L’incident dans le ciel syrien avec l’Iran, un tournant dans la confrontation avec les Mollahs?

A l’évidence, les Iraniens jouent avec le feu. Il semble même, si on analyse sans hâte et en profondeur, la réaction de Hassan Rouhani, que c’est l’aile dure du régime, celle des Gardiens de la révolution, qui est aux manettes en Syrie et qui a voulu délibérément provoquer Israël dans l’espoir d’une réelle déflagration, laquelle ferait alors oublier les problèmes de politique intérieure et ressouderait le peuple tout entier autour de ses gouvernants.

En effet, Rouhani n’a pas, comme à son habitude, fulminé d’anathème contre Israël ni contre les USA. Il a disserté vaguement sur le terrorisme (sic), mis en garde ceux qui croient résoudre les problèmes par la violence, au point qu’on ne sait pas très bien qui il visait… Etait-ce ceux qui ont téléguidé le drone vers Israël ou s’en tenait-il à la violence de la réaction israélienne qui s’en est suivie ? Difficile de le dire avec exactitude.

Visiblement, le président iranien est inquiet car il connaît, lui, la situation exacte de son pays, avec une population qui n’a manqué de se soulever contre le régime. C’était imprévu et cela a été étouffé dans l’œuf.

Mais cela ne signifie pas que tout danger a été écarté. Par ailleurs, il y a la leçon nord coréenne : les anti-Trump ont cloué le président au pilori et savourent désormais le calme, apparent, qui règne entre les deux frères ennemis.

Ils oublient opportunément que sans els menaces très fortes de Trump, le dictateur nord coréen n’aurait jamais adouci son attitude. Il sait que Trump est aux antipodes de son prédécesseur et qu’il prépare son armée pour lancer, si besoin est, une large offensive contre son ennemi.

Rouhani qui est d’abord un religieux, un ecclésiastique, frotté aux techniques exégétiques les plus subtiles, sait à qui il a affaire. Il connaît l’état précis de ses forces armées et les difficultés de continuer à voler au secours du Hamas, du Hezbollah et des chiites de Bahreïn.

Il connaît aussi l’effet dévastateur des sanctions de l’ONU et des USA dont le président est à l’affut du moindre prétexte pour remettre en œuvre une panoplie de mesures qui paralyseront à nouveau une économie déjà exsangue…

Alors, que s’est il passé au juste ? On oublie souvent que dans cette république islamique, ce n’est pas le président qui est le commandant en chef des forces armées mais bien le Guide suprême, lequel ne cache plus son désaccord ou au moins ses divergences avec Rouhani . On ne peut donc pas exclure que les gardiens de la révolution, postés à la frontière avec Israël, aient déclenché cet incident gravissime, d’une part pour tester la réaction d’Israël (réaction foudroyante) et d’autre part pour placer leur président potiche devant le fait accompli.

Mais que s’est il passé au juste ? D’après ce qu’on entend, de Syrie, un drone a pénétré en Jordanie avant de se placer dans ciel israélien où il fut abattu après un parcours d’environ une minute trente. Selon l’explication fournie par les militaires, on l’a laissé entrer afin de l’abattre dans l’espace aérien et de le récupérer pour l’analyser et savoir au juste ce qu’il cherchait. L’explication tient la route.

On nous dit qu’il y eut plus trois raids en Syrie et cela a engagé près de huit chasseurs-bombardiers F16 dont l’un est venu s’écraser non loin de Haïfa… A-t-il été touché dans l’espace aérien syrien ou israélien ? On attend la réponse à cette question. Certains pensent que les adversaires d’Israël ont fait voler en éclats le mythe de l’invincibilité de l’armée de l’air de Tsahal. Je pense que c’est aller vite en besogne car chaque fois qu’il y a un engagement armée, le risque de perte plus ou moins importante subsiste.

