Les Méditerranéennes, d’Emmanuel Ruben: la longue histoire des Juifs d’Algérie.

Au-delà des questions historiques et politiques, ce roman écrit dans un français somptueux qui coule comme un fleuve, raconte une quête des origines.

Il était une fois une famille juive d’Algérie, une smala haute en verbe et en couleur, débarquée en France en 1962, disséminée dans diverses banlieues mais unie par un objet, le seul qui leur rappelle d’où ils viennent, un chandelier à neuf branches, transmis de génération en génération, témoin de la présence divine, allumé chaque année pour la fête d’Hanoukka qui rassemble les membres dispersés de la tribu.

Emmanuel Ruben, l’auteur de ce roman familial fabuleux qui commence à Constantine à la fin du XVIII siècle, est né à Lyon en 1980. Normalien, écrivain géographe, il a commencé par écrire des livres inspirés de ses déambulations aux marges orientales de l’Europe. Puis, il y a deux ans, il a publié un roman remarqué, Sabre, qui racontait une autre sorte de voyage, dans le temps. À travers Samuel Vidouble, personnage récurrent de son œuvre, son alter ego, il enquêtait sur le passé de sa famille paternelle protestante, autour de l’objet qui donne son titre au livre, un sabre hérité d’un ancêtre et disparu à la mort de son grand-père.

La continuité de la mémoire

Dans Les Méditerranéennes, Samuel Vidouble reconstitue cette fois l’histoire de sa lignée maternelle, mais ici, l’objet qui soude la mémoire et le corps familial est toujours bien présent. Le chandelier, dont une des légendes familiales dit qu’il vient de la Kahina, la reine berbère qui s’est opposée aux envahisseurs arabes et qui se serait convertie au judaïsme, s’est souvent perdu mais, à chaque fois, il a été retrouvé. Il est le symbole d’un trait de caractère fascinant dans les familles juives, très bien décrit par Emmanuel Ruben, la continuité de la mémoire – qui n’exclut pas les trous noirs et les tabous – et l’art de transformer le passé en histoires. «Garde-toi de jamais oublier ce que tes yeux ont vu ; ne le laisse pas sortir de ton cœur un seul jour. Enseigne-le à tes fils, et aux fils de tes fils», dit le Deutéronome. Le commandement perdure.

C’est par la bouche de sa grand-mère et de ses tantes truculentes, auxquelles le héros demande de lui raconter la saga familiale, chacune donnant sa version des faits et des causes, que l’histoire soyeuse, chatoyante, chantante et tragique des Juifs d’Algérie est ici reconstituée. Ça commence par le débat qui opposa deux ancêtres, l’un et l’autre rabbin à Constantine, nés vers 1780, l’un barbu, vêtu à l’orientale, qui débute toutes ses homélies par une bénédiction du bey d’Alger et du sultan, l’autre, moustachu, vêtu à l’occidentale, qui prie pour Napoléon, libérateur des Juifs d’Europe. Autre scène d’anthologie: la circoncision en 1870 d’un bébé de la famille en présence d’un rabbin alsacien effaré par ces cousins judéo-berbères et leur charivari de superstitions, le jour de la proclamation du décret Crémieux qui donne la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie. C’est drôle, c’est grave. Selon certains, ce décret sonne le glas de la coexistence amicale entre juifs et musulmans algériens qui jusque-là, insiste l’auteur avec ferveur, se ressemblaient comme des frères. Ensuite, le ciel s’assombrit: guerre de 1914, pogrom du 5 août 1934, massacre des manifestants arabes à Guelma le 8 mai 1945, exil en 1962 quand la mère de Samuel, dernière de sa fratrie, avait 9 ans.

Personnage énigmatique, émouvant, le grand-père de Samuel, mort en 1957, militant communiste, agent de la Société indigène de prévoyance, écartelé entre ses convictions et l’instinct de protéger sa famille, est le miroir des fidélités contradictoires où se débat son petit-fils écrivain.

