des opérations extérieures de OIJ-Hezbollah, également connu comme l’unité 910 en Janvier 2008, un mois, tout juste, avant l’élimination ciblée du commandant de longue date de l’OIJ, Imad Mughniyeh , mégaterroriste du Hezbollah, dans ce qu’on a, plus tard, révélé comme une opération conjointe américano-israélienne.

Le moment est important : cela montre que même avant la mort de Mughniyeh, le Hezbollah cherchait à reconstruire ses réseaux terroristes internationaux. C’est également important parce que cela a placé Kourani au bon endroit au bon moment. Dans une vidéo diffusée lors des funérailles de Mughniyeh, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a lancé une menace non voilée, selon laquelle des attaques à l’étranger allaient suivre, en affirmant : « Avec cet assassinat, son calendrier, son lieu et sa méthode – les sionistes, si vous voulez, par ce type de meurtre, ont déclaré guerre ouverte, alors que le monde entier écoute bien : Que cette guerre soit ouverte.  »

Peu de temps après, le travail secret de Kourani pour l’OJI du Hezbollah à l’étranger a commencé. Le Hezbollah était « désespéré parce qu’il cherchait à venger la mort de [Mughniyeh] », a déclaré Kourani au FBI.

Kourani a tenu plusieurs réunions avec des agents du FBI lorsqu’ils l’ont approché en septembre 2016, affirmant qu’ils savaient qu’il travaillait pour le Hezbollah.

Kourani a tenu plusieurs réunions avec des agents du FBI lorsqu’ils l’ont approché en septembre 2016, affirmant qu’ils savaient qu’il travaillait pour le Hezbollah.

Kourani a prétendu chercher un accord en échange de la réunion avec sa femme et ses enfants, qui l’avaient quitté et résidaient au Canada. Aucune offre de ce genre n’a été proposée. En outre, Kourani a dissimulé des informations clés et a tenté d’utiliser ces réunions pour obtenir des informations de la part des agents l’ayant interrogé. Les éléments de preuve au procès comprenaient également des données de l’ordinateur portable de Kourani, ses enregistrements de courrier électronique et de compte Facebook, ainsi que des notes et autres éléments saisis dans son appartement.Son premier pas a consisté à obtenir la citoyenneté américaine et à obtenir un passeport américain, ce qu’il avait fait à la demande du Hezbollah en 2009. Bien sûr, il avait omis de mentionner les circonstances sur le formulaire dans lequel il lui était demandé s’il avait des liens avec une organisation terroriste [ce à quoi on répond généralement : non!]. Kourani avait déjà sa résidence légale, obtenue par l’intermédiaire de son père. Plus tard, en 2013, il a demandé une carte de passeport lui permettant de traverser la frontière canado-américaine ou américano-mexicaine avec une simple pièce d’identité dans son portefeuille. De cette façon, si les autorités saisissaient son passeport américain alors qu’il voyageait à l’étranger, il pourrait toujours rentrer aux États-Unis en prenant un vol depuis le Canada ou le Mexique avec son passeport libanais et revenir aux États-Unis par voie terrestre en utilisant sa carte.

M. Kourani a averti des agents du FBI que l’OIJ du Hezbollah était «encore plus actif au Canada qu’aux États-Unis», a déclaré l’un des agents du FBI qui l’a interrogé lors de son procès. En effet, le Canada occupe une place prépondérante dans les plans opérationnels de Kourani. En 2012, il avait épousé une femme ayant la double citoyenneté canado-libanaise. Kourani s’est ensuite séparé de son épouse et de ses enfants, mais à l’époque, a expliqué le FBI, lui et son officier-traitant du Hezbollah ont spécifiquement discuté de l’utilité opérationnelle d’avoir des liens familiaux au Canada, car «cela ne semblerait pas étrange s’il était censé voyager au Canada avec une certaine régularité ou fréquence.  »

Les procureurs ont conclu que Kourani et son chef opérationnel voyaient des avantages distincts à ce que Kourani ait une liaison familiale au Canada « afin qu’il puisse voyager d’un pays à l’autre pour mener des opérations ».

