Israël se prépare à la revanche de Téhéran comme le prix que Tsahal doit payer pour pousser l’Iran hors de Syrie

Se méfiant des erreurs passées, Israël est déterminé à empêcher le Golan syrien de devenir comme le Sud-Liban dont le Hezbollah reste maître, même si cela signifie de devoir absorber quelques attaques de représailles en cours de route…

 

Un soldat israélien dirige un char Merkava Mark IV lors d'un exercice militaire sur les hauteurs du Golan le 7 mai 2018. (Jalaa Marey / AFP)

Un soldat israélien dirige un char Merkava Mark IV lors d’un exercice militaire sur les hauteurs du Golan le 7 mai 2018. (Jalaa Marey / AFP)

Le nord d’Israël partage une frontière avec deux pays. Dans l’un de ces 2 pays – le Liban – Israël n’a pas réellement bougé, alors que le groupe terroriste du Hezbollah était en train d’amasser un arsenal estimé à plus de 100 000 missiles et roquettes au cours des presque douze années qui ont suivi la Seconde Guerre du Liban en 2006.

Dans l’autre, en Syrie, il est déterminé à ne pas répéter cette erreur.

À cette fin, Israël a adopté une position beaucoup plus agressive pour contrer l’enracinement des forces et des supplétifs iraniens dans ce pays déchiré par la guerre civile – en frappant, d’après ce qu’il se dit, non seulement les positions prises le long de la frontière, mais aussi des caches d’armes en Syrie Centrale (Tyias ou base T4) et orientale (Alep) – même si cette politique peut signifier de déboucher, à un moment donné, sur un conflit ouvert avec Téhéran.

Dimanche, les responsables de la défense israélienne ont averti que des affrontements avec l’Iran pourraient bientôt se produire, informant les membres de la presse des récents efforts iraniens visant à mener une frappe imminente de représailles, contre des cibles militaires dans le nord d’Israël, suite aux récentes frappes aériennes contre des cibles iraniennes en Syrie, que la presse étrangère et les vigies de l’opposition syrienne ont attribué à l’état juif.

Ces raids comprennent notamment une attaque sur la base aérienne T-4, le 9 avril, qui a tué au moins sept membres du corps des gardiens de la révolution iraniens et pour lesquels les autorités iraniennes ont juré de se venger. Jérusalem refuse de commenter cette frappe, mais a déjà dit qu’elle était prête à prendre des mesures pour empêcher le retranchement iranien en Syrie. Des avions israéliens ont bombardé la base T-4 en février après qu’un drone transportant des explosifs a été dirigé par un centre de contrôle, jusqu’en Israël.

La base aérienne syrienne de Sayqal, située à l’est de Damas, qu’Israël croit être partiellement sous contrôle iranien. (Google Earth)

« L’Iran est en train de construire une machine de guerre en Syrie, et nous sommes déterminés à l’empêcher de se concrétiser sur le terrain », a déclaré le général de division Yaakov Amidror, ancien chef des renseignements militaires et ancien conseiller national à la sécurité du Premier ministre Benjamin Netanyahu, s’exprimant devant les journalistes lundi.

Amidror, qui travaille maintenant au sein du think tank de l’Institut de Jérusalem pour les études stratégiques, compare les tentatives iraniennes de retranchement militaire en Syrie à ses efforts au Yémen, où ses supplétifs, les Houthis, fabriquent et lancent régulièrement des missiles balistiques sur la capitale saoudienne voisine.

