French President Emmanuel Macron (L) and Chinese President Xi Jinping (R) stand to inaugurate the first meeting of the French-Chinese business council in Beijing January 9, 2018. Picture taken January 9, 2018. REUTERS/Ludovic MARIN/Pool

La visite du président de la République en Chine est l’occasion de réfléchir sur la place de la Chine dans le monde. Beaucoup y voient une combinaison d’opportunités et de menaces.

French President Emmanuel Macron (L) and Chinese President Xi Jinping (R) stand to inaugurate the first meeting of the French-Chinese business council in Beijing January 9, 2018. Picture taken January 9, 2018. REUTERS/Ludovic MARIN/Pool

Nous irons plus loin: le monde ne peut se permettre de voir la Chine en difficulté. Notre intérêt est de soutenir ce pays tout en restant fidèles à nos principes.

 Une Chine non « harmonieuse » aurait un impact particulièrement destructeur sur le monde de par sa taille. Les conséquences de difficultés chinoises sur le monde seraient de trois ordres: économique, géopolitique et environnemental.

Le FMI estime la part de l’Empire du Milieu dans la croissance mondiale à près de 39% en 2016. Une croissance chinoise à la baisse pourrait entrainer une récession à l’échelle planétaire.

La Chine étant le premier acquéreur de bons du Trésor américain, des difficultés économiques pourraient avoir un effet domino. D’un point de vue géopolitique, beaucoup imaginent qu’une Chine en difficulté se replierait sur elle-même. L’inverse est plus probable: les dirigeants chinois, face à un horizon difficile, auraient besoin de fédérer la population autour d’un ennemi commun.

Et la population chinoise étant homogène, cet ennemi serait l’étranger. Entre 1949 et 1976, sous le règne de Mao, la Chine a été dans une situation économique difficile et une grande pauvreté après le Grand Bond en avant. C’est précisément durant cette période que la Chine a été la plus belliqueuse avec ses voisins, avec l’URSS, le Vietnam ou l’Inde.

Enfin, et c’est probablement le plus profond des dangers, une Chine en crise ne verrait plus la protection de l’environnement comme décisive. L’impact sur le long terme serait irrémédiable, et nous en paierions tous les conséquences.

Nous pouvons identifier trois risques majeurs: un ralentissement économique, une insatisfaction sociale et des problèmes environnementaux.

L’économie chinoise doit créer suffisamment d’emplois pour absorber les nouveaux entrants qui arrivent en masse sur le marché du travail chaque année. L’enjeu est économique, mais également social: le système de sécurité sociale est encore essentiellement familial. Les enfants subviennent aux besoins de leurs parents.

Du fait de la politique de l’enfant unique, un couple doit pouvoir supporter 4 grands parents et un enfant, soit au moins 7 personnes. Si la croissance chinoise n’offre plus de perspectives d’augmentation de niveau de vie, les classes moyennes tomberaient dans une situation précaire et leur insatisfaction pourrait conduire à la faillite du système politique.

Si la Chine n’est pas une démocratie au sens occidental du terme, le gouvernement tire sa légitimité du peuple et de sa réussite passée. Le peuple pèse de fait d’un certain poids sur nombre de décisions. Internet a créé un espace d’expression ; on a déjà pu en mesurer les effets.

Des fonctionnaires locaux ont été limogés, voire arrêtés, pour corruption, après que des internautes ont affiché sur internet les articles de luxe visibles sur photo et dont le coût était supérieur à leur salaire annuel…

La censure existe, mais elle est essentiellement faite en réaction ; les contenus subversifs sont retirés une fois affichés et rendus visibles. Le gouvernement est donc condamné à améliorer les conditions de vie.

Ceci est d’autant plus vrai qu’une grande partie de la population, en particulier dans les campagnes, en est encore à subvenir à des besoins fondamentaux: se nourrir, se loger, se soigner. Reconnaissons au passage l’exceptionnel progrès depuis l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping en 1978. Nous oublions parfois les améliorations en matière de niveau de vie, de droits, de liberté de mouvement, d’éducation et de droit des femmes. Et ceci sans passer par une révolution sanglante.

Le dernier risque est environnemental. Il le plus difficile à contrôler. Les Chinois commencent en effet à se plaindre de la pollution ; des cancers du poumon ont été diagnostiqués chez de jeunes enfants à Pékin. La population pourrait se retourner contre le gouvernement, lequel est face à une situation compliquée: comment améliorer la situation environnementale sans nuire à l’emploi…

Comment envisager nos relations avec la Chine dans cette perspective? Sans transiger avec nos valeurs humanistes, notre intérêt est de soutenir et d’accompagner la Chine sur la voie de la modernisation économique, politique et sociale.

Sans faire œuvre de complaisance, il faut cependant reconnaître la difficulté de la tâche et ne pas céder aux excès dans les recommandations que nous pouvons leur faire. Ce conseil est valable pour notre classe politique, mais aussi aux intellectuels et journalistes. L’attitude d’Emmanuel Macron en matière de droits de l’homme à Pékin a été judicieuse ; il vaut mieux évoquer ce genre de question en privé que devant les caméras.

Ceci est d’autant plus vrai que nous savons comment les autorités chinoises réagissent face aux « conseils » en matière de droits. Il s’ensuit une crispation et un retour en arrière. Je vivais en Chine lors de la remise du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo.

Si les motivations du comité Nobel étaient nobles, et si Liu Xiaobo méritait le prix, l’effet sur la population chinoise fut négatif. La censure d’internet fut renforcée peu de temps après. Et ceci fut d’autant plus dommageable que la situation, jusqu’à 2012, allait s’améliorant.

Prendre en compte la réaction des autorités chinoises n’est pas tout excuser. Mais quand on peut prévoir la réaction, faisons preuve de pragmatisme dans l’intérêt de la population chinoise.

La France a une carte particulière à jouer dans cet accompagnement. Nous sommes certes relativement modestes en termes commerciaux – la France est le 13e fournisseur du pays – mais la France a une capacité de rayonnement et de projection. Quand la France parle, le monde écoute. Ceci nous confère une grande responsabilité et en même temps nous offre une formidable opportunité vis-à-vis de la Chine.

Nous avons besoin d’une Chine qui réussit. Mieux, le monde peut bénéficier d’une Chine forte. Il n’est pas sain d’avoir un seul pays, les Etats-Unis, qui exerce unilatéralement une hégémonie.

La nouvelle administration a annoncé un repli américain, mais ne nous trompons pas: les Etats-Unis restent la principale puissance économique, technologique et culturelle. Une voix chinoise forte apporte une pluralité dont le monde a grand besoin.

Emmanuel Straschnov Fondateur de Bubble

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