Paris: le quartier juif historique du Marais

Avec 300 000 membres la communauté juive parisienne est la plus forte en Europe. A quand remonte son implantation? Où se trouve le quartier juif historique?

L’histoire des juifs parisiens est compliquée, tour à tour acceptés puis spoliés et expulsés de la ville par les rois de France, leur présence dans le Marais remontent au moins au moyen âge, de cette époque et jusqu’à l’affaire Dreyfus la rue Ferdinand Duval s’appelle d’ailleurs la rue des Juifs.

Dès le 1er siècle avant J-C.La communauté juive s’est implantée dans le Bassin Parisien lors des conquêtes romaines. Les traces des premiers juifs ont été retrouvées sur les emplacements correspondant aujourd’hui au 5ème arrondissement de Paris, sur la  rive gauche de la Seine, où est érigée l’Eglise Saint Julien le Pauvre. Jadis une synagogue semble y avoir été construite.

Au 10ème et 11ème siècle, une communauté s’installa rue de la Harpe entre la rue de la Huchette et la rue Saint Séverin, ainsi que sur l’emplacement correspondant actuellement à la rue de la « Vieille Juiverie », entre la rue Saint Severin et la rue Monsieur le Prince.

A l’angle du Boulevard St Michel et de la rue Monsieur le Prince se trouvait un cimetière juif à proximité d’une synagogue aujourd’hui disparue. D’autres cimetières juifs ont pu être découverts dans l’étroite rue Saint – Sarazin, à proximité du Boulevard Saint Michel.

Au 12ème siècle, Benjamin de Tolède (Espagne) qui voyageait à travers l’Europe et étudiait les différentes communautés juives, vint à Paris qu’il appela Ha-ir Hagedolah (« la grande cité en hébreux).

La communauté alors installée Ile saint Louis l’aurait accueilli et invité à séjourner dans le quartier situé rue de la Cité (jadis appelée rue des juifs), Quai de la Corse et rue de Lutèce. Sur la place Louis Lepine, où se trouve aujourd’hui le Marché aux fleurs, était érigée la synagogue.

A la fin du 12ème siècle, on trouve une communauté juive dans le périmètre correspondant aujourd’hui à la rue de Moussy, rue du Renard, rue Saint Merry, rue de la Tacherie et sur le Petit Pont.

A cette époque les ponts de Paris étaient couverts d’habitations . D’autres lieux rappellent également la présence de cette communauté, que l’on remarque à travers des noms de rues ou de lieux-dits, tels que le Moulin aux juifs, l’Iles aux juifs et la cour de la Juiverie.

Au 13ème siècle, ils s’établirent dans le Marais (3ème et 4ème arrondissement aujourd’hui) où ils vécurent lorsque les expulsions furent décidées en 1306.

 

Le mot Pletzl vient du Yiddish « petite place », l’emplacement exacte de cette place est flou, certains la situent à l’emplacement du métro Saint Paul, d’autres au croisement de la rue des Rosiers et de la rue Ferdinand Duval. La rue des Rosiers doit son tracé au rempart de Philippe Auguste et son nom aux fleurs qui poussaient en contrebas de celui-ci.

On y trouvait dès le XIIIème siècle une synagogue construite grâce à la juridiction particulière des Templiers. Mais en 1394, le bannissement rend invisible la présence juive dans ce quartier jusqu’à la Révolution.

Paris fut un centre important pour la culture juive et le rabbinat de Paris était particulièrement influent dans la communauté. La ville accueillit de nombreux intellectuels et personnalités  tels que le Rabbin Shlomo ben Meir, Rabbin Jacob ben Meir Tam, Matthias Gaon, Chaim ben Hananel Hakohen, Elijah Ben Judah, Jacob Ben Siméon et le Babbin Yehiel de Paris, à tête de la fameuse école rabinique Yeshiva au 13ème siècle.

Longtemps leur installation en France dépendait du seul bon vouloir royal. Les expulsions étaient fréquentes sous l’ancien régime, il fallut attendre la Révolution et Napoléon pour qu’ils puissent enfin obtenir des libertés civiles et religieuses.

