Le 19 mai, les Iraniens se sont rendus aux urnes pour élire leur président. Rouhani, qui l’a emporté, est susceptible de subordonner le conflit géopolitique avec Jérusalem, au développement économique de l’Iran.

Ces élections, qui ont eu lieu après que l’accord sur le programme nucléaire iranien ait été conclu, entre Téhéran et les 5 + 1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne), ont sans doute été les plus importantes du siècle en Iran. Cet accord a permis la levée des sanctions financières à hauteurs de milliards de dollars, en échange de restrictions sur son programme nucléaire. Restrictions qui devraient théoriquement ne pas permettre à l’Iran de se doter de «la bombe», sans que cela soit découvert à temps, en amont.
L’accord a été qualifié d’historique, à plusieurs titres. En effet, les mois précédant sa signature, l’Iran et les États-Unis ont négocié en face à face pour la première fois depuis la crise des otages de 1979-1981, au cours de laquelle un groupe d’étudiants iraniens avait pris d’assaut l’ambassade des États-Unis à Téhéran et tenu en captivité dans son enceinte, tous ses diplomates ainsi que son personnel, pendant plus d’un an. Suite à ces évènements tragiques, les États-Unis avaient rompu toutes relations avec l’Iran et gelé des milliards de dollars de biens iraniens à l’étranger.
Cet accord n’a pas été sans soulever de controverse, tant aux États-Unis qu’Iran. Ses contradicteurs des deux côtés, l’ont dénoncé, y voyant une forme de «capitulation» devant «l’ennemi».
En Israël, Benjamin Netanyahu s’est opposé avec constance et détermination à tout compromis sur le programme nucléaire de Téhéran. Il a qualifié à plusieurs reprises, la perspective d’un Iran nucléaire, comme une «menace existentielle» pour l’État d’Israël. À ses yeux, cet accord sur le nucléaire iranien est une «erreur historique».

Rouhani, le modéré ?

Ces élections du 19 mai ont été bien plus que simplement l’élection d’un président. Les deux candidats en lice, incarnaient des visions différentes de la République islamique et auguraient d’orientations sensiblement divergeantes pour le pays. L’Iran, bien qu’indirectement, est partie prenante dans deux guerres, l’une au Yémen, l’autre en Irak et en Syrie. Son désir de maintenir le président Bashar Assad au pouvoir, afin de se garantir une ouverture sur la Méditerranée, et une passerelle terrestre avec le Hezbollah, lui a déjà coûté des milliards. Rohani, qui l’a emporté, devrait jouer un rôle important dans la redistribution des cartes régionales, ce qui ne manquera pas d’impacter inévitablement Israël. La question est maintenant de savoir comment et jusqu’à quel point.

Le Conseil des gardiens de la Révolution, qui a adoubé les deux derniers candidats en lice, avait déjà éliminé tous les aspirants à cette fonction, qu’il jugeait incompatibles avec les valeurs de l’État. Hassan Rouhani et Ebrahim Raisi, étaient les favoris.Le premier, tenant du titre, le pragmatique Hassan Rouhani, souvent qualifié de réformateur en Occident, avait pris le pouvoir en 2013 et briguait un deuxième mandat. Il l’a emporté face à son adversaire Ebrahim Raisi, de la formation Osul-Garayan, la ligne dure, rassemblée autour du leader suprême, l’Ayatollah Ali Khamenei.
Rouhani est un pragmatiste, favorable au renforcement des liens économiques et politiques avec l’Occident. Bien que vétéran de la création de la République islamique, il s’est trouvé à plusieurs reprises en désaccord avec les iraniens fanatiques, qui craignent qu’un Iran plus ouvert puisse représenter une menace existentielle pour la République islamique. Il s’agit d’ailleurs d’une peur réccurente chez les conservateurs iraniens, depuis la fondation de la république, dans le sillage de la Révolution islamique de 1979.

