« Dans les cultures conservatrices, poser des questions n’est pas accepté »

Un site internet conçu pour aider les migrants d’avoir une pratique du sexe responsable a provoqué une tempête au sein de l’extrême droite européenne. Le site « Zanzu », un projet mené par le Centre fédéral allemand pour l’éducation à la santé (BZgA) et l’ONG belge Sensoa, fournit discrètement des réponses à toutes les questions de ceux qui, originaires de sociétés patriarcales conservatrices, craignent d’en poser.

Alors que de nombreuses campagnes d’éducation sexuelle visent surtout à apprendre aux nouveaux arrivants ce qu’il ne faut pas faire, le site Zanzu leur apprend aussi, grâce à des illustrations détaillées, comment fonctionne leur corps, les mesures à adopter pour une bonne hygiène, mais aussi comment se masturber, pratiquer le sexe oral, ainsi que diverses positions sexuelles.

« Au lieu de se concentrer sur les besoins de la société qui reçoit les migrants, nous avons commencé avec les intérêts de notre public +cible+ », explique à i24news Thomas Demyttenaere, responsable de la politique envers les migrants « vulnérables » chez Sensoa.

« Quand je donne des cours, les gens me demandent souvent : +Est-ce que les femmes aiment le sexe? Comment puis-je être un meilleur amant?+. Mais dans de nombreuses campagnes de prévention, le seul message véhiculé est que le sexe est dangereux. Ils ne pensent pas à ce qui est important pour leur public ».

Zanzu prend garde à ne pas envoyer de mauvais message quand il s’agit des sujets liés à la famille. « Le simple fait d’évoquer la contraception peut faire sentir aux migrants que leur nouvelle communauté ne veut pas qu’ils aient d’enfant. Mais nous les informons également sur les soins prénataux, l’accouchement, les soins postnatals et les contacts sexuels pendant et après la grossesse ».

Le site, disponible en 13 langues, explique également aux nouveaux arrivants vers qui se tourner en cas de problèmes de violence sexuelle et soulève des questions comme le Sida et les mutilations génitales féminines, précisant que cette pratique est interdite en Europe. Toutes les explications sont courtes et utilisent un langage clair et simple.

Zanzu

Zanzu
« Image du site zanzu »

« Nous parlons de tout, il n’y a pas de censure sur le site », souligne Demyttenaere. La seule restriction a été de ne pas proposer un site trop « sexy », une préoccupation soulevée par les migrants qui ont été consultés pour le développement du projet.

« Ils ont indiqué que ce genre de sites proposent bien souvent des images très érotiques, voir même pornographiques. Notre point de vue sur la question est plus neutre. Nous nous assurons que les illustrations ne soient pas choquantes, même si nous montrons malgré tout une image de deux hommes ayant des relations sexuelles anales, ce qui est le plus grand tabou ».

« Une gifle pour les Allemands »

Mais les représentations proposées par Zanzu sont maintenant au centre d’une polémique. Alors que la plupart des reportages ont souligné leur caractère détaillé, les milieux d’extrême-droite ont relevé la diversité des figures dessinées.

« Le gouvernement conseille : un pénis noir dans un vagin blanc », écrit un blogueur allemand, Hagen Grell, qui a qualifié le site de « gifle pour les Allemands ».

« Non seulement ils sont privés de leurs droits et exploités, mais ils sont maintenant montrés sur un site qui explique que le sexe est censé être multiculturel ».

Demyttenaere explique que le site a également été au cœur d’une polémique en Italie et en Hongrie, à droite comme à gauche.

« Les racistes disent que nous organisons un génocide anti-blanc, en faisant la promotion du sexe interracial. Les antiracistes disent que nous sommes racistes parce que nous montrons un homme à la peau sombre ayant des rapports sexuels avec une femme blanche. Cela devient vraiment inquiétant », explique-t-il.

Ironie du sort, ce sont les militants d’extrême-droite qui ont insisté pour proposer une éducation sexuelle aux réfugiés, notamment après que des centaines de femmes ont été agressées sexuellement à Cologne, le soir du réveillon de la Saint-Sylvestre.

La Norvège a été la première à dispenser des ateliers d’éducation sexuelle dans ses centres d’accueil. L’État de Bavière en Allemagne a lancé un programme pilote similaire, alors que le Danemark et la Suède s’interrogent sur l’opportunité d’en faire de même. Plus récemment, c’est la Belgique qui s’est engagée à mettre en place des cours obligatoires du même type dans les prochaines semaines.

« Le gouvernement nous a demandé à plusieurs reprises de l’aider pour apprendre aux hommes migrants comment se comporter et leur enseigner nos normes et nos valeurs », a déclaré Demyttenaere. « Mais, j’ai un gros problème avec ça », insiste-t-il.

« Image du site zanzu »

Permis d’être intéressé

L’ONG Sansoa a préféré faire une contre-proposition : au lieu de créer une dichotomie du bien et du mal, l’ONG a suggéré d’adopter un système de drapeau, qui fournirait aux migrants des outils pour évaluer une situation grâce à des critères objectifs.

La méthodologie vise à faire intégrer que les principe de consentement, d’égalité dans la relation et de libre arbitre sont les conditions de base de la relation sexuelle, tout en assurant que l’interaction est appropriée en terme d’âge et de contexte, et ne cause pas de préjudice physique ou psychologique à l’une des parties.

« Personne ne pense que le viol est acceptable, mais parfois il y a beaucoup de confusion sur la façon de communiquer et de comprendre ce que l’autre veut », poursuivit Demyttenaere.

« Nous essayons de responsabiliser la personne, afin qu’il sache comment demander si quelque chose est bien ou pas ».

Son ONG attend encore de savoir si la proposition sera acceptée, mais il n’est pas intimidé par l’idée que ces classes deviennent obligatoires.

« Il serait préférable d’arrêter d’en faire une histoire aussi disproportionnée et de simplement traiter ce sujet comme une partie intégrante du processus d’intégration », conseille-t-il. « Ce débat peut faire croire que les migrants ne veulent pas participer à ces classes, ce qui n’est pas vrai du tout ».

Plus encore, faire de ces programmes une partie des procédures d’intégration aiderait les participants à éviter d’être stigmatisés au sein de leurs communautés.

« Dans les cultures conservatrices, poser des questions n’est pas acceptée », note Demyttenaere, « donc en leur permettant de dire +je ne voulais pas aller à ces cours, mais j’y ai été obligé+, nous leur rendons la tâche plus facile. Nous devons leur donner la permission d’être hypocrite ».

Polina Garaev est la correspondante de i24news en Allemagne

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