Pour expliquer la position d’Israël, Amidror s’est référé aux remarques faites par son ancien patron, le Premier ministre, au début de la réunion hebdomadaire du cabinet, dimanche matin.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu préside la réunion hebdomadaire du cabinet à Jérusalem le 6 mai 2018. (AFP PHOTO / POOL / JIM HOLLANDER)

« Nous sommes déterminés à bloquer le retranchement iranien, même au prix de la confrontation », a déclaré Netanyahou. « Nous ne voulons pas d’escalade, mais nous sommes prêts pour tous les scénarios. Nous ne voulons pas de confrontation, mais s’il en faut une, ce sera mieux maintenant que plus tard. « 

Après la guerre désastreuse de 2006 au Liban, Israël n’a pris qu’une action limitée pour empêcher les efforts du Hezbollah de se réarmer, craignant une nouvelle confrontation avec le groupe terroriste soutenu par l’Iran. Grâce à cette politique, qui a placé le souci de maintenir le calme à court terme, plutôt que d’assurer la sécurité à long terme, le Hezbollah a pu devenir l’une des armées les plus puissantes de la région et la principale menace militaire d’Israël.

« Nous avons fait une énorme erreur au Liban. Nous avons laissé le Hezbollah amasser 120 000 missiles au Liban. Nous ne commettrons pas la même erreur en Syrie « , a déclaré M. Amidror lors d’une conférence téléphonique organisée par le Projet Israël.

Une étude réalisée en février par l’agence de presse syrienne Zaman Al Wasl, généralement considérée comme soutenant l’opposition, semble confirmer cette proposition, en indiquant qu’Israël a augmenté le nombre de frappes qu’il a menées en Syrie ces dernières années, contre une en 2012 à plus de vingt-cinq en 2017.

Au total, l’observatoire a révélé qu’Israël a mené 78 raids aériens contre des cibles en Syrie depuis 2012. Ce chiffre est légèrement inférieur à celui des 100 frappes exprimées par l’ancien chef de l’armée de l’air israélienne, Amir Eshel, révélant au quotidien Haaretz le nombre de sorties de bombardement qu’Israël a effectué.

Une explosion provenant d’une base de l’arméequ’on pense utilisée par des milices soutenues par l’Iran, à l’extérieur de la ville de Hama, au nord de la Syrie, le 29 avril 2018. (Capture d’écran, Facebook)

L’Iran a subi un certain nombre « d’yeux au beurre noir » ces derniers mois, la plupart d’entre eux attribués à Israël. En plus des frappes sur la base T-4 en février et en avril, deux autres dépôts d’armes qu’on suppose iraniens ont été bombardés le mois dernier, détruisant des centaines de missiles et tuant des dizaines de personnes.

La semaine dernière, Netanyahou a également révélé que l’agence d’espionnage du Mossad avait volé à Téhéran un trésor de plus de 100 000 documents liés aux programmes d’armement nucléaire de l’Iran .

Amplifiant encore les tensions avec l’Iran, le président américain Donald Trump devrait bientôt déterminer le sort de l’accord nucléaire de 2015, qu’il a menacé à plusieurs reprises de quitter. Le ministre iranien des Affaires étrangères a averti, sur un ton sinistre, la semaine dernière que la République islamique « exercerait son droit de réplique, à la manière de son choix, » [en réactivant l’enrichissement d’uranium] si les Etats-Unis se retiraient de l’accord.

Se Venger sans déclencher une guerre totale

Les services de défense israéliens comprennent que l’Iran n’est pas actuellement intéressé par une guerre totale et chercherait donc à limiter ses représailles, en se concentrant sur des objectifs militaires plutôt que civils, ce qui entraînerait une réponse israélienne beaucoup plus sévère.

Un char qui fait flotter le drapeau du groupe terroriste du Hezbollah autour de Qara dans la région de Qalamoun en Syrie le 28 août 2017 (AFP Photo / Louai Beshara)

L’attaque serait également probablement menée par un substitut – le Hezbollah ou une milice chiite locale – et non par les forces iraniennes elles-mêmes, dans le but d’empêcher des représailles directes de la part d’Israël.

Cette utilisation de milices supplétives est un pilier de la stratégie de défense de l’Iran, une tentative de limiter le nombre de victimes iraniennes et de maintenir les combats à l’extérieur des frontières de la République islamique.

Cependant, les responsables israéliens ont clairement fait savoir qu’ils ne se laisseraient pas dupés par cette ruse et qu’ils voyaient en l’Iran l’ultime responsable de toute frappe venant de Syrie.