En préambule, à travers le merveilleux personnage de la grand-mère, «la reine des beignets», imprégné d’eau de rose et de fleur d’oranger qui fait revivre l’Algérie dans sa cuisine du bout de ses doigts qui pétrissent, pilonnent, farcissent, badigeonnent, Emmanuel Ruben prévient qu’il n’écrit pas l’histoire avec un grand H mais un roman, qui raconte comment des Juifs d’Algérie ont vécu cette histoire, un «roman pacifique» pour créer des ponts entre Juifs et Arabes – quitte à faire porter tout le poids de la faute originelle sur les Français. La question d’Israël n’est pas esquivée, bien au contraire, ce n’est pas un livre irénique.

Au-delà des questions historiques et politiques, ce roman écrit dans un français somptueux qui coule comme un fleuve, brûle comme une blessure d’amour, raconte une quête des origines. Quelle est cette soif, cette nostalgie d’un pays perdu qui tenaille le héros? Serait-elle aussi métaphysique? Ne décrit-il pas la sublime Constantine, «reliée au ciel par ses sept ponts suspendus», comme une Jérusalem céleste?

En tout cas, lorsqu’il contemple in fine le chandelier et ses neuf bras levés vers le ciel, «leur indiquant à tous la source infinie de la joie», il semble prédire que le prochain voyage de Samuel Vidouble sera vertical.

Source : lefigaro.fr

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Asher Cohen

@Léon
La France n’est qu’un pays de ratés notamment parce que les juges sont corrompus et ne font pas respecter les lois, même pas l’absolutisme des Droits Naturels donnés par Dieu. Il n’y a ni libre accès à toutes les professions, ni égalité de droits devant la loi. J’ai assez d’expérience acquise dans ce pays pour l’affirmer. Par exemple, les concours d’internat en médecine étaient fraudés par des minables qui jouaient au professeur de médicaillerie. Cela a fabriqué des imposteurs, incompétents, qui tuaient les malades dans les hôpitaux et volaient l’argent de la Sécurité Sociale pour engraisser leurs comptes en Suisse, avec bien sûr la bénédiction des magistrats corrompus. Donc les Juifs sensés n’ont rien à y faire. Si décrire les faits de la Réalité c’est être excessif, alors je suis fier de baser ma pensée et mes actions sur la Réalité et donc, selon vous, être excessif.

La Monde est immense. Selon la loi des 20/80 de Paréto, moins de 20% des pays produisent plus de 80% de la richesse mondiale. On y retrouve les pays de la seconde guerre mondiale : Allemagne, Japon, UK, US. La Russie et la France sont en Réalité des pays bien plus pauvres qu’on ne le croit et n’en font pas partie. La Chine et l’ Inde présentent de nombreuses opportunités d’ avenir.

Israël qui se prétend l’ État Nation du Peuple Juif, a donné à la France, en 1961, 120.000 Juifs d’ Algérie, pour en faire les larbins des enfants des collaborateurs et des nantis corrompus. Neuf millions d’Israéliens ont produit 500 milliards de dollars de PIB en 2022, données prévisionnelles. Le logement y est hors de prix. Plus de 20% de la population y vit sous le seuil de pauvreté. Les investissements dans les institutions d’éducation et de formation sont le plus bas niveau des pays de l’ OCDE. La High tech n’emploie pas 8% de la population active. Israël n’a pas une politique de formation des juifs de la Diaspora aux langues, civilisation Juive et culture israélienne. Il n’y a pas de Centre Culturel Israélien à Paris pour préparer et accélérer l’ alyah des Juifs de France. Le Département d’ Hébreu de l’ INALCO à Paris est rempli d’enseignants incompétents, présents plutôt pour le salaire versé par l’ État Français, quelle humiliation pour les Juifs!

