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Alexandrie: ancien « phare » du judaïsme (J. Benillouche)

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synagogue d’Eliyahu Hanabi, l’une des plus importantes d’Alexandrie, ..

Les Juifs d’Alexandrie

10 juillet 2019, 11:24 Jacques Benillouche 

La nomination d’Éric Danon comme nouvel ambassadeur de France en Israël remet dans l’actualité l’histoire de la grande communauté juive d’Alexandrie, dont sa famille est issue, et que certains n’hésitent pas à qualifier de «phare» du judaïsme.

Dans cette ville d’Égypte, les Juifs ont prospéré en donnant un lustre à la culture juive. Leur histoire remonte aux premiers temps du judaïsme.

Philon d’Alexandrie, dit «Philon le juif», philosophe né à Alexandrie vers 20 av. J.-C., vivant alors dans ce grand centre intellectuel de la Méditerranée, avait apporté son témoignage.

Philon représentait auprès des autorités romaines une forte communauté juive et avait rédigé une œuvre abondante entendant démontrer la parfaite adéquation entre la foi juive et la philosophie hellène.

Il avait précisé l’implantation des Juifs : «Il y a cinq quartiers dans la ville, qu’on désigne par les cinq premières lettres de l’alphabet; deux de ces quartiers sont appelés “quartiers juifs” parce qu’un très grand nombre de Juifs y habitent ; mais ils ne sont pas rares ceux qui habitent dans les autres quartiers un peu partout». Il avait écrit que «les proseuques (synagogues) étaient nombreuses dans chaque quartier de la ville dont la plus grande avait la forme d’une basilique, avec deux rangées de colonnes».

Les Juifs d’Alexandrie ne vivaient pas en ghetto et exerçaient tous les métiers de la classe moyenne : tisserands, marchands de grain, de bétail et même d’esclaves.

La cité reconnaissait trois classes sociales : les «Hellènes» ou Grecs, classe supérieure, qui étaient citoyens et comptaient peu de Juifs. Les «peuples» désignant des ethnies de statut divers et qui comptaient le plus grand nombre de Juifs. Enfin, les «Égyptiens», les indigènes paysans constituant la classe inférieure.

Fort de son nombre, le judaïsme alexandrin a pu se doter d’une solide organisation. Il s’est structuré dans ce qu’on a appelé une «entité urbaine».

Hormis quelques familles privilégiées, les Juifs alexandrins étaient donc des citoyens d’une catégorie spéciale. Citoyens, ils n’ont pas eu à payer l’impôt et ont défendu leur égalité avec les Grecs d’où un certain malentendu car les Juifs s’estimaient citoyens à part entière.

Les Grecs ont nié cette égalité, d’autant plus que la foi monothéiste des Juifs leur interdisait le culte des dieux locaux, culte qui faisait corps avec la vie de la cité. Cette revendication juive sera la racine de l’antijudaïsme à Alexandrie.

L’époque romaine amena de graves changements. En 30 av. J.-C., la conquête de l’Égypte par Rome marqua le début du déclin des Juifs alexandrins, réduits au rang d’Égyptiens soumis à l’impôt. Rome ne reconnaissait que la citoyenneté romaine selon le droit latin ce qui a fait que les Juifs n’étaient plus des citoyens.

Bien que très importante dans l’Antiquité, moyennement active au Moyen-âge, la communauté juive d’Alexandrie était de fait une communauté récente (18° siècle).

L’accroissement de la population juive de la ville moderne d’Alexandrie était atypique du reste de la population juive d’Égypte.

En 1805, à la nomination de Mohamed Ali comme vice-Roi, on dénombre 100 Juifs (1,66% des Juifs d’Égypte) à Alexandrie, descendants des pêcheurs juifs des villes de Rosette et d’Edkou qui, en surnombre, s’y transportèrent vers 1700.

Mohamed Ali, en ouvrant enfin le vieux port aux navires européens créa les conditions pour le développement commercial et industriel de l’Égypte et, partant, pour l’impressionnante urbanisation d’Alexandrie.

Il encouragea la venue d’étrangers et en particulier de Juifs du Maghreb, d’Italie, de l’Empire ottoman. En 1847, les Juifs d’Alexandrie (1.200) représentent 14 % de tous les juifs d’Égypte. Dès 1856, le «Hatti Humayun», édit impérial d’émancipation des non-musulmans, est appliqué scrupuleusement en Égypte, permettant l’acquisition de terres et une fiscalité équitable pour tous les non-musulmans. Les années 1860-1865 voient le boom du coton égyptien et par conséquent un accroissement frénétique de la ville.

Sous le Khédive Ismaïl, la croissance économique continue, attirant même des Juifs d’Alsace, fuyant l’occupation allemande.

En 1897 les Juifs d’Alexandrie (9.830) représentent 39 % de tous les Juifs d’Égypte. Entre 1897 et 1907, les difficiles conditions économiques dans l’empire ottoman poussèrent beaucoup de Juifs séfarades et orientaux vers l’Égypte. En 1907, les Juifs d’Alexandrie (14.475) représentaient 37 % de tous les Juifs d’Égypte.

Le 17 décembre 1914, le Kaymakam de Jaffa, sous-préfet de Turquie, Beha Ed Dine Effendi, ordonna l’expulsion des nationaux français, britanniques et russes de la Palestine ottomane qui furent transportés par l’USS Tennessee.

Vers 1915, 11.277 Juifs de la Palestine ottomane trouvèrent ainsi refuge à Alexandrie. Un grand nombre y restèrent après la guerre faisant augmenter la population des Juifs d’Alexandrie à 24.858 âmes.

La population s’accroît ensuite naturellement mais elle accueille aussi des Juifs persécutés d’Europe durant la Seconde Guerre mondiale.

Cela explique que beaucoup d’Ashkénazes ont vécu dans ce pays oriental. En 1947, leur nombre s’élève à plus de 40.000 sur 100.000 Juifs égyptiens.  Mais la population juive sera ensuite progressivement réduite à 75.000 en 1948, 40.000 en 1956, 15.000 en 1957, 2.000 en 1964 et 200 en 1975. Il ne reste plus qu’une dizaine de Juifs à Alexandrie.

La population juive d’Alexandrie, constituée au 19° siècle par l’immigration, comportait 36% de dirigeants, de professions libérales et de scientifiques, 28% de commerçants et 36% d’employés et artisans, contribuant ainsi au dynamisme et à l’essor de la ville et même du pays.

Mais la création de l’État d’Israël, la crise de Suez et les nationalisations, la montée de l’antisémitisme, les pogromes au Caire et les mesures d’expulsion prises par les autorités qui expulsent les Juifs en les dépouillant et en frappant leur passeport de la mention «no return» ont contraint les Juifs à un nouvel exode, en 1948 et en 1956, sans préavis, avec une perte de leurs biens matériels et l’abandon forcé d’un patrimoine cultuel et culturel. 40% des Juifs étaient apatrides, 25% disposaient d’une nationalité européenne, et 35% étaient égyptiens. Lire la suite 

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Article publié dans Temps et Contretemps

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