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FIGAROVOX/TRIBUNE- Le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a affirmé que les conditions semblaient désormais réunies pour que la France « sorte de l’état d’urgence ». Pour Hugues Moutouh, le ministre semble plus préoccupé par les élections à venir que par la sécurité du territoire.

Hugues Moutouh a été conseiller spécial du ministre de l’Intérieur au moment de l’affaire Merah, puis préfet. Il est désormais avocat. Il est l’auteur de 168 heures chrono: la traque de Mohamed Merah(éd. Plon, 2013).


Bon nombre de Français ont dernièrement dû être stupéfaits en écoutant le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, affirmer que les conditions semblaient désormais réunies pour que la France «sorte de l’état d’urgence».

Le chef de l’Etat lui-même a l’air de partager leur sentiment. Cette déclaration, faite par un membre du gouvernement occupant des fonctions aussi éminentes et stratégiques avait de quoi susciter non seulement de l’indignation, mais plus encore de la colère. A l’aune des tragédies qui ont récemment ensanglantées notre pays, aucun responsable politique ne peut en effet décemment envisager une sortie «sèche» de l’état d’urgence, sans lui avoir préalablement substitué un régime plus pérenne de sécurité renforcée.

Depuis la tragédie de Nice, près d’une quinzaine d’attentats impliquant une trentaine d’individus ont été déjoués, grâce à la détermination des forces de l’ordre, à leur grand professionnalisme, mais aussi, reconnaissons-le, à une nécessaire part de chance. Nos concitoyens, qui font preuve d’un sang froid exemplaire ont parfaitement compris le genre de menace grave qui pesait sur notre pays. Ils ont entendu, du reste, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, lors de sa récente installation Place Beauvau, au mois de décembre dernier, déclarer que nous avions aujourd’hui à affronter «un risque terroriste d’un niveau extrêmement élevé».


Le péril a-t’il à ce point changé en trois mois pour que l’on tourne la page de l’état d’urgence sans autre forme de réflexions ou d’aménagements ?

Alors, aujourd’hui, nous posons au garde des Sceaux une question simple: existe-t’il une raison objective que nous ignorerions et qui viendraient atténuer la menace terroriste en France? Le péril a-t’il à ce point changé en trois mois pour que l’on tourne la page de l’état d’urgence sans autre forme de réflexions ou d’aménagements? La réponse est malheureusement négative et une analyse sérieuse de la situation nous conduit même à penser tout le contraire.

Pour appuyer sa déclaration, Monsieur Urvoas avance deux séries de motivations plus inopérantes les unes que les autres.

La première est une raison de pur principe, censée se justifier par elle-même: l’état d’urgence étant un état d’exception, on ne peut le concevoir dans la durée. Il est donc nécessaire d’y mettre un terme «dans un délai raisonnable». Un tel argument, bien que défendu par le vice-président du Conseil d’État en personne, en novembre 2016, est bien entendu intenable tel quel et inaudible. Qui ira, en effet, expliquer aux familles des prochaines victimes d’attentats qu’elles ont été sacrifiées à la gloire du Droit et de la rationalité juridique? Personne n’en voudra à nos concitoyens de compter davantage sur l’action résolue de la police pour les protéger, que sur la sagesse multiséculaire du Conseil d’État!

La seconde raison avancée par le ministre de la Justice semble, quant à elle, plus pertinente de prime abord. L’état d’urgence ne se justifierait plus parce que le gouvernement aurait fait adopter depuis plusieurs mois des lois rendant son application inutile. Le garde des Sceaux cite notamment trois textes législatifs à l’appui de ses propos: la loi sur le renseignement de juillet 2015, celle contre le terrorisme du mois de juin 2016 et, plus récemment, celle sur la sécurité publique de février 2017. Naturellement, il n’en est rien, sinon la récente prorogation de l’état d’urgence en fin d’année dernière eut été parfaitement inutile.

