La défaite des armées françaises en mi-juin 1940, a des conséquences immédiates en Provence et à Marseille. La population augmente brutalement avec l’arrivée des réfugiés français et étrangers qui fuient l’avance allemande.

L’État français impose sa politique de « Révolution nationale » : la municipalité phocéenne est dissoute et remplacée, les opposants sont pourchassés, de nouvelles organisations comme la Légion française des combattants quadrillent la ville.

 

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MARSEILLE évacuation le 23 Janvier 1943 par Josepha_Coccinelle

 

Les « indésirables » juifs, tsiganes, francs-maçons sont exclus de la vie sociale. Pendant l’été 1942, l’État français livre les Juifs étrangers de zone libre aux nazis.

Les Allemands obtiennent d’importantes livraisons de marchandises arrivées par le port de Marseille et des contingents d’ouvriers partent travailler outre-Rhin. Les restrictions alimentaires contribuent à détacher du régime beaucoup de Marseillais qui ont pourtant accueilli avec beaucoup de chaleur le Maréchal en décembre 1940.

Les juifs sont en plein désarroi devant les mesures antisémites, comme le Statut des juifs qui laisse de nombreux juifs sans emploi et celle des professions, la loi du 4 octobre 1940, loi d’internement des juifs étrangers dans des camps spéciaux et celle du 7 octobre 1940, l’abrogation du décret Crémieux.

Les juifs qui sont attachés à la France, se déclarent par civisme. Le grand rabbin Hirschler organise les aides à la communauté.

Des associations non juives comme la Cimade, organisation protestante, les Quakers, viennent en aide aux juifs qui, à cause du Statut des juifs, ont perdu leur emploi. La presse antisémite s’est installée à Marseille.
On peut résumer l’histoire des résistants juifs marseillais en quatre temps.

 

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Les sanglots longs des violons

En premier lieu, dès l’automne 1940 se constitue un groupe de Juifs venant de Paris autour des militants comme Abraham Hacham, Hélène Faich et le rabbin Shneerson.

L’un des rôles de ce noyau est de développer les contacts avec les réfugiés internés dans les camps de la zone sud.

Puis en 1941, l’activité de la MOI va se structurer. Adam Rayski venu de Paris, fonde cette année-là le groupe Solidarité. Mila Diameat organise le groupe de sabotage FTP-MOI de la mine de Biver.

Ensuite, en 1942, il y a le passage à l’action du groupe FTP-MOI, c’est le détachement Marat.

Le second groupe, formé en juin 1942, comprend exclusivement des immigrés juifs, tels Boris Stserban, alias Jeannot, Lev Tchernine, Fernand et Anna Gothenberg.

Trois jours après l’invasion de la zone non occupée, le 11 novembre 1942, les Allemands entrent à Marseille.

La détermination nazie repose sur la volonté d’accélérer la réalisation de la Solution finale, ordonnée à la conférence de Wannsee.

En décembre 1942, le tampon « JUIF » est apposé sur les papiers d’identité.

La Gestapo et la Milice traquent les juifs. Un groupe de résistants juifs organise l’attentat du 3 janvier 1943 contre l’hôtel Splendid où siège la commission mixte germano-italienne.

Six mois après la rafle du Vélodrome d’Hiver, suivie de celles effectuées par la police française en zone dite libre l’été 1942, une opération d’envergure de la police allemande en France, les mesures d’évacuation des quartiers du Vieux-Port et du Panier.

Du 22 au 29 janvier 1943, une action conjuguée est menée par la police française et la Gestapo allemande dont le siège se situe au 425 rue Paradis.
Du 22 au 29 janvier 1943, des milliers de personnes sont arrêtées et passent devant une commission de criblage aux Baumettes.

 

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Arrestation des juifs à Marseille

 

Les suspects sont envoyés en gare d’Arenc, puis à Compiègne. Puis, les habitants du vieux port sont évacués par des policiers et des soldats allemands à Fréjus.