Yaakov Amidror, ancien conseiller de la sécurité nationale israélienne (Flash90)

« Nous savons, et ils savent que nous savons, que l’Iran orchestre ces tentatives », a déclaré Amidror.

Tandis que dimanche les responsables israéliens de la défense signalaient qu’une frappe de missile sole-sol était la forme la plus probable de représailles iraniennes, des drones et des batteries antiaériennes prenant des avions israéliens pour cible ont été identifiés comme des options possibles.

En effet, une grande partie des tensions accrues auxquelles on assiste actuellement remonte au 10 février, lorsqu’un drone iranien chargé d’explosifs est entré dans l’espace aérien israélien avant d’être abattu par un hélicoptère d’attaque israélien.

Curieusement, peu de responsables israéliens ont discuté de la possibilité d’une cyberattaque, bien que l’Iran ait la réputation d’être un leader mondial dans la cyber-guerre. Une telle attaque pourrait également potentiellement fournir à l’Iran un niveau de déni(abilité) plausible.

Cependant, Amidror en a carrément rejeté la possibilité. « La décision des Iraniens est d’utiliser une frappe cinétique, pas cyber », a-t-il déclaré.

Tout en cherchant le calme, se préparer au chaos

Les responsables de la défense anonymes cités dimanche soir n’ont pas précisé quand l’attaque iranienne devait avoir lieu.

Une famille israélienne se réfugie dans un abri antiaérien constitué d’une pipe en béton convertie lors de la guerre de Gaza en 2014. (Melanie Lidman / Times d’Israël)

Aucune instruction de sécurité spéciale n’a été donnée aux habitants du nord d’Israël, malgré la menace imminente. En effet, les chefs des conseils locaux du Nord ont tenté de calmer leurs électeurs en se disant toujours prêts à toute éventualité.

« Nous sommes prêts 365 jours par an où un cinglé pourrait faire quelque chose d’irresponsable comme de déclencher des missiles contre Haïfa », a déclaré le maire de Haïfa, Yona Yahav, selon le site d’information Walla.

Alors que les services de renseignement israéliens ont indiqué que l’Iran chercherait à se venger d’un tir de missile contre des cibles militaires, les systèmes de défense aérienne du pays ont été mis en état d’alerte dans le nord d’Israël.

L’Iran a accès à une variété de missiles sol-sol, des missiles Fajr-5 à courte portée aux missiles Fateh 110 de moyenne portée, d’une portée d’environ 300 kilomètres, aux missiles balistiques Shahab 3 à longue portée capable de frapper des cibles à plus de 1 300 kilomètres (800 miles).

Illustration: Des soldats de Tsahal se tiennent près d’une batterie de défense antimissile Dôme de Fer, mars 2014. (AFP / David Buimovitch)

« Nous avons des systèmes antimissiles très avancés :  Dôme de Fer, la Fronde de David, Hetz (la « Flèche »), a déclaré Amidror, faisant référence aux batteries de défense antiaérienne israéliennes, conçues pour abattre respectivement des missiles à courte, moyenne et longue portée.

« J’espère que la plupart des missiles seront interceptés par nos systèmes de défense, et (on sait) que les cibles militaires sont censées absorber de telles attaques de temps en temps », at-il déclaré.

Cependant, si jamais ces batteries actives de défense antiaérienne ne parviennent pas entièrement à remplir leur rôle, on peut craindre que la protection passive d’Israël contre les missiles – les abris anti-bombardement – ne fournisse pas une solution adéquate.

« L’hypothèse de travail est qu’ils prévoient de frapper des cibles militaires, mais cela peut dégénérer à tout moment, et nous nous trouverons dans une situation totalement différente », a déclaré Eli Dukorsky, maire de Kiryat Bialik, à Walla. « Cela exige qu’Israël comble de toute urgence les lacunes de la défense en matière de défense passive, mais exige aussi de chacun d’entre nous qu’il comprenne que la préparation doit être à la fois personnelle et communautaire ».

