Un ancien président de la République n’est pas un justiciable ordinaire…

Je vois d’ici les gorges chaudes de certain qui diront qu’il n’existe pas de justice à géométrie variable, que tous les citoyens sont égaux devant la loi, etc.. Ces belles âmes ont raison, mais elle n’ont raison que partiellement.

Car, comme le disent tous les philosophes, tant de l’Antiquité gréco-latine que ceux de l’Allemagne du XIXe siècle (Kant, Hegel, etc…), la justice contribue à une vie harmonieuse au sein des sociétés humaines.

Ces penseurs commentaient le terrible adage latin Fiat justitia pereat mundus (Que la justice soit, le monde dût il en périr ! Certes, les fondements de la vie sociale ne peuvent pas ignorer la justice ni lui tourner délibérément le dos, mais qui peut prétendre ici-bas ne jamais se tromper ?

Qui peut prétendre à quelque forme que ce soit d’infaillibilité judiciaire ?
Je ne vais pas prendre la défense de Nicolas Sarkozy, il s’en tire très bien lui-même et dispose de très bons avocats.

Mais je dois bien dire d’emblée que comme des millions de Français, j’ai été choqué par cette médiatisation, ce secret de l’instruction battu en brèche et cette résonnance outrancière qui a décuplé les dommages infligés à un homme, à sa famille et à tous ceux qui croient en lui ou lui ont apporté leurs suffrages à l’occasion d’élections passées.

Procédons par ordre. N’était-il pas envisageable, sans faire de passe-droit, de convoquer discrètement un homme qui a présidé aux destinées du pays en tant que président de la République ? Devait-on vraiment le placer en garde en vue, et durant tant d’heures ? Certes, pour que cela ne paraisse pas trop gros, on lui a permis, de rentrer chez lui au petit matin, tout en le re-convoquant pour le lendemain même ? Cette procédure était elle absolument nécessaire ?

Il n’entre pas dans mes intentions de mettre en cause les juges mais je dois rappeler qu’ils font partie du genre humain, donc exposés aux même erreurs, tentations ou passions qui affectent, en règle générale, l’humanité dans son ensemble.

Rappelons que lorsque des citoyens ordinaires mais respectueux de la loi livrent au public leur étonnement, on leur répond, du côté des magistrats : vous n’avez pas lu le dossier, vous ne connaissez pas les pièces qu’il contient…

C’est juste, sauf que cet argument n’est guère tranchant ni décisif puisque ces mêmes juges que nous respectons puisqu’ils sont censés dire le droit, rendent la justice en notre nom, au nom du peuple français.

Et si la justice ne se modère pas elle-même on peut craindre que la population ne se reconnaisse plus dans les jugements rendus car jugés inappropriés…

Il y a de nombreuses années, de très hauts magistrats comme Jean-François Burgelin et un autre dont le nom m’échappe et qui siège, depuis, au conseil constitutionnel, s’étaient penchés sur ce divorce entre le pouvoir judiciaire et les Français.

Burgelin avait même prononcé une communication devant l’Académie des sciences morales et politiques dont une version abrégée fut publiée par le journal Le Monde. Je le sais car le haut magistrat, à ma demande écrite, avait eu la courtoisie de m’envoyer la version originale in extenso…

Or, que disait Burgelin dans ce texte ? Il expliquait que la frontière est vite franchie entre le juge et le justicier, en gros que le magistrat ne devait pas faire de telle ou telle affaire une affaire personnelle.

Il ajoutait même qu’il lui était arrivé d’être convaincu de la culpabilité de certains grands criminels, en son âme et conscience, mais que, faute de preuves tranchantes, il avait abandonné les poursuites… Voici un haut exemple dont il faudrait s’inspirer de temps en temps.

L’autre haut magistrat dont le nom m’échappe avait, lui aussi, publié un papier dans le même journal et notait au moins deux expressions qui avaient ému le philosophe que je suis : nous devons rendre la justice les mains tremblantes…. L’homme, le prévenu assis en face du juge que nous sommes, est un autre nous-même…

Quelle noblesse d’âme, quelle belle attitude, quel humanisme, quelle humanité alliée à l’équité !