La Paix, un problème de timing

La carte de l’ouverture dans les relations a été jouée à tout de rôle par l’Iran et l’Occident, notamment les États-Unis, mais le timing fut malheureux. On se souvient de l’ex-président iranien Mohammad Khatami, réformiste lui aussi, qui avait offert une branche d’olivier aux États-Unis à l’occasion de son discours «Dialogue entre civilisations» en 2001. Ses velléités pacifistes avaient été déboutées par l’administration Bill Clinton, déterminée à faire preuve de fermeté envers l’Iran, en initiant la loi de 1996 sur les sanctions Iran-Libye.
En 2008, Barack Obama est arrivé au pouvoir et, lors de son discours d’inauguration, il a à son tour joué l’ouverture et l’apaisement, en déclarant sans équivoque que si des pays comme l’Iran étaient disposés à déserrer les poings, ils trouveraient la main tendue de l’Amérique. Pour autant, ces appels n’avaient pas reçu d’écho favorable en Iran; Ahmadinejad, le président de l’époque, issu de la ligne dure, était resté inflexible, exigeant des excuses de la part des États-Unis, pour leurs mauvaises actions envers l’Iran au cours des 60 dernières années écoulées.
La clé du succès de Rouhani
En 2013, pour remporter la présidence, Rouhani avait fait campagne en faveur d’une attitude plus ouverte à l’égard des relations internationales du pays et appelé à une résolution de la crise sur son programme nucléaire, en souffrance depuis 2002. Un groupe d’opposition iranien, sous la houlette du Mojahedin-e-Khalq surnommé MKO pour Moudjahidine populaire d’Iran, avait révélé des détails sur les activités nucléaires que l’Iran menait clandestinement. Officiellement, ces révélations proviennaient de sources MKO basées en Iran, mais – comme cela m’a été révélé – la véritable source était toute autre. En effet Israël se cachait derrière ces révélations.
Obama et Rouhani, semblaient sur la même longueur d’onde. Ils avaient la volonté commune de régler ce dossier du nucléaire au même moment. Le 23 septembre 2013, un peu plus d’un mois après son entrée en fonction, Rouhani s’était entretenu avec Obama par téléphone. C’était la première fois qu’un président américain et iranien se parlaient directement depuis plus de 30 ans.
Rouhani qui avait promis au peuple iranien de parvenir à un accord sur son programme nucléaire et d’améliorer les relations internationales du pays, a donc tenu ses promesses. Dans le sillage de cet accord, il a obtenu des dividendes financiers et commerciaux conséquents. L’Iran a touché environ 100 milliards de dollars en actifs non gelés et, peut-être plus important encore, a signé des accords avec la société française Airbus, pour l’achat d’une centaine d’appareils, peu après en avoir acheté 80 de la société américaine Boeing.
En plus d’augmenter sa flotte commerciale, qui avait gravement souffert de décennies de sanctions, il a ouvert ses chaînes commerciales à certaines des plus grandes entreprises au monde. L’objectif étant sans doute de prouver que le soutien populaire de la classe moyenne supérieure et des segments les plus instruits de la population, est la clé de la stabilité politique. La base de son électorat se trouve d’ailleurs chez le citoyen iranien «occidentalisé», comme le persiflent ses adversaires de la ligne dure.

Se prémunir du pire

Pour autant, sa gouvernance n’est pas sans faille. Son incapacité à réduire le chômage conjuguée à sa politique néolibérale, ont entraîné une plus grande inégalité économique. Ce qui n’a pas manqué de le rendre impopulaire auprès d’une certaine frange de la population. L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis l’a également affaibli, dans la mesure où son dialogue positif avec les États-Unis, que ses contradicteurs ont systématiquement contesté, semble compromis, si l’on en croit la nouvelle rhétorique anti-iranienne initiée par la maison Blanche, dès l’entrée en fonction du nouveau président.
Clement Therme, chercheur sur l’Iran, à l’Institut international d’études stratégiques [IISS], observe, que sa réélection est fort probablement dûe à la forte participation des électeurs, mobilisés pour se préserver du pire. Une participation plus faible, dûe à une apathie des électeurs, aurait sans doute favorisé son principal challenger, Raisi, opposé au néolibéralisme et aux recommandations du Fonds monétaire international, et de fait, «plus proche de la doctrine de l’« Economie islamique » prônée par Khomeini, le fondateur de la République islamique.
De plus, sur des questions clés, telles que l’affaire du nucléaire, le groupe terroriste Hezbollah et le conflit syrien qui frappe le Moyen-Orient, des différences subtiles, susceptibles d’affecter Israël et la région dans son ensemble, étaient clairement discernables. La République islamique est profondément anti sioniste. Cette aversion était déjà au centre de leurs nombreuses attaques contre Mohammad Reza Pahlavi, le Shah d’Iran, renversé en 1979. Mais pour la politique théocratique de Raisi, la destruction de l’État d’Israël est un devoir religieux. Mais Raisi, figure de proue de la traditionnelle extrême droite cléricale, aurait vraissemblablement été un président iranien anti-israélien plus virulent, et sa victoire aurait probablement marqué le retour à la rhétorique d’Ahmadinejad contre Jérusalem.
Quels présages pour Israël Les dangers de l’Occidentalisation de la société iranienne
A côté, Rouhani, mollah centriste, fait figure de modération. Il est, bien sûr, anti-sioniste aussi, mais Therme affirme qu’il « pense que la République islamique a besoin d’un soutien populaire pour survivre ». Par conséquent, il préfère se concentrer sur le développement économique du pays, plutôt que de le subordonner à des slogans révolutionnaires creux, tels que « mort à Israël». Il a critiqué l’utilisation par les conservateurs de slogans anti-sionistes, ainsi que le lancement du programme de missiles iraniens, qui avait pour but de faire capoter l’accord nucléaire avec l’Occident . Il suivra donc probablement la stratégie de Khatami sur Israël: « L’Iran ne peut pas être plus palestinien que les Palestiniens eux-mêmes ».
Rouhani veut appliquer le modèle diplomatique du JCPOA, grâce auquel il a décroché cet accord pour son programme nucléaire, à tous les problèmes auquels la République islamique fait face : que ce soit pour traiter avec l’OPEP et apaiser les tensions avec d’autres pays du Golfe Persique, entre autre, pour ne citer que ces deux dossiers d’actualité brûlants.
Les fanatiques iraniens craignent davantage la perversion d’un pouvoir soft à l’Occidentale qui les saperait de l’intérieur, que le pouvoir même des Etats Occidentaux.
L’establishment américain a longtemps été affecté par les guerres du Moyen-Orient et son nouveau président aurait apparemment, des penchants isolationnistes. Si la rhétorique de Trump semble hostile, pour autant, ce que Téhéran craint par-dessus tout, c’est HBO et McDonalds, bien plus qu’un changement de politique américaine à son endroit et d’hypothétiques bombardements.