Sur 20 000 raflés, 5 000 peuvent rentrer à Marseille. D’autres partent en wagon à bestiaux pour Compiègne, Drancy, Sobibor. Le quartier du vieux port est dynamité. 2000 personnes sont déportées et la plupart d’entre elles sont juives (1642).

Sur plus de deux mille personnes emmenées à Compiègne, seules quarante-deux reviendront. Un juif sur cinq a été déporté de Marseille.

 

Victor et Roxane Algazi, témoignages

La rafle de l’Opéra, du 22-23 janvier 1943 eut lieu un soir de Shabbat, contre les juifs français et étrangers habitant le centre ville autour de l’Opéra et dans les rues adjacentes, mais aussi sur la Canebière, le Cours Belsunce, la rue Longue des Capucins, la rue Colbert, la Porte d’Aix, les quartiers Saint-Lazare, Longchamp, jusqu’à la Belle-de-Mai. La gare était surveillée et les voyageurs contrôlés. Déjà, depuis le matin, les boulevards montant vers la gare avaient été bouclés.

Certains témoins, dont je suis, ont eu la chance d’être sauvés, grâce au hasard ou à l’action d’hommes et de femmes compatissants.

Ce 22 janvier, il est plus de minuit. On tape violemment à notre porte du 3eétage droite de l’immeuble, sis, 11, rue Saint Saëns. Ma mère, Louna, née Léon épouse Algazi, veuve depuis le 14 novembre 1940, ouvre la porte, tremblante. Un homme en civil, un inspecteur de la police française de Vichy : « Vos papiers ! ». Il y voit « Juif » perforé sur la carte d’identité mais aussi le lieu de naissance, Smyrne en Asie Mineure.

Il entre et repousse la porte entrebâillée. Il nous confie connaître la région des Dardanelles et avoir gardé un bon souvenir de là-bas : « Votre mari ? », réponse : « Je suis veuve, je vis avec mon fils Victor, âgé de 13 ans et demi ».

Des bruits de pas dans l’escalier ; ce sont les voisins Arouto ? Léon ? Mechoulam ? Cohen ? l’Inspecteur nous recommande de ne plus ouvrir à quiconque, d’éteindre la lumière et de ne plus bouger pendant 24 heures. Encore des bruits de pas dans les escaliers. Puis des coups violents et redoublés à notre porte. Il me semble, soixante ans après, encore entendre sa voix : « Ici, c’est fait. Ils sont descendus ».

Ma mère et moi avons eu beaucoup de chance, car pendant cette nuit là, rafles et visites domiciliaires ont entraîné l’arrestation et la conduite aux Baumettes de 1 865 personnes. J’ai eu beaucoup de copains, camarades de classe, de l’école de la rue de la Paix, déportés. Je pense à Roger Habboute qui habitait 18, rue Corneille, à la famille Arrovas, mise en résidence surveillée au Château de la Verdière.

Cette pauvre femme, mère de 8 enfants, a été déportée avec ses enfants en bas âge. Seules deux filles ont survécu : Victoria et Esther. C’était selon l’humeur des GMR (Gardes mobiles de réserve). Ils embarquaient le fils et pas le père, le père et pas le fils. Le quartier de l’Opéra était devenu malsain. Tout le monde évitait le centre ville parce qu’il y avait les dénonciations, les contrôles, les rafles. Chacun pensait partir. Certains allaient se réfugier aux Camoins, à la Millière. Mais aller où ? Avec quels moyens ?

Des amis arméniens nous ont dit : « Venez chez nous. Les persécutions, on sait ce que c’est. » On est monté à pied, évitant les barrages jusqu’à La Gavotte. On n’avait pas voulu prendre de moyens de transport (le tram) parce qu’ils contrôlaient les papiers à des points stratégiques. Il y avait souvent des rafles devant les cafés, les cinémas sur la Canebière, par des Français de la Milice en uniforme qui collaboraient avec la Gestapo.

On n’avait plus rien, plus de cartes d’identité, plus de cartes d’alimentation, frappées du tampon « Juif » perforé ou à l’encre rouge indélébile (ils nous attendaient pour le renouvellement et pour nous rafler).

Nous sommes restés à la Gavotte, où j’ai vécu jusqu’à la Libération. Je n’ai jamais eu de faux papiers, ni de faux actes de baptême catholique. À la cathédrale, l’abbé Cas, un homme remarquable, un Juste qui a sauvé tant de vies humaines, m’avait proposé un acte de baptême. J’ai refusé. Je voulais vivre la vie telle que je devais la vivre. Avec ma mère, on avait pris la décision de dire qu’on avait perdu nos papiers d’identité.

À la Gavotte, on dormait à six dans une pièce minuscule. Notre amie s’appelait Caroline Kaldiremdjian. Elle est morte à plus de 100 ans. C’était une « Ankarali ». Elle appartenait à ces Arméniens d’Ankara qui ne pouvaient parler l’arménien, sinon on leur coupait la langue.

Alors, après deux ou trois générations, ils ne parlaient que le turc. Caroline avait un cœur d’or. Je la revois se roulant de maigres cigarettes avec un tabac douteux. Elle se mettait sur le divan. Elle était insomniaque et toute la nuit elle chantait, fredonnait de belles chansons en turc. Moi, je l’écoutais religieusement, résistant à l’envie de dormir. Pour moi, c’était ma grand-mère. Elle me disait en turc, « Ie, oloum Ie » (mange mon fils, mange). Manger quoi ?

Je mangeai le morceau de pain dont elle se privait. N’ayant plus de cartes d’alimentation, elle allait mendier auprès de sa famille de la colonie arménienne quelques grains de blé. Comme tous les Orientaux, avec un pilon, elle en enlevait le son, pour en faire une farine. Elle arrivait à faire des genres de crêpes qu’elle passait au four pour pouvoir me nourrir.

Un matin, j’entends Caroline dire : « American, var ? » (Il y a des Américains ?). Je sors. Erreur. C’était des soldats allemands. Le canal de Marseille longeait la maison de Caroline. Les soldats arrivaient, je me suis jeté dans le canal, nageant malgré un fort courant. J’ai essuyé des tirs, mais j’ai pu m’échapper.

Nous avons dû quitter la maison de Caroline, pour aller vers une autre famille arménienne qui nous a hébergés, la famille du bottier Haigaz, toujours à la Gavotte.

Avec mon ami Marius, j’ai fait connaissance du boucher de la Gavotte, qui m’a enrôlé, comme estafette pour la résistance. Puis, est venue la Libération par les Tabors marocains, dont un est tombé devant moi, atteint par une balle. Et, lors d’un bombardement, la DCA du Moulin du Diable ripostant, un éclat d’obus m’a frôlé à quelques centimètres de la tête. J’ai eu de la chance.

Les parents de ma femme ont eu moins de chance. Roxane a vu son père Isidore Matalon descendre, en pyjama, l’escalier étroit du 25, rue Glandevès et suivre la police française pour « un simple contrôle de papiers » vers minuit, le 22 janvier 1943.

Quatre mois plus tard, c’est sa mère qui sera arrêtée après avoir été convoquée à la rue de la Joliette pour apporter un colis de secours à son père. Les Allemands l’y attendaient et l’ont conduite à la prison Saint-Pierre où Roxane a pu la voir pour la dernière fois. Elle lui a demandé d’aller à la Gestapo, rue Paradis, récupérer les papiers. Elle avait 12 ans et raconte : « J’ai entendu des gens crier dans les caves, je ne comprenais pas. On les torturait. Je me suis retrouvée devant un Allemand qui hurlait : « Juden, Kaputt ». C’est une femme qui était en relation avec les Allemands qui l’a sortie de là. Elle est alors restée seule avec sa grand-mère âgée et ses deux frères : Sauveur, 7 ans et Élie, 5 ans. Elle s’est réfugiée au 12, rue Corneille dans l’appartement délaissé de sa tante Daisy, réfugiée avec ses trois enfants dans le centre de la France. Cachée dans une cave du cours Pierre Puget (dans l’immeuble de l’Automobile Club de France) puis au tunnel du carénage, accompagnée de ses frères et de la grand-mère, elle passera le temps de la guerre dans la clandestinité et la faim. Ils avaient déchiré leurs cartes d’alimentation portant l’inscription : « Juif ».

Je pense sans cesse à mon histoire, à celle de ma famille, et à celle de mes cousins, Mizrahi, Behar, qui ne sont jamais revenus. À la famille de ma femme, Isidore Matalon et Lucie Matalon, au grand-père Eliezer Barzilai, arrêté à Hanoukka 1943 à la synagogue Breteuil et déporté à Auschwitz.

Il faut savoir que le 23 mars 1943, le convoi n° 52 a emporté 639 hommes et 355 femmes, une grande partie des juifs de Marseille. Ils seront acheminés sur le camp de Sobibor : aucun survivant.

Et, le 25 mars, le convoi n° 53 emporte 1 000 déportés : 527 hommes et 472 femmes (dont 580 Français) et 120 enfants de moins de 17 ans : 5 survivants.

Ces hommes et ces femmes sont en grande majorité français originaires d’Oran, Tlemcen, Alger, du Maroc et de la Tunisie.

Les Français par mariage ou naturalisation viennent de Salonique, de Smyrne, d’Istanbul, de Grèce, de Turquie, de Bulgarie. Les étrangers, du moins ceux qui le sont encore, appartiennent à la même communauté judéo-espagnole. Ils apparaissent en tant que citoyens hellènes ou turcs ou apatrides. Les juifs allemands, autrichiens, ou polonais représentent une petite minorité par rapport au nombre impressionnant de juifs marseillais anciennement établis dans notre ville.

Suzette Hazzan

La cérémonie commémorative des Rafles de l’Opéra et du Vieux Port aura lieu cette année le dimanche 21 janvier 2018.

  • 10H00 Monument de la déportation, anciennement place Daviel
  • 11H00 Parvis de l’Opéra

Vendredi 22 et samedi 23 janvier 1943, 5956 personnes sont arrêtées, 1642 envoyées directement à la prison des Baumettes dont 782 juifs acheminés dès le matin du 24 au camp de Compiègne, aucun n’est revenu du camp de Sobibor.

 Le Crif Marseille Provence

Adaptation par H.G

 

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SAPORTA ALAIN

Dans la vidéo sur la destruction du veux quartier du panier de Marseille il y a une séquence ou on voit une porte de wagon ouverte et ou monte des juifs sous le regard des allemands c’est mon père RAOUL SAPORTA qui se trouve dans l’encadrement a gauche de ce wagon et qui partira vers les camps nazis
Comment est il arrivé la ho! c’est très simple c’est LA POLICE FRANÇAISE avec zèle et non les allemand qui sont venus le prendre dans notre appartement heureusement que ma mère a pris une valise ma sœur d’une main et moi de l’autre pour un long voyage a travers la France dite libre pour nous sauver ma sœur et moi nous cachant dans de villages en villages jusqu’au moment ou de bon français nous dénonces par des lettres anonymes envoyées en mairie ou vers la gendarmerie
Alors dire que le gouvernement de Vichy et les «  »Patriotes » » n’était pas au courant c’est prendre les Français pour des imbéciles
D’autant qu’a la libération le nouveau régime du général De gaule avait besoin de fonctionnaires pour faire fonctionner le pays et que de nombreux collaborateurs y compris dans les préfectures la police et d’autres administrations sont restaient à leur postes bien au chaud un exemple un certain préfet ami du d’un Président de la république et tant d’autres
Alors moi Alain Saporta fils de déporté navré de ne pas abonder en plaignant ces salopards de collaborateurs de la première heure et bien sur des soit disant résistants de la dernière heure
Mes Amis si demain une autre période identique viendrait à voir le jour en Europe avec bien sur d’autres couleurs de vert et de gris d’uniformes regarder derrière vous votre meilleur voisin et ami c’est lui qui sera votre délateur rien ne change
j’ai aujourd’hui 78 ans et malheureusement je ne suis pas optimisme sur le futur alain