Israël a accepté que les Juifs d’Algérie effectuent le service militaire français plutôt qu’en Israël, qu’ils étudient dans les universités françaises sans valeur plutôt que dans les universités israéliennes, qu’ils travaillent pour des entreprises françaises plutôt qu’
israéliennes, et en prime qu’ils se fassent écraser par l’ État Français viscéralement antiJuif. Il est certain qu’il vaut mieux vivre parmi son peuple et cultiver son propre jardin plutôt que celui des autres, et arracher son coeur de cette terre de servitude et même d’ esclavage qu’est la France. La grande majorité des Juifs de France vivent dans les classes moyennes et plus de 40.000 d’entre-eux vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ils doivent ne compter que sur eux-mêmes, car Israël ne fera rien pour leur éducation, ni leur formation. Chacun pour soi et Dieu pour tous. C’est cela l’ État Nation du Peuple Juif, le ‘pays plus grand que le Monde’ comme vous dites? N’hésitez-pas à me répondre et à réfuter mes affirmations.

Asher Cohen

Après plusieurs décennies de luttes, les Juifs d’ Algérie ont fini par comprendre la transe hypnotique et la fiction délirante dans laquelle ils se trouvaient vis -à-vis de la France, et ils s’organisent pour lâcher ce pays. Ils ont payé très cher d’avoir justement ignoré les prescriptions du Tanah sur la continuité de la mémoire, et ont gobé qu’ils pouvaient être français avant d’ être Juifs. Cela leur apprendra beaucoup.

Malheureusement, les politiciens français ne savent plus quelle propagande inventer pour continuer à manipuler les Juifs d’ Algérie à se faire croquer dans ce pays de ratés antiJuifs. Ce type d’ article, diffusé par la presse d’ état telle que Le Figaro, est un exemple criant. ‘ Faites amis-amis avec les français’ car avec des amis de ce type vous n’aurez plus besoin d’ennemis.

Comme il est drôle de voir ce type de propagande sur un forum juif. Nous les Juifs d’ Algérie, nous n’avons pas besoin que les français cherchent à définir notre identité à notre place, ni à nous dire comment mener notre vie. La France n’est qu’un pays de ratés, haineux, jaloux des Juifs, pervers et corrompus, bêtes et méchants, destructeurs et lâches. Les français sont tellement ratés qu’ils ne supportent pas que les Juifs puissent être leurs égaux, et sûrement pas mieux qu’eux. C’est un pays où la Police et l’ appareil judiciaire sont archi-corrompus, et donc seule la loi du flingue et du fusil mitrailleur y prévaut.

Nous ne voulons pas d’un pays de ratés, et préférons le laisser pour les autres. Les Juifs sensés refusent de se vautrer dans l’illusion et la fantaisie de la France, et vont mener leur vie ailleurs. Le Monde est immense. Juifs, vous valez plus qu’un pays de ratés haineux. Il vous faut reconnaître et admettre la Réalité de ce pays de violence antisémite, de souffrance et de misère, et partir. Ignorez la propagande de la presse d’ état, notamment sur les forums Juifs. Vos valises sont-elles prêtes?

Léon

Excessif, excessif. Aucun peuple n’est parfait et vous connaissez tout autant que moi « les péchés d’Israël », peuple par ailleurs à l’histoire d’exception, histoire si grande qu’elle le dépasse. Mener sa vie ailleurs? le monde est immense? pays de ratés haineux ? Quelle exagération! Le « paradis » pour les juifs auquel vous aspirez n’existe que dans votre fantasme. Oui, l’expérience juive hors de sa terre est une suite continue de drames, mais sur sa terre aussi, et même sur sa terre retrouvée, d’où je vous écris. Si les juifs veulent dire et vivre leur vérité, ils ne le peuvent qu’en Israël où ils retrouvent naturellement leur dimension de peuple. Le Monde est immense ? Certainement, mais pour les juifs, Israël – petit pays – est un pays plus grand que le Monde.