Rien ne va plus dans cette station, marquée à l’extrême droite. Les délires racistes et antisémites de son président, Henry de Lesquen, ont même fini par braquer ses très droitiers collaborateurs. Baston et purges.

Elle n’a sans doute jamais aussi mal porté son nom. Sur Radio Courtoisie, les débats ont habituellement lieu dans une atmosphère feutrée, entre des intervenants le plus souvent d’accord sur les méfaits du socialisme, de l’immigration ou de l’islam. Après tout, depuis sa création, en 1987, cette radio associative se veut le relais de «toutes les droites» – même si la tendance Jean-Marie Le Pen est nettement préférée à celle d’Alain Juppé. Mais, derrière les micros, se joue désormais une guerre sans merci. Un psychodrame qui a éclaté au grand jour en juin dernier, lorsqu’, Henry de Lesquen, accusé de nuire à son image par ses «déclarations publiques insupportables».

Il est vrai que, depuis le début de l’année, leur patron a «pété un câble», dixit l’un d’eux. Lesquen, qui s’est proclamé candidat à la présidentielle, a pris l’habitude de dérouler son délirant programme sur les réseaux sociaux : «racisme républicain», «réémigration» des étrangers, bannissement de la «musique nègre», démontage de la tour Eiffel… Mais ce qui transforme définitivement le clown Lesquen en triste sire, c’est son antisémitisme assumé. En avril, le patron de Radio Courtoisie va jusqu’à s’étonner dans un tweet de «la longévité des « rescapés » de la Shoah morts à plus de 90 ans».

« Il a fait de cette radio son jouet »

C’en est trop, même pour les très droitiers animateurs de Radio Courtoisie, qui craignent de ne plus pouvoir attirer des invités, mais redoutent aussi le courroux du CSA. L’autorité de l’audiovisuel a déjà mis en demeure la station pour des propos tenus par Lesquen en 2013. Et Radio Courtoisie, qui n’émet qu’en région parisienne et dans quelques villes en région, peut faire une croix sur l’octroi d’autres fréquences. «Un patron comme Henry de Lesquen jette le discrédit sur la radio. Il en a fait son jouet», se lamente Bernard Antony. Ce vieux compagnon de route du Front national, chef de file de la frange catholique traditionaliste, dirigeait une émission depuis 2007. Henry de Lesquen l’a viré en août. Au total, 15 frondeurs ont quitté la station pendant l’été. Une moitié de limogés, l’autre, de démissionnaires.

Même Jean-Yves Le Gallou, ex-eurodéputé frontiste devenu incontournable dans la «fachosphère», a fini par sauter de la barque. L’homme est pourtant un ami de quarante ans d’Henry de Lesquen, avec lequel il a cofondé le Club de l’Horloge, un cercle qui cherchait dans les années 70-80 à établir des passerelles idéologiques entre la droite et le FN. «Lesquen n’a jamais été très facile de rapport. Ça semble s’aggraver avec le temps», lâche Le Gallou. D’autres révoqués de Radio Courtoisie sont beaucoup moins tendres. Tous empruntent au vocabulaire de la pathologie psychique pour décrire Henry de Lesquen : «un fou», «un malade mental», «un pervers narcissique» désormais «bouffé par la haine». «Il n’y a plus rien de rationnel chez Lesquen. Il est obsessionnellement antisémite», tranche Bernard Antony.

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« Je m’en fous, j’ai du fric »

Pas de quoi émouvoir le patron de Radio Courtoisie, qui reçoit dans les petits locaux de la station, au rez-de-chaussée d’un immeuble cossu du XVIe arrondissement de Paris. «Les purges sont terminées», fanfaronne Henry de Lesquen. Mais il tient à rappeler que… «ce terme signifie l’élimination des excréments» ! Sa version des faits ? Une «cabale» montée contre lui par «le nazi antichrétien» Philippe Millau et «le pseudo-catholique» Guillaume de Thieulloy. Le premier est un ancien du FN et du Bloc identitaire qui a cofondé en 2014 la webtélé TV Libertés, sorte de pendant télévisuel de Radio Courtoisie. Le second anime différents sites dont «Le salon beige», blog de référence des catholiques identitaires. «Cette opération converge avec la campagne lancée par la Licracra [sic], qui veut me détruire», vitupère Lesquen. A l’en croire, non seulement ses dérapages répétés n’auraient rien de répréhensible, mais ils ne mettraient aucunement en cause la crédibilité de Radio Courtoisie : «Mes idées personnelles n’engagent que moi !»

«Idées personnelles» ou provocations délibérées ? Parmi les anciens de la radio, on n’en finit pas de se demander pourquoi le vicomte de Lesquen, énarque et polytechnicien, haut fonctionnaire passé par plusieurs ministères (Equipement, Finances…) et la Ville de Paris, a basculé dans l’outrance la plus ordurière. Plusieurs pointent une mégalomanie longtemps refoulée. «Il a le comportement d’un mec qui vient d’apprendre qu’il va mourir dans six mois !» s’exclame l’un. Un autre assure que le mariage de sa fille aînée avec un juif a été «l’élément déclencheur» de ses saillies antisémites…

Quoi qu’il en soit, les purgés restent impuissants. Lorsqu’il a pris les rênes de Radio Courtoisie, en 2006, Henry de Lesquen a soigneusement récrit les statuts. «L’association est verrouillée», claironne-t-il. Le conseil d’administration est à sa botte et, à 67 ans, il compte bien être reconduit dans ses fonctions l’été prochain. Par ailleurs, il n’a eu «aucun problème» pour remplacer les «félons». De fait, Radio Courtoisie tourne toujours : aux plages de musique classique succèdent les débats culturels, politiques et religieux ainsi que le «bulletin de réinformation» quotidien. Le budget (1 million d’euros par an) provient des dons et cotisations, même si plusieurs anciens soupçonnent Lesquen de recourir à sa fortune supposée pour boucher les trous. «Délire calomnieux», rétorque l’intéressé, qui admet tout de même avoir prêté plusieurs dizaines de milliers d’euros à Radio Courtoisie et met gratuitement à sa disposition un appartement. Au printemps, l’un de ses proches l’interrogeait sur les conséquences des enquêtes judiciaires ouvertes après ses propos. «Je m’en fous, j’ai du fric», lui aurait rétorqué Lesquen.

En attendant des jours meilleurs, les exclus de Radio Courtoisie se sont dispersés dans les médias de la «réinfosphère», cette nébuleuse en ligne d’extrême droite qui prétend contrecarrer la «propagande» du «système». Même si tous en parlent avec des trémolos dans la voix. «C’est un terrible gâchis, regrette Martial Bild, ancien élu Front national qui codirige TV Libertés après avoir longtemps collaboré à Radio Courtoisie. C’était une pierre précieuse pour la réinformation. Henry de Lesquen lui a porté des coups mortels en l’espace de six mois.» Et il n’est pas dit que son ego boursouflé s’arrête en si mauvais chemin.

Mariane

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