En mars, le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, a reconnu qu’Israël ne disposait pas des abris anti-bombes nécessaires pour défendre correctement les habitants du nord et a appelé à un afflux massif de fonds pour résoudre le problème.

L’hypothèse de travail est qu’ils prévoient de frapper des cibles militaires, mais cela peut dégénérer à tout moment, et nous nous retrouverons dans une situation totalement différente.

Dans les zones les plus proches des frontières septentrionales avec le Liban et la Syrie – jusqu’à neuf kilomètres (5,59 milles) – environ 24% des Juifs et plus de 40% des Arabes n’ont pas d’abris anti-aériens adéquats, selon les chiffres présentés à la Knesset en janvier.

Menaces de représailles

Cependant, la meilleure défense est une bonne attaque, comme on dit, et les responsables israéliens ont menacé de représailles directement contre des cibles iraniennes si la République islamique attaquait l’Etat juif.

Israël semblait également tenter de creuser un fossé entre l’Iran et ses principaux alliés en Syrie: la Russie et le dictateur syrien Bashar Assad.

Netanyahou, par exemple, est censé présenter les informations sur les préparatifs de Téhéran pour frapper Israël au président russe Vladimir Poutine lors de leur réunion à Moscou mercredi de cette semaine. Cela, espère Israël, pourrait convaincre Poutine que son désir de stabilité en Syrie ne correspond pas aux plans de Téhéran d’utiliser le pays comme tremplin des attaques contre Israël.

L’effort de Jérusalem pour persuader Assad était beaucoup moins subtil.

Le ministre de l’Energie, Yuval Steinitz, prononce un discours le 12 juillet 2017 au 22ème Congrès Mondial du Pétrole à Istanbul. (AFP PHOTO / OZAN KOSE)

Le ministre de l’Energie, Yuval Steinitz, a déclaré que le dictateur syrien serait tué et son gouvernement détruit s’il continuait à permettre à l’Iran de s’installer militairement en Syrie.

« Si Assad continue de laisser les Iraniens opérer depuis le sol syrien, il devrait savoir qu’il a signé son propre arrêt de mort et que ce sera sa fin. Nous renverserons son régime « , a déclaré Steinitz au site Web de Ynet dans une interview vidéo.

Le ministre a ensuite précisé que c’était son point de vue, et non la position du gouvernement.

Selon les reportages télévisés de dimanche soir, les Forces de défense israéliennes menaçaient de frapper toutes les cibles iraniennes en Syrie si Téhéran lançait une attaque sur le territoire israélien.

Le mois dernier, une carte et des images satellites montrant cinq bases contrôlées par les Iraniens en Syrie ont été distribuées aux médias israéliens, ce qui semblait être une menace sans détour, de la part d’Israël, que ces sites seraient ciblés si l’Etat juif était attaqué.

Le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, inspecte une vue sur un fusil dans une usine de fabrication d’armes dans la ville de Sderot, dans le sud d’Israël, le 14 décembre 2017. (Ariel Hermoni / Ministère de la Défense)

La semaine dernière, le ministre de la Défense Lieberman est allé plus loin en disant à un journal saoudien que si les Iraniens « attaquaient Tel-Aviv, nous frapperions Téhéran ».

On ne sait pas si Lieberman proférait une menace sérieuse ou rhétorique. Une attaque contre l’Iran lui-même pourrait rapprocher les Iraniens du régime en place, au lieu de semer le genre de discorde qu’Israël préférerait voir se répandre dans le pays.

Selon Amidror, Israël, tout autant que l’Iran, cherche à empêcher que la situation en Syrie ne devienne incontrôlable et limiterait ainsi ses représailles.

« Israël n’a pas intérêt à une vaste opération, mais les Iraniens devront, de toutes façons, payer le prix de leurs ingérences et de leurs menaces », a déclaré l’ancien conseiller à la sécurité nationale.

©JForum avec agences, dont walla.co.il, Ynet

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