Messi et Deschamps menacés: pourquoi le foot est dans le viseur de Daech

L'image de Lionel Messi, ici le 18 octobre 2017, a été utilisée dans un photo-montage relayé par des partisans de Daech.

L’image de Lionel Messi, ici le 18 octobre 2017, a été utilisée dans un photo-montage relayé par des partisans de Daech.

REUTERS/Albert Gea

Via des photo-montages, des partisans de Daech s’en sont pris à Messi et Deschamps, rappelant que le monde du foot est l’une des cibles du groupe djihadiste.

Il apparaît en tenue de prisonnier, menotté, une arme braquée sur lui. Sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps est mis en scène dans un photo-montage repéré samedi par l’agence américaine SITE Intelligence Group, spécialisée dans la veille de vidéos propagées par des groupes terroristes islamistes. « Nous allons continuer à vous terroriser et à ruiner vos vies », est-il écrit en légende de cette affiche diffusée par la Wafa Media Foundation, une branche non-officielle de Daech qui regroupe certains de ses partisans.

Quatre jours plus tôt, Lionel Messi était lui aussi visé par des menaces similaires. Dans un montage relayé là encore par la Wafa Media Foundation, la star du Barça et de la sélection argentine était grimé en détenu, derrière des barreaux, du sang coulant de son oeil gauche. L’affiche était accompagnée du message suivant: « Vous combattez un État qui ne connaît pas le mot échec. »

Si la paternité de ces montages ne revient pas donc pas à l’organisation terroriste, les message envoyés doivent être pris au sérieux, estime Romain Caillet*, spécialiste de la mouvance djihadiste. « À travers ces photos, les soutiens de l’État islamique (EI) annoncent leur souhait de voir des attentats contre le Mondial de foot 2018 en Russie auquel participera notamment Messi. Il me paraît évident que l’EI prendra ensuite le relais et appellera lui-même à s’attaquer à cette compétition », confie-t-il à L’Express.

Des événements médiatisés

Ce n’est pas la première fois que des événements footballistiques sont visés par de telles menaces. En juin 2016, le djihadiste Larossi Abballa, auteur des meurtres des policiers Jean-Baptiste Salvaing et de son épouse Jessica Schneider, avait assuré que l’Euro serait « un cimetière » dans une vidéo tournée au domicile des victimes. Des propos qui rejoignent ceux qu’aurait tenus Mohamed Abrini, « l’homme au chapeau » suspecté d’avoir aidé à préparer les attaques de Paris et de Saint-Denis en 2015, ainsi que celles de Bruxelles en 2016.

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Selon les révélations de France Inter en juin dernier, il aurait confié aux juges la volonté de Daech de frapper l’Euro 2016, soit sept mois après les attaques du 13 novembre 2015, qui avaient vu trois kamikazes se faire exploser au Stade de France où se déroulait une rencontre amicale entre la France et l’Allemagne. « Ce choix de cible n’est pas étonnant. Ce sont des événements qui rassemblent beaucoup de monde et qui sont hyper médiatisés. En s’y attaquant, l’EI sait qu’il peut propager un sentiment de peur dans la population et provoquer un écho retentissant », souligne Romain Caillet.

Foot autorisé, règles de la Fifa interdites

« Les footballeurs peuvent également être des cibles à part entière dès lors qu’ils sont idolâtrés et que l’EI considère qu’ils diffusent la propagande de l’Occident », poursuit-il. Selon lui, la pratique du foot n’est pas pour autant interdite sur les territoires contrôlés par l’EI, notamment en Irak et en Syrie, tout du moins pas totalement. « Jouer au foot est autorisé, mais pas selon le règlement de la Fifa. Il existe des écrits de l’EI dans lesquels il est notifié que les lois de la Fifa sont proscrites parce qu’elles sont illégitimes et contraires à la loi islamique. Les coup-francs et les cartons sont par exemple bannis », indique le chercheur français.

« C’est donc faux de penser que les djihadistes ne peuvent absolument pas jouer au foot. Ils ont leurs propres règles. Les locaux ont aussi le droit de taper dans le ballon, y compris les jeunes. » Il leur est toutefois interdit de revêtir certains maillots. En septembre 2016, l’agence Memri, qui recense les actions extrémistes à travers le monde, révélait que Daech avait publié une liste de maillots de clubs et de sélections nationales, sponsorisés par Nike et Adidas, dont le port était strictement prohibé. Tout contrevenant s’exposait à une peine de quatre-vingts coups de fouet.

Arbitres bannis

« Pour l’EI, porter ces maillots, c’est une façon d’idolâtrer des mécréants. Les djihadistes sont par ailleurs opposés aux divinités. Or la marque Nike fait référence à Athéna Niké, la déesse grecque de la victoire. Ça n’empêche pas pour autant certains djihadistes de porter du Nike, ils se justifient en expliquant que personne ou presque n’associe aujourd’hui la marque à Athéna Niké », note Romain Caillet, qui précise que la police religieuse de Daech, la « Hisbah », traque aussi ceux qui ont des maillots dont les écussons sont ornés de croix religieuses. C’est par exemple le cas du FC Barcelone et de l’équipe nationale du Portugal.

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En début d’année, le Real Madrid, en accord avec son partenaire Marka, a de son côté fait le choix de retirer la croix qui surplombe son logo sur ses maillots commercialisés dans six pays du Golfe: Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Qatar, Koweït, Bahreïn et Oman, pour tenir compte des sensibilités culturelles des populations des États concernés. Au-delà des maillots, Daech interdit également les arbitres de ses terrains parce qu’ils appliquent les préceptes de la Fifa. Pour les djihadistes, les cas de violences lors d’un match de foot ne doivent pas être réglés par un arbitre, mais selon les lois de la charia.

La sécurité, enjeu du Mondial

Les textes de Daech stipulent aussi que les cafés ne doivent pas retransmettre les matchs de foot, considérés comme des armes de distraction, même si des permissions peuvent être accordées. Daech profite en revanche parfois de certaines rencontres pour relayer des vidéos ou des messages sur les réseaux sociaux. « Pour qu’une vidéo touche le plus grand monde, ils vont la poster sur Twitter en l’associant au hashtag d’un match important. L’EI a toutefois de moins en moins recours à ce type de méthode et se fait plus discret sur ces réseaux que par le passé », constate Romain Caillet.

« Mais ça pourrait reprendre en vue du Mondial 2018 », précise-t-il. Comme lors de l’Euro, la sécurité sera l’un des enjeux majeurs de la Coupe du monde en Russie, programmée du 14 juin au 15 juillet 2018.

* Romain Caillet est co-auteur du livre Le combat vous a été prescritpublié aux éditions Stock avec le journaliste Pierre Puchot 

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