Lorsque les juifs purent  retourner à Paris après avoir obtenu leur émancipation au 19ème siècle, ils s’installèrent de nouveau dans le Marais. Paris fut certes un centre essentiel propice à l’épanouissement de la riche culture juive, elle fut également l’endroit de grande souffrance pour ce peuple.

 

Le lieu le plus important dans  Paris concernant le judaïsme est situé dans le Marais et est appelé le Pletzl (petite place en yiddish). Le 4ème arrondissement  (Métro St Paul) a toujours accueilli les juifs d’ici ou d’ailleurs depuis le 13ème siècle.

Aujourd’hui encore, malgré l’embourgeoisement du quartier, il conserve une très forte identité communautaire. Vous trouverez rue des Rosiers,  rue Malher ou rue des Hospitalières-St-Gervais, de nombreux restaurants, librairies, charcuteries cashères ainsi que des synagogues et des shtiebels (petits oratoires)

Notre Dame de Paris

Notre Dame est l’un des plus célèbres et spectaculaires monuments de Paris. Son impressionnante façade et ses flèches s’envolant vers les cieux ont été photographiées et peintes sous tous les angles possibles à travers les décennies. Vous serez cependant surpris de découvrir que ce pilier de l’église catholique romaine en France n’est pas exempt de référence au judaïsme.

Vous découvrirez ainsi sur la façade deux figures féminines de chaque côté du portail central, représentant Ecclésia (à gauche) et la Synagogue (à droite). Ecclésia, une belle femme portant une couronne, représente l’Église catholique romaine; Synagoga, une femme avec une tête baissée, les tablettes brisées des Dix Commandements à ses pieds, et un serpent autour de ses yeux représente le judaïsme.

Ces deux figures sont fréquentes dans le vocabulaire architectural des églises dans une grande partie de l’Europe et illustrent  le conflit religieux latent entre le christianisme et le judaïsme

 

C’est à la fin du XIXème siècle que la population juive du quartier va réellement prendre de l’ampleur, victimes de persécutions et de pogroms en Europe centrale et en Europe de l’est, des milliers de juifs fuient vers la France et beaucoup atterrissent dans le Marais, vieux quartier insalubre où des familles entières s’entassent dans des petits logements sans confort.

Ce sont ces premières vagues d’immigration qui donnent encore au quartier cette ambiance plus ashkénaze que séfarade contrairement à Belleville où les commerces juifs tunisiens sont beaucoup plus présents.

 

Mémorial de la déportation

Memorial de la Shoah

Derrière Notre Dame, vous découvrirez le square de l’Ile de France, à proximité de la rue de le l’Archevêché. Vous y verrez le mémorial du déporté inconnu de la Seconde Guerre mondiale où sont gravés les noms de 200 000 victimes, français, enfants, hommes et femmes, juifs et chrétiens, exterminés dans les camps de la mort.

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En quittant ce lieu chargé de mémoire, vous trouverez la citation: Pardonnez mais ne pas oubliez ! »

En sortant du square, prenez à droite, et marchez le long de la rue de l’Archevêché vers le pont Saint Louis (pont piéton), traversez le et rejoignez ensuite la rue du Pont Louis Philippe. Lorsque vous arriverez rue de l’Hôtel de Ville, prenez à droite et empruntez la rue Geoffrey l’Asnier.

Au numéro 17, vous atteindrez le mémorial du martyr juif inconnu (tel: 01 42 77 44 72), l’un des sites juifs les plus émouvants à découvrir, où se dresse le mémorial en hommage aux 6 millions de victimes juives assassinées par les nazis et leurs complices.

Plaque commemorative

Initié à Grenoble au cours de la seconde guerre mondiale afin de pouvoir témoigner des atrocités commises pendant cette période trouble de l’histoire , le musée s’est développé au cours des années pour ensuite être construit en 1956 et y abriter de nombreux documents et photographies sur les camps nazis.

Le bâtiment abrite également une librairie et des archives; il constitue un précieux lieu de recherche documentaire. En quittant le mémorial rue Geoffroy l’Asnier, tournez à gauche pour rejoindre la rue François Miron puis à gauche de nouveau la rue Tiron pour rejoindre la Rue Pavée après avoir traversé la rue de Rivoli.

C ’est dans la rue des Rosiers, devant le restaurant Goldenberg, que le 9 août 1982, un attentat à la bombe fait 6 morts et 22 blessés, acte antisémite qui bouleversa la France et dévoila le problème du terrorisme palestinien.La rue des Rosiers, une des rues les plus connues du quartier, se trouve au cœur du Pletzl et avec ses nombreuses enseignes en hébreu est le symbole de l’histoire juive du Marais. Sans doute ouverte au XIIIème siècle, elle était protégée et longeait les remparts de Philippe Auguste ; elle tient son nom des rosiers qui poussaient contre ces murs.

 

Le Pletzl

Borne historique du Pletzl dans la rue des Rosiers

Vous y trouverez de nombreux commerces et restaurants proposant des spécialités juives. La communauté s’est installée dans ce quartier au début des années 1920, mais il était déjà un quartier juif au Moyen-Age.

Connu sous le nom de « juiverie » dans les années 1920, ce quartier constituait un ensemble homogène, prospère et auto-suffisant où l’on pouvait trouver des synagogues et commerces cashers. Certaines ruelles actuelles font échos à ce lointain souvenir.

Jusqu’au milieu du 17ème siècle, le quartier du Marais était le lieu où l’élite aristocratique se retrouvait et faisait édifier de somptueux hôtels particuliers et demeures. Après l’établissement de la Cour à Versailles et son départ du Louvre, dans les années 1680, les aristocrates formant cette cour royale quittèrent progressivement le Marais pour se rapprocher du Roi. Le départ de cette classe sociale marqua le déclin progressif du Marais.

Au 19ème siècle, avec l’industrialisation progressive de l’Europe, les demeures de Maitres et hôtels particuliers du Marais furent souvent divisés et restructurés en plus petits appartements et abritaient également des ateliers ou petits commerces.

La vie brillante du Marais s’étiolait, le quartier devenait un cloaque insalubre et très sombre. De nombreux résidents, essentiellement de confession juive, étaient les descendants des communautés qui avaient été expulsées de France au 12ème siècle sous le règne de Philippe-Auguste.

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12, rue Pavée, 1975 © Alecio de Andrade, ADAGP, Paris