Les trois lois dont nous parle monsieur Urvoas, pour justifiées qu’elles soient (assouplissement des modalités de légitime-défense des policiers, création d’un nouveau délit de propagande djihadistes en ligne, fouille plus systématique des bagages), sont loin de se montrer à la hauteur des menaces auxquelles nous sommes confrontés, faute de majorité politique claire pour le gouvernement en matière de sécurité.

Le fait est que ces diverses dispositions ne remplacent en rien le large éventail des mesures que l’état d’urgence met à disposition des autorités: assignations à résidence, perquisitions administratives, contrôles d’identité et fouilles de véhicules, fermetures des lieux de réunion, etc. Et que dire du contrôle systématique aux frontières qui accompagne le régime d’état d’urgence, sans y être toutefois juridiquement intégré? Faudra-t’il aussi en faire notre deuil, alors même que l’on sait aujourd’hui qu’il est devenue une condition nécessaire à la sécurisation du territoire? Amnesty International et la LDH, que le ministre de la Justice semble décidément beaucoup écouter, le demandent en chœur…


Plutôt que de satisfaire ces belles âmes irresponsables, qui ne voient dans l’état d’urgence qu’une insupportable régression continue de protection des droits et une politique de discrimination disproportionnée visant la population musulmane (Rapport d’Amnesty de janvier 2017), préférons écouter les professionnels de la lutte anti-terroriste. Que nous disent-ils? Que plus de 700 ressortissants français sont actuellement répertoriés dans les zones de combat en Irak et en Syrie et qu’il s’agit du plus gros contingent européen de djihadistes. Que la détérioration rapide de la situation de l’État islamique incite un nombre important de djihadistes à déserter. Que la menace du retour prochain en Europe de milliers de combattants aguerris et fanatisés (pas loin de 5000) représente, pour nos pays, le plus grand défi sécuritaire depuis la fin de la guerre froide. Avant de remettre sa démission, au mois de décembre dernier, n’est-ce pas, du reste, ce que déclarait le Premier ministre, Manuel Valls? «Ces milliers de djihadistes doivent être la principale préoccupation en Europe en matière de sécurité pour les années à venir».

Le ministre de la Justice semble davantage préoccupé par les petits calculs électoraux, à la veille des élections, que par la sécurité des Français. Il pense sans doute séduire les écologistes et les extrémistes du Front de Gauche qui ont toujours assimilé l’état d’urgence à la répression, dans la plus pure tradition gauchiste française.

Les Français méritent un vrai débat sur la politique de sécurité et l’état d’urgence à un mois du premier tour des élections présidentielles. Ce n’est pas le plus radical qui emportera la confiance des électeurs, mais le plus censé. L’état d’urgence doit être prorogé une dernière fois. Ce sera même la première décision politique que le nouveau gouvernement aura à prendre, comme l’impose la loi. Mais pour cela, le nouveau pouvoir devra s’engager fermement devant sa nouvelle majorité à graver dans le marbre les mesures les plus indispensables au travail des services de renseignement et de lutte contre le terrorisme. Sans esprit partisan, et aux seules fins de garantir la sécurité des Français, les candidats en passe de gagner les élections présidentielles doivent s’engager, dès aujourd’hui: 1° à pérenniser le régime des perquisitions administratives, sans lequel les services perdraient beaucoup de leur efficacité ; et 2° à donner plus de temps aux spécialistes pour interroger les personnes suspectées de radicalisme et évaluer leur exacte dangerosité. Afin de répondre aux besoins des professionnels, sans heurter les convictions des plus libéraux, proposons d’instituer en droit français, pour ces personnes, majeures ou mineures,, une rétention administrative de 15 jours dans un centre fermé de déradicalisation. Pendant cette période, sous le contrôle du juge judiciaire, des experts et psychologues pourront enfin, avant qu’il ne soit trop tard, se donner le temps de procéder à des examens approfondis de la personnalité des mis en cause.

Espérons être entendus, car le temps presse!

Source : FigaroVox

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trender

Que ce serait il passé à Orly ….si on avait supprimé les contrôles Vigie pirate….apparemment , rien selon les gauchos qui dirigent la France , abrutis aveugles et sourds plus intéressés par leurs postes et leur combines électoralistes…. que la sécurité du pays

Jg

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