Il existe un autre enseignement à tirer de cet échange si violent : le discours du Premier Ministre d’Israël qui a rendu compte de sa conversation avec Vladimir Poutine. Soyons sérieux : si les Russes ne couvraient pas, au moins en regardant ailleurs, les opérations de l’Etat juif en Syrie, les choses seraient plus compliquées pour Tsahal. Certes, l’armée de l’air arriverait malgré tout à atteindre ses objectifs, mais ce serait moins facile… En tout état de cause, il était singulier que Netanyahou appelle M. Poutine au lieu de s’entretenir d’abord avec Donald Trump… Lequel a apporté son soutien à son allié israélien et souligné son droit de se défendre.

Mais à présent que va t il se passer ? Il est indéniable que les Iraniens ont bien reçu le message d’autant qu’on signale des pertes dans leurs rangs à la suite des bombardements. Vont-ils réagir ? J’en doute car dans ce cas, Israël leur infligerait des frappes d’une tout autre ampleur. Et cette fois-ci, Rouhani fera valoir ses idées. Si la situation devait s’envenimer, les USA pourraient être de la partie. Et dans ce cas, Poutine sera obligé de calmer son turbulent allié iranien.

C’est un aspect des choses qu’on a tendance à oublier : Poutine a à l’œil cet encombrant allié iranien qui campe sur le terrain et dont les objectifs ne coïncident pas vraiment avec ceux du maître du Kremlin. L’homme fort de Russie a l’impression que les Iraniens ont tenté de le déborder, de lui forcer la main, de l’impliquer dans un conflit dont il ne veut pas. Son vœu le plus cher est de conserver ses positions et ses bases en Méditerranée orientale, de calmer le jeu et de trouver une issue politique au problème syrien. En agissant comme ils l’ont fait, les Iraniens prouvent qu’ils ont un autre agenda. On comprend mieux que le silence tacite de Poutine qui n’est peut-être pas mécontent des raids israéliens contre les Iraniens et leur allié du Hezbollah…

On se perd en conjectures. On se demande pourquoi il est si difficile de résoudre pacifiquement les problèmes, éloigner les conflits. Ce serait si simple si les Iraniens comprenaient enfin qu’ils doivent développer leur pays, le reconstruire et le moderniser au lieu de se lancer à corps perdu dans des aventures militaires incertaines, si loin de chez eux.

Une nouvelle flambée de violence sur place, au sein de l’Iran, n’est plus à exclure. Et qui sait, le régime sera peut-être contraint de changer ou de céder la place.

Maurice-Ruben Hayoun

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Franz Rosenzweig (Agora, universpoche, 2015)

Le nouveau cycle de conférences, Aux racines de la culture européennese penche sur l’humus spirituel et les valeurs premières qui gisent au fondement de ce continent. Mais l’Europe n’est pas seulement un continent, c’est aussi et surtout une culture, axée autour de courants spirituels et d’écoles philosophiques, qui passent à juste Titre pour sa constitution théologico-politique ou éthique.

Les réflexions qui seront exposées dans la salle des mariages de la Mairie de notre arrondissement couvrent la critique biblique, la littérature éthique, la philosophie médiévale sous son triple aspect, gréco-arabe, chrétienne et juive au miroir des pères spirituels de l’Europe : Thomas d’Aquin, Maimonide, Averroès et Maître Eckhart.

Salle des Mariages Mairie du 16e Arrondissement – 71, avenue Henri Martin- 75016 Paris

Jeudi 11 janvier -19h
Hannah Arendt, égérie de Martin Heidegger?

Jeudi 8 février – 19h
Le Moïse de Sigmung Freud, selon Y. Yerushalmi

Jeudi 15 mars – 19h
Franz Rosenzweig, la philosophie et la Révélation: le problème de la Vérité

Jeudi 5 avril – 19h
Emmanuel Levinas et Moïse Mainonide

Jeudi 17 mai – 19h
L’historien Marc Bloch et Simone Veil face au Kaddish

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