A partir des années 60, des juifs rapatriés du Maghreb viennent s’installer dans le quartier, mais rapidement le manque de place contraint la plupart d’entre eux à s’établir dans d’autres quartiers comme Belleville, le 19ème arrondissement voir en banlieue comme à Sarcelles.
Les nouveaux arrivants prennent souvent le contrôle des rites dans de nombreuses synagogues du Marais, c’est le cas de la synagogue Nazareth et de la synagogue des Tournelles.
 Le Marais est aujourd’hui l’un des arrondissements parisiens les plus recherchés où le prix de l’immobilier atteint des sommets. La  Mairie de Paris s’efforce d’améliorer les conditions de vie et de circulation dans le quartier en  rendant piéton certains axes.
Ces projets furent accueillis de façon contrastée par les résidents qui craignaient que l’âme et l’ambiance du vieux quartier juif soient touchées par ces bouleversements. Ce que les anciens habitants redoutaient est arrivé.
La Rue des Rosiers, emblématique du quartier est aujourd’hui certes plus plaisante pour les touristes mais a succombé aux assauts des commerces de luxe et des grandes marque mondialisées.
Après avoir survécu pendant des siècles aux persécutions, aux pogroms, aux spoliations, à l’exil et à la Shoah, la communauté juive du Marais est en passe de succomber à un mal qui gangrène tout Paris : l’inflation immobilière.
Petit à petit les épiceries cashers et les librairies religieuses sont remplacées par des chaînes de prêts à porter et des bars branchés, seules les anciennes devantures sont gardées pour préserver un minimum la mémoire juive du quartier et peut être se donner bonne conscience, ainsi rue des Rosiers on ne s’étonne plus de voir une boutique à la mode ornée d’une étoile de David ou d’un chandelier à 7 branches.
Sans la mobilisation des habitants, l’ancien Hammam Saint Paul aurait lui même pu être reconverti en Mc Donald, aujourd’hui il a quand même perdu sa vocation première et est occupé par une grande enseigne de vêtements.
Malgré la mobilisation des associations de quartier pour maintenir un semblant d’authenticité, la dernière vague d’immigration se compose principalement de jeunes cadres branchés et d’homosexuels aisés, seuls subsistent les vendeurs de falafels et bagels pour la plus grande joie des nombreux touristes qui s’y pressent.
synagogue rue pavee
Synagogue Rue Pavée
Sur la gauche, découvrez la rue Ferdinand Duval, jadis appelée rue des juifs jusqu’en 1900. A l’abri d’une cour, au numéro 20 de la rue, vous pourrez peut être découvrir un hôtel particulier édifié au 16ème siècle, appelé Hôtel des juifs. Aujourd’hui propriété d’un artiste, il demeure un témoignage important de  la communauté juive du 18ème siècle, dont les membres étaient en grande partie issue de l’est de la France et d’Allemagne.
Revenez sur vos pas et prenez la rue des Ecouffes. Vous y découvrirez plusieurs synagogues orthodoxes le long de cette étroite rue. Notez le portrait du défunt Rabin Lubavitcher, Menachem Mendel Schneerson. De nombreux Hasidim Lubavitcher vivent dans ce quartier et leurs adeptes du monde entier s’y retrouvent régulièrement.
Revenez sur vos pas rue des Rosiers, prenez à gauche, marchez en direction de la rue des Hospitalières-St-Gervais et prendre à droite.
Au numéro 6 de la rue est édifiée une école juive pour garçon. Une plaque commémorative y fut apposée en souvenir des élèves et professeurs envoyés au camp d’internement à Drancy, puis à Auschwitz, où ils furent assassinés. 165 garçons furent ainsi déportés malgré les efforts de leurs maîtres d’école pour tenter d’en sauver certains.
La rue des Hospitalières-Saint-Gervais. Aux no 6 et no 10 se trouve l’École élémentaire des Hospitalières-Saint-Gervais. Ce fut la première école primaire gratuite ouverte à Paris (1844), édifiée avec l’aide du Consistoire juif. Le 16 juillet 1942 (rafle du Vélodrome d’Hiver), des policiers parisiens vinrent arrêter les enfants et leurs enseignants (plaque commémorative sur la façade) et 165 enfants périrent dans les camps d’extermination nazis. Au no 12, se trouvait autrefois le restaurant Rozenstroiks, qui était le lieu de rendez-vous des tailleurs, fourreurs, casquettiers et orfèvres.
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La promenade dans le Marais s’achève avec Le Musée d’Art et d’Histoire du Judaisme (71, rue du Temple), Métro: Hotel de Ville. www.mahj.org. Inauguré en grande pompe en décembre 1998, le musée est consacré à la vie et culture juive en présentant une large collection d’objets rituels et de peintures.
Du 6 rue des Hospitalières-St-Gervais, empruntez cette rue jusqu’à son croisement avec la rue des Francs-Bourgeois, puis tournez à gauche. La rue des Francs-Bourgeois devient la rue Rambuteau. Prenez à droite la rue du Temple (à ne pas confondre avec la rue vieille du Temple). Le Musée d’Art et d’Histoire du Judaisme est situé sur la droite dans l’Hotel Saint Aignan.
Adaptation par JG

par Madame Toni L.Kamins. Traduit de l’anglais par Arnaud Sellier

Tomi L.Kamins est journaliste freelance et a travaillé comme éditrice. Elle est l’auteur de guides consacrés à la culture juive en France ainsi qu’en Grande Bretagne et en Ireland (Saint Martin Press). Pour plus d’informations, veuillez consulter le site:

 

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disraeli

Ce guide comporte de nombreuses erreurs historiques et géographiques et n’est plus du tout à jour. Il n’existe aujourd’hui qu’une seule boucherie réellement cachère et deux restaurants.