Israeli soldiers stand next to tanks in the Israeli-occupied Golan Heights, Israel May 10, 2018. REUTERS/Ronen Zvulun – RC19804A5920

La demande officielle d’un « contrôle exclusif de l’armée syrienne au sud du pays » et d’un « retrait des forces étrangères » présentée le 31 mai dernier par Serguei Lavrov, le chef de la diplomatie russe, confirme – s’il le fallait encore – le rôle déterminant joué par Moscou dans l’émergence d’un nouvel ordre au Moyen-Orient, une région devenue encore plus instable depuis l’émergence en mars 2011 de la guerre civile en Syrie.

Et ce, d’autant que cette demande a été accompagnée d’un appel aux Etats-Unis et à la Jordanie de mener au plus vite des pourparlers communs sur l’avenir du sud-syrien.

Le sud-syrien : une région convoitée par tous…

Outre le fait que cette exigence de Moscou concerne directement l’Iran – dont la présence militaire s’est beaucoup intensifiée dans cette zone lors des derniers mois -, elle a pour objectif essentiel (car c’est le but même du déploiement militaire russe depuis septembre 2015) de conforter et renforcer le régime Assad qui depuis presque trois ans a pu réinstaller son contrôle sur 60 % du territoire syrien – dont presque toute la région de Damas – et qui compte bien reconquérir complètement les zones du sud du pays encore aux mains des diverses milices d’insurgés sunnites. Une démarche que pourrait soutenir Israël et la Jordanie – avec l’appui de Washington – si cette offensive de l’armée d’Assad n’enflammait pas toute la région et surtout ne se transformait pas en démarche agressive contre Jérusalem et Aman. Il faut dire que les provinces de Deraa et Quneitra, dont il est ici question, présentent un fort intérêt stratégique pour le pouvoir d’Assad : leur éventuel retour sous le contrôle d’Assad- grâce à l’appui russe – serait un immense succès pour son régime. Car la reprise de la province de Deraa est un enjeu existentiel pour Assad qui ne saurait être tranquille à Damas situé à 110 kms de Deraa…

Mais le problème, c’est que cette zone bordant la Jordanie et le Golan israélien est aussi pourvue d’un intérêt stratégique pour les Iraniens qui y ont déployé, à quelques encablures de la frontière israélienne, quelque 500 conseillers officiers et militaires, des troupes d’appoint du Hezbollah sud-libanais, ainsi que des commandos de la Brigade Al-Qods des Gardiens de la Révolution aux intentions très peu pacifiques…

La Russie et l’Iran en « conflit d’intérêts » en Syrie

Alors que la Russie ne serait intervenue en Syrie que pour sauver le régime Assad, les objectifs de la présence iranienne consistent certes à affermir l’axe pro-chiite « Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth », mais aussi à menacer au plus près la frontière israélienne en déployant dans le sud-syrien des centaines de missiles sophistiqués venus s’ajouter aux dizaines de milliers déjà en possession du Hezbollah.

Un facteur de déstabilisation qui, par définition, implique un conflit d’intérêts entre Téhéran et Moscou.

C’est ainsi que depuis deux semaines et suite à la demande de Moscou, les rapports les plus contradictoires ont circulé sur les préparatifs militaires en cours des Iraniens et du Hezbollah à quitter la région, ce qu’a confirmé pour sa part l’Observatoire syrien des Droits de l’homme en faisant état d’importants mouvements de troupes en direction du nord.

Mais vu du côté iranien, les choses sont quelque peu différentes et contradictoires… Alors que le secrétaire-général du Conseil national de sécurité iranien, Ali Shamkani, déclarait le 1er juin que « l’Iran soutient avec force les efforts de la Russie pour expulser les terroristes (entendez les insurgés sunnites-Ndlr) de la frontière syro-jordanienne et y réinstaller l’armée syrienne », le chef d’état-major de l’armée iranienne, le général Massoud Jazayéri, a démenti que ses troupes s’apprêtaient à quitter le sud-syrien « car, contrairement aux forces américaines (…), nos conseillers militaires sont présents en Syrie à la demande expresse du gouvernement du président Assad et du peuple syrien. (…) On comprend que les sionistes redoutent la présence de combattants musulmans près de sa frontière et que les Américains veuillent les voir partir. Or ils doivent savoir que cette situation ne saurait changer… ».

Une prise de position confirmée le 5 juin à Beyrouth par le président du parlement libanais, Nabih Berri, qui a déclaré qu’il n’y aurait « aucun retrait des forces iraniennes et du Hezbollah de Syrie tant que ce pays ne serait pas ‘libéré’ et son intégrité territoriale restaurée ».

Un absurde « déni de réalité » de la part du régime Assad…

Alors que dans cet imbroglio assez sophistiqué d’intérêts multiples, le régime de Damas pourrait récupérer une zone stratégique sans fournir aucun effort militaire, le président Assad a donné le 31 mai une interview à l’agence de presse russe RT déniant toute présence des troupes iraniennes en Syrie : « Il y a des officiers iraniens qui travaillent au sein de notre armée, mais il n’y a pas et il n’y aura jamais de troupes iraniennes en Syrie !, a-t-il dit en niant l’évidence voulant que 80 000 combattants chiites sont déployés en Syrie. De la même manière que nous avons invité les Russes à nous aider, nous l’avons fait aussi avec les Iraniens »

Quelques jours plus tard, son ministre des Affaires étrangères, Oualid al-Muallem, devait lui aussi répéter en frisant le ridicule : « Il n’y a pas de présence militaire iranienne en Syrie, mais plutôt des conseillers travaillant au sein de l’armée syrienne ».

Au-delà de ces grotesques démentis syriens, il reste que l’exigence de Moscou de voir toutes les troupes étrangères – dont les détachements iraniens – quitter le sud du pays constitue une nouvelle donne importante.

« Il est clair qu’il existe un consensus entre Russes, Américains, Israéliens et Jordaniens pour que les forces du régime se déploient au sud-syrien sans s’engager dans une opération militaire, précise ainsi Naouar Oliver, expert en Affaires syriennes au Centre de Réflexion Omran en Turquie. C’est le premier exemple d’un consensus international pour le retour du régime dans une partie de son ex-territoire ».

Richard Darmon

haguesher.com

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