L’Islande, Israël et les Juifs : bilan globalement négatif©

L’Islande, Israël et les Juifs : bilan globalement négatif

Chaque fois que les médias mentionnent l’Islande en lien avec la question d’Israël, c’est généralement pour signaler des nouvelles négatives. Un nouveau développement concerne une pétition qui circule dans le pays pour ne pas participer au concours de l’Eurovision, qui aura lieu l’année prochaine en Israël. Jusqu’à présent, cette pétition a reçu plus de 18 000 signataires[1]. C’est important dans un pays qui compte seulement environ 350 000 habitants. (Apparemment, le producteur national a néanmoins l’intention de participer au programme Eurovision[2].)

Il est difficile de trouver, dans toute l’histoire de l’Islande, plus d’une occasion importante où elle a joué un rôle positif pour Israël ou les Juifs. Le représentant de l’Islande à l’ONU, l’ambassadeur Thor Thors, était le rapporteur du Comité spécial sur la Palestine de 1947 (UNSCOP). Ce comité a recommandé de diviser le mandat britannique en deux États, un juif et un arabe[3]. Dans son autobiographie, Abba Eban rapporte que Thors a été «magnifique» en présentant la recommandation à l’Assemblée générale où le vote devait avoir lieu[4] .

En 2015, le conseil municipal de Reykjavik, la capitale de l’Islande, a décidé de boycotter les produits israéliens. Une semaine plus tard, le maire de Reykjavik, Dagur B. Eggertsson, a modifié la proposition afin que la ville ne boycotte que les biens produits dans les zones réputées «occupées»[5]. Les membres du Conseil ont déclaