L’AfD, entrée avec fracas au Bundestag le 24 septembre, entend occuper tous les postes auxquels elle peut désormais prétendre. Y compris dans les institutions qu’elle combat.

C’est l’histoire du loup dans la bergerie. Le parti d’extrême droite allemand AfD entend placer l’un de ses membres au sein de la direction de la Fondation du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, qui gère le champ de blocs de béton érigé aux environs de la porte de Brandebourg, au cœur de Berlin, pour honorer la mémoire des victimes de la Shoah.

Les statuts de l’institution stipulent de fait que chaque parti représenté au Bundestag peut envoyer un membre dans son directoire. Mais le texte a été rédigé en 2000, bien avant la création de l’AfD en 2013, à une époque où rien ne laissait présager que l’extrême droite ferait un jour une entrée fracassante au parlement.

Au sein de la Fondation, c’est l’atterrement. «Le programme de l’AfD est si hostile à la démocratie que l’entrée de ce parti au directoire doit être évitée à tout prix. Mais je crains que l’AfD soit à ce point sans état d’âme qu’elle voudra un siège», s’inquiétait en novembre la conceptrice du mémorial, Lea Rosh. L’AfD ayant depuis confirmé sa détermination à occuper le poste, Lea Rosh a pris contact avec le dirigeant de la CDU (centre droit) Wolfgang Schäuble, président du Bundestag et à ce titre président de la Fondation, pour le convaincre de s’y opposer.

«Monument de la honte»

L’épisode provoque un profond malaise. D’autant que voici un an, Björn Höcke, membre influent et contesté de l’AfD, avait qualifié le mémorial de l’Holocauste de «monument de la honte». L’ancienne cheffe du parti, Frauke Petry, avait en vain tenté d’exclure le politicien à la suite de ces propos. Le parti vient de mettre un terme à cette procédure interne.

L’AfD ne s’arrêtera pas là. Les populistes ont déjà présenté leur candidat pour le poste auquel ils ont également droit au sein du conseil de l’Alliance pour la démocratie et la tolérance. Le député Jens Maier – qui vient de s’illustrer en qualifiant le fils métis de la légende du tennis Boris Becker de «demi-nègre» – occupera le poste, au grand dam de cette organisation réunissant associations et groupes d’action s’engageant pour la tolérance. Auparavant, l’AfD avait cherché à placer l’un des siens à la tête de la commission parlementaire «culture et média» du Bundestag et tenté d’imposer Albrecht Glaser, 76 ans, au poste de vice-président de la Chambre basse, alors que le député avait demandé de priver les musulmans de tous leurs droits religieux, pourtant garantis par la Constitution.

L’AfD, dont le discours ne cesse de se radicaliser, donne l’impression de chercher à s’infiltrer au sein de toutes les institutions de la République pour occuper le terrain et affirmer sa présence. Or le parti d’extrême droite s’est illustré ces derniers jours par des surenchères verbales. Une élue locale de Berlin, Franziska Lorenz-Hoffmann, a ainsi diffusé sur son compte Facebook une affiche de propagande du IIIe Reich, proclamant «Femme allemande! Préserve la pureté de ton sang. Les étrangers ne doivent pas te toucher!». Le message a depuis été supprimé, mais l’élue l’a justifié en expliquant vouloir que «les Allemands restent allemands».

La volonté de tester les limites

«L’AfD teste depuis longtemps les limites de ce qui peut être dit en Allemagne, estime le quotidien berlinois Tagesspiegel. Le parti veut repousser ces limites et se radicalise de fait dans son discours.» «Ces sorties ne sont pas un dérapage fortuit, estime le politologue Anjo Funke, de l’Université libre de Berlin, mais l’expression de la volonté du parti d’intégrer aussi les néonazis les plus extrémistes. Le cap radical est cimenté. Au final, l’AfD est nettement plus extrémiste que le FPÖ autrichien ou le FN français.»

Le dernier congrès de la formation, en décembre, avait confirmé la montée en puissance des plus nationalistes au sein de l’AfD. Depuis ses débuts en 2013, le parti a connu une radicalisation permanente, avec à chaque nouvelle étape une purge de la direction en place et la mise en place d’une nouvelle équipe encore plus extrémiste. La stratégie semble payer. Selon un sondage publié par le Spiegel, l’AfD, qui avait obtenu 12,9% des voix aux législatives de septembre, a progressé à 14,7% des intentions de vote.

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