Les procureurs ont conclu que Kourani et son officier de liaison voyaient des avantages distincts à ce que Kourani ait une relation familiale avec le Canada « afin qu’il puisse voyager d’un pays à l’autre pour mener des opérations ».

Les deux hommes ont discuté de la possibilité que Kourani transporte de la correspondance ou infiltre des agents au Canada, ce que Kourani affirme ne jamais avoir fait. Mais les deux hommes ont spécifiquement discuté des techniques et méthodes d’espionnage que Kourani utiliserait pour transmettre des messages au Hezbollah, utilisant des planques désaffectées et toutes sortes de méthodes de cloisonnement, pour que lui et les agents locaux du Hezbollah ne soient pas en mesure de s’identifier, selon ce que Kourani a décrit au FBI comme « la règle d’or ». de l’unité 910 : «moins vous en savez, mieux c’est». Kourani connaissait bien les méthodes de l’Unité 910, sachant que son responsable de l’IJO au Hezbollah n’était nul autre que Fadi Kassab, l’homme que des agents du FBI ont décrit comme étant responsable des agents de l’OIJ aux États-Unis et au Canada. Kassab, basé au Liban, dirigeait Kourani en tant qu’agent à New York, et il a joué un rôle actif dans l’attaque du Hezbollah en Bulgarie en 2012, selon les déclarations de Kourani aux agents du FBI.

L’une des missions confiées à Kourani par le Hezbollah consistait à recueillir des informations détaillées sur deux aéroports internationaux : l’aéroport JFK de New York et l’aéroport international Pearson de Toronto.

L’une des missions confiées à Kourani par le Hezbollah consistait à recueillir des informations détaillées sur deux aéroports internationaux: l’aéroport JFK de New York et l’aéroport international Pearson de Toronto.

D’après les documents sur ses voyages, les procureurs américains ont montré que Kourani avait transité par JFK 19 fois et par Pearson sept fois. Kourani a déclaré au FBI qu’il avait fourni au Hezbollah des informations détaillées sur les procédures de sécurité, les uniformes portés par les agents de sécurité et si les agents étaient armés. Sa surveillance, a déclaré Kourani au FBI, était axée sur les points de sortie, les points de contrôle de sécurité, les emplacements des caméras, les procédures de réclamation des bagages et les questions posées par les contrôleurs d’aéroport.

En plus de repérer et surveiller par lui-même, Kourani a également demandé des informations aux employés de l’aéroport. Certains ont compris qu’ils risquaient de transmettre des informations au Hezbollah, tandis que d’autres ont pu le faire involontairement. Par exemple, Kourani a parlé au FBI d’un employé d’un aéroport au Canada, qui semble avoir involontairement fourni des informations à Kourani sur la sécurité des aéroports canadiens. Les deux hommes fumaient ensemble un narguilé et l’employé de l’aéroport répondait de manière informelle aux questions de Kourani sur l’emplacement des caméras et des magnétomètres. Kourani a dit qu’il pourrait demander à l’homme de transporter un sac dans un avion pour lui, et qu’il aurait très facilement pu le faire.

Selon la déclaration d’un procureur américain au cours du procès, le Hezbollah « réfléchissait à la manière de faire entrer des terroristes, des armes et de la contrebande dans les aéroports, depuis le Liban vers le Canada, et du Liban aux États-Unis ».

Le Hezbollah « réfléchissait à la manière d’obtenir des terroristes, des armes et de la contrebande par les aéroports, du Liban au Canada, du Liban aux États-Unis ».

Au cours de l’une des réunions de Kourani avec le FBI, a rappelé un agent interrogé, Kourani «s’est assis sur son fauteuil, a fait se redresser la tête sur les épaules des agents qui l’interrogeaient en déclarant : « Je suis un membre de l’unité 910, également connu sous le nom de Jihad islamique ou les Opérations Noires du Hezbollah. L’unité est contrôlée par l’Iran.  » Au sein du Hezbollah, l’unité relève directement de Nasrallah, selon Kourani, mais l’Iran supervise les opérations de l’unité.

Dans les années 1990, les services de renseignement américains ont minimisé la probabilité que le Hezbollah attaque les intérêts américains, à moins que Washington ne menace directement le Hezbollah. À la suite des attentats du 11 septembre, les efforts accrus des États-Unis en matière de lutte contre le terrorisme ont commencé à toucher le Hezbollah. Un an plus tard, le FBI a signalé au Congrès en 2002 que des membres du Hezbollah « auraient été chargés de surveiller des cibles potentielles aux États-Unis ». Toutefois, dans ces affaires antérieures, les enquêtes du FBI ont révélé que « ces tâches semblent avoir été conçues comme un outil de vérification permettant d’établir la loyauté de l’individu recruté envers le Hezbollah et l’Iran. »Six ans plus tard, Mughniyeh était liquidé, juste après le recrutement de Kourani par l’OIJ. À ce moment-là, les missions de surveillance préopératoire de l’OIJ avaient des implications bien plus pratiques en raison du désir du Hezbollah de venger la mort de Mughniyeh.

Les objectifs du groupe ont considérablement changé entre 2002 et 2008. Kourani a informé le FBI qu’il « y aurait certains scénarios qui nécessiteraient une action ou une conduite de la part de ceux qui appartenaient à la cellule ». Kourani a déclaré que dans le cas où les Etats-Unis et l’Iran se déclaraient la guerre, la cellule dormante américaine s’attendrait à être appelée à agir.

Kourani a déclaré que dans l’éventualité où les Etats-Unis et l’Iran entreraient en guerre, la cellule  dormante américaine s’attendrait à être appelée à agir.

Et si les États-Unis prenaient certaines mesures non-repérables ou anonymes (déniabilité) visant le Hezbollah, Nasrallah lui-même ou les intérêts iraniens, a ajouté Kourani, « dans ces scénarios, la cellule dormante serait également déclenchée. » Les États-Unis ont bien sûr pris des mesures contraires aux intérêts de l’Iran et du Hezbollah : se retirer de l’accord sur le nucléaire nucléaire iranien, réimposer de lourdes sanctions à l’Iran, sanctionner le Hezbollah et participer à l’élimination de Imad Mughniyeh, pour n’en nommer que quelques-unes – et des agents de l’IJO n’ont jamais effectué d’attaque à la bombe ou de tir sur cible importante en Amérique du Nord.

Les complots du Hezbollah ont été déjoués ces dernières années au Pérou et en Bolivie, mais la révélation selon laquelle le Hezbollah a mené une surveillance intensive aux États-Unis et au Canada, ces dernières années, est explicitement liée à l’intention du groupe de se venger de la mort de Mughniyeh. -Ce constat reste profondément dérangeant. Le Hezbollah a franchi un seuil et développe au minimum des réseaux nord-américains capables de mener des attaques si les dirigeants du groupe le jugent nécessaire.

Matthew Levitt est le boursier Fromer-Wexler et directeur du programme Stein sur le contre-terrorisme et le renseignement au Washington Institute for Near East Policy. Il est l’auteur de Hezbollah: l’empreinte mondiale du Parti de Dieu au Liban. Twitter:  @Levitt_Matt

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Jg

Hussein Obama a ignoré les investigations du FBI ,sur le terrorisme ,son financement a l aide les mafias sud américaines associées au Hezbollah pour tout ce qui touche a la drogue !
Tout cela a cause des relations « spéciales  » avec l Iran.
Pendant les 8 ans d Hussein a la maison Blanche ,on peut imaginer la quantité de drogue entrée aux USA .
Hussein Obama devrait être jugé !