Mais il n’y a pas que les personnels judiciaires qui posent question, sans, toutefois, remettre en cause leur impartialité car aucune société ne peut vivre en paix sans une justice libre et indépendante. Il faut aussi que la justice soit fondée sur l’équité.

Un exemple qui a choqué le non-juriste que je suis et je ne pense pas être le seul à avoir été ému : pourquoi cette avalanche de questions, des dizaines d’heures de garde à vue comme un vulgaire délinquant alors que, à en croire les communiqués de presse, on ne dispose pas d’éléments matériels irréfragables mais simplement de témoignages, parfois portés par des personnes au passé un peu étrange…

Les chroniqueurs judicaires que j’écoute attentivement depuis l’aube ont souligné les variations, les contradictions et les aléas des témoins à charge dont l’amnésie semble être assez sélective.

Mais la chose la plus choquante, et je laisse de côté les chefs d’accusation motivant la mise en examen, n’est autre que le placement sous contrôle judiciaire. Est-ce qu’un homme comme l’ancien président peut prendre la fuite ? Ne dispose-t-on pas de garante de représentation suffisante ? Voici une mesure qui laisse transparaître un attitude qui n’a pas grand chose à voir avec la sérénité de la justice.

Est ce vraiment étonnant ? Lorsqu’il était en fonctions, le président Sarkozy, lui-même ancien avocat, avait tenu des propos qui avaient heurté les juges. Est-ce à dire que certains membres de cette très honorable confrérie lui rendent depuis lors la monnaie de sa pièce ? Il est très tentant de le dire, même si, personnellement, j’en doute. Mais alors pourquoi cette émotion qui s’empare du pays tout entier ?

On a souvent dit que le pays ne veut pas du tout d’un gouvernement des juges. Or, récemment, lors de la dernière élection présidentielle, la décision d’un juge de mettre en examen le favori de l’élection a totalement changé la donne.

Donc a eu des répercussions sur l’issue de cette élection… Des millions de citoyens français avaient accordé leurs suffrages à un candidat qui fut balayé alors que tous les commentateurs, tous les sondages le voyaient déjà locataire de l’Elysée… On le mit en examen en pleine camapgne électorale.

Si nous ne menons pas une réflexion sereine et sérieuse sur le fonctionnement de l’institution judiciaire, sa dotation en personnels et en moyens suffisants, nous risquons de vivre de graves incidents.

Mais il serait injuste de ne parler que des magistrats, il faut aussi évoquer le rôle de la presse et cette inacceptable médiatisation qui finit par causer du tort à la démocratie. Réfléchissons un instant : dans toutes les affaires accusant Nicolas Sarkozy (qui n’est pas un saint mais qui a été notre président : rappelez vous du corps sacré du roi d’après Ernst Kantorowicz), aucune ne s’est soldée par une condamnation ! Pourtant, le tort causé est immense.

Doit-on faire de la politique ? Les moyens employés pour accéder au pouvoir suprême sont-ils toujours impeccables (au sens étymologique ; sans tâches), sont-ils toujours koshers ? En cas d’infraction grave, les juges ont-ils le droit de s’en mêler ? Oui, assurément, mais avec discernement et mesure.

La justice répare, rétablit la loi, fait régner l’équité sans détruire les hommes ni porter atteinte à leur réputation d’homme, de fils, d’époux, de frère, de père…

La machine judiciaire, dit-on, commence par se mettre en marche et c’est seulement ensuite qu’elle s’emballe. Cette déclaration assertorique est fausse : la machine s’emballe immédiatement et nul ne peut l’arrêter. Les exemples abondent.

Car la mise en accusation pend des dimensions ravageuses alors que la mise hors de cause n’occupe que l’espace d’un entrefilet dans cette même presse. Mais la tâche, le soupçon sont imbattables car insaisissables…
La justice est la plus importante des institutions humaines. Platon relate dans La République que même une association de malfaiteurs doit, pour subsister, respecter certaines règles.

Et, je le répète, un ancien président de la République, sans être au-dessus des lois, n’est pas un justiciable comme les autres. Si vous maltraitez injustement l’homme, vous portez atteinte à la fonction.

La justice contribue au bonheur de l’homme, elle n’a pas pour vocation de le broyer.

Maurice-Ruben HAYOUN, professeur à l’Uni de Genève

Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Franz Rosenzweig (Agora, universpoche, 2015)

Le nouveau cycle de conférences, Aux racines de la culture européennese penche sur l’humus spirituel et les valeurs premières qui gisent au fondement de ce continent. Mais l’Europe n’est pas seulement un continent, c’est aussi et surtout une culture, axée autour de courants spirituels et d’écoles philosophiques, qui passent à juste Titre pour sa constitution théologico-politique ou éthique.

Les réflexions qui seront exposées dans la salle des mariages de la Mairie de notre arrondissement couvrent la critique biblique, la littérature éthique, la philosophie médiévale sous son triple aspect, gréco-arabe, chrétienne et juive au miroir des pères spirituels de l’Europe : Thomas d’Aquin, Maimonide, Averroès et Maître Eckhart.

Salle des Mariages Mairie du 16e Arrondissement – 71, avenue Henri Martin- 75016 Paris

Jeudi 11 janvier -19h
Hannah Arendt, égérie de Martin Heidegger?

Jeudi 8 février – 19h
Le Moïse de Sigmung Freud, selon Y. Yerushalmi

Jeudi 15 mars – 19h
Franz Rosenzweig, la philosophie et la Révélation: le problème de la Vérité

Jeudi 5 avril – 19h
Emmanuel Levinas et Moïse Mainonide

Jeudi 17 mai – 19h
L’historien Marc Bloch et Simone Veil face au Kaddish

Jeudi 7 juin – 19h
La langue judéo-arabe: plaidoyer pour une culture (presque) oubliée

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Davidex

Nous avons les présidents que nous méritons. Quelque part, le peuple a, en les élisant, sa part de responsabilité. Notre société n’est pas capable de se doter des filtres qui mettent la barre haute en amont, s’agissant de la respectabilité des prétendants à la fonction suprême.
Nous les avons élus en connaissance de cause et la fonction suprême les assujettit au respect le plus solennel car, ne sont-ils pas le reflet de la France telle qu’elle se décline au gré du temps et des évènements ?
Les cueillir en aval sans trop respecter la présomption d’innocence est d’une grande indécence.
La justice doit exceptionnellement prendre en compte les risques et donc, la responsabilité, que le peuple a pris en accordant sa confiance au Président de son choix.
J’attendais vraiment autre chose de Sarkosy mais je lui accorde le droit de se prévaloir du rang et du rôle qui ont été les siens.
Difficile d’exprimer le malaise que je ressens à la lumière du traitement qui lui est réservé, mais cela n’a rien à voir avec un quelconque syndrome.

Magen

Je m adresse à mr Hayoun auteur de l article
Mr vous considérez vous comme une bonne âme car votre écrit en ces termes n est pas très sympathique
Je vous exprimerai mon opinion , je ne suis pas de gauche ni française ,ni israélienne et j ai tendance à critiquer leur position souvent hypocrite et diffamatoire a l encontre de certains dirigeants
Oui oui et oui un homme doit être justiciable comme les autres peut être même pire car il a pris des fonctions en lesquelles nous devons être confiant
Les professionnels de la politique et serveurs de la nation doivent être irréprochables sinon faites autre chose de commun
Leur sanction doit être exemplaire sinon je revendique le droit de pouvoir faire la même chose
Désolé mr Hayoun vous vous trompez en leur donnant des prérogatives vous créez des sociétés de castes
Bien à vous

ANDRE

A travers certains posts, ça me rappel « Le Syndrome de Stockholm ». En effet il se traduit par un sentiment de confiance, voir de sympathie des otages à l’égard de leur ravisseurs, et l’apparition d’une hostilité des victimes envers les forces de l’ordre ou de la justice
A propos de toutes ces casseroles, On dit bien qu’il n’y a pas de fumée sans feu !
Comment un homme qui a fait tant de promesses qu’il n’a pas tenu, qui a retourné sa veste, tout comme un bonimenteur, un tricheur, qui a menti et trahit une bonne partie de ses électeurs peut-on continuer de le défendre ??

[…] Car, comme le disent tous les philosophes, tant de l’Antiquité gréco-latine que ceux de l’Allemagne du XIXe siècle (Kant, Hegel, etc…), la justice contribue à une vie harmonieuse au sein des sociétés humaines. Lire la suite sur jforum.fr […]

Filouthai

C’est sur qu’avec la gauche française, la médiocratie et Mediapart à ses trousses, Sarko a de sérieuses inimitiés.

Que l’improbable chevalier blanc Plenel s’improvise chef de meute confirme que cet acharnement n’est pas basé sur des faits avérés, mais plutôt sur une volonté d’homicide politique.

Mr Plenel ferait mieux de faire preuve d’honnêteté en employant sa fille plutôt que de la faire salarier par la Mairie de Paris alors qu’elle vit en Allemagne.

NirItshak

Sarko n’est certainement pas un ami d’Israël son seul ami est lui même ce qui explique peut-être toutes ces affaires qu’on lui reproche. Tous ces types: Sarko, Hollande, Macron au pouvoir pour leurs gueules et non pour leur pays !!!

Parole

Je trouve que la gauche en fait trop pour liquider la droite et sa tête car Sarkozy en est toujours la tête c’est pour ces raisons qu’ils s’acharnent à vouloir sa peau !

Aujourd’hui la justice Française accorde du crédit à des musulmans assassins … C’est un complot de la gauche c’est tout .Media-part est une presse de gauche rouge rouge rouge !!!!
J’ai honte de la justice française qui trafique avec des musulmans pour liquider cet homme . Il n’y a plus de justice les mensonges font autorités et pourquoi et à quel prix monsieur le juge c’est à se demander si cet homme est honnête . j’ai apprécié ce soir sur la 1ère chaine française les explications de Nicolas Sarkozy et je lui fait confiance il va s’en sortir de ce bourbier libyen

ANDRE

Talonnette 1° trainant autant de casseroles, la Société TEFAL a déposé plainte pour concurrence déloyale.
Récapitulatif des casseroles :
Affaire Bygmalion (fausses factures : il est témoin assisté pour usage de faux, escroquerie et abus de confiance) ; affaire des comptes de campagne (la somme de 22,5 millions d’euros autorisée pour la campagne présidentielle a été dépassée de 18 M, peut-être de 30 M) ; affaire du magistrat de la Cour de cassation (trafic d’influence, mis en examen pour corruption active) ; scandale du Kazakhstan (trafic de commissions sur ventes d’hélicoptères) ; affaire Karachi (attentat meurtrier peut-être dû à une affaire de commissions du clan Balladur-Sarkozy); suspicion de financement de sa campagne de 2007 par Khadafi (50 M€) ; sondages de l’Élysée (marchés passés sans appel d’offres pour favoriser son copain de l’époque, Patrick Buisson) ; des vols d’affaires suspects facturés 300 000 € à son ami Stéphane Courbit (des juges enquêtent) ; affaire Bettencourt (mis en examen, il a bénéficié d’un non-lieu, « j’étais innocent », va-t-il clamé, alors que l’ordonnance de non-lieu évoque son « comportement manifestement abusif » pour avoir sollicité de la vieille dame « vulnérable » un « soutien financier occulte ») ; affaire Tapie (405 M€ attribués à Tapie par un tribunal arbitral, désavoué depuis par la Justice, mais voulu par Christine Lagarde et N. Sarkozy) ; financement de son divorce par le Qatar ; et on ne compte plus le nombre de proches de l’ancien chef de l’État qui sont mis en examen (encore ces jours-ci deux anciens policiers de haut rang poursuivis pour trafic d’influence). J’en oublie peut-être (certains rappellent cruellement qu’il était l’avocat de Servier, responsable des morts du Mediator), mais c’est compliqué de tenir la liste à jour…………… (Source Médiapart)

PS : Pseudo ami d’Israël, c’est lui en octobre 2011 qui avait appuyé l’admission de la Palestine comme état à l’Unesco, après avoir le premier, lancé l’idée d’un statut d’Etat Observateur à l’ONU. C’est encore lui qui a laisser voter une résolution niant le lien historique entre le peuple juif et ses deux sites les plus sacrés à Jérusalem……… A oui c’est vrai qu’il avait de gros intérêts avec le Qatar et l’Arabie Saoudite entre autre ………..