Cette peur de l’invasion culturelle ou de la « Westoxification » n’est pas nouvelle. Elle hante depuis longtemps la République islamique, et avec le penchant pour l’Occident de sa jeune population, elle est justifiée. Pour le chef suprême et sa clique, le JCPOA était toujours potentiellement une boîte de Pandore. À l’inverse, Rouhani table sur la viabilité d’un Iran plus ouvert économiquement, sans pour autant que cela devienne la porte ouverte à une invasion culturelle, qui pourrait, à terme, potentiellement menacer la pérénité de l’Etat.

L’anti-sionisme au cœur des valeurs fondamentales de l’Iran

D’autre part, Rouhani considère le soutien iranien au Hezbollah, sous le contrôle direct du leader suprême et des institutions non élues de la République islamique, à travers le prisme de la lutte contre Daesh, et ce que l’Iran appelle les groupes takfiri (apostats sunnites) au Moyen-Orient, plutôt que comme moyen de poursuivre la guerre par procuration de l’Iran avec Israël. Le Hezbollah n’apparaît pas à ses yeux comme une pièce maitresse, qui participerait de sa stratégie à contrer toute menace militaire potentielle émanant de l’administration Trump. Il semble vouloir continuer à soutenir Assad et favoriser davantage la coordination avec la Russie en Syrie. Pour l’Iran, la Syrie est une question existentielle – sans elle, il n’y a pas de passerelle terrestre pouvant relier le Hezbollah et Téhéran. Mais en faisant en sorte que la Russie contribue à assumer sa part du fardeau le plus possible.
Pour autant, les relations entre Israël et l’Iran resteront presque certainement hostiles, tant que la République islamique continuera d’exister. L’anti-sionisme et l’anti-américanisme sont au cœur des valeurs fondamentales de l’État. Sans ces «ennemis» auxquels il faut «résister», les mollahs perdraient leur légitimité et leur popularité au Moyen-Orient. Or, elle est vitale pour un chiite perse, minoritaire dans un Moyen-Orient arabe majoritairement sunnite.
La vérité est que l’équilibre de la théocratie chiite repose grandement sur sa détestation d’Israël, et la surenchère dans ce domaine semble inévitable. Et tant qu’elle y sera subordonnée, la détente entre les deux pays sera inaccessible. Au détriment des deux pays et de toute la région.

Jerusalem Post Adaptation Kathie Kriegel

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Ratfucker

Les tartuffes d’EELV mènent une campagne tapageuse contre le nucléaire français, qui assure l’autonomie énergétique au grand déplaisir des fournisseurs d’hydrocarbures en babouches, ils exigent d’Israël la dénucléarisation, et simultanément, diffusent le communiqué http://eelv.fr/newsletter_archive/nucleaire-iranien-la-france-ne-doit-pas-ceder-a-la-pression-israelienne/
Les dirigeants d’EELV sont des antisémites, ils viennent de le démontrer clairement dans ce communiqué soutenant la bombe atomique iranienne qui n’est construite que dans le seul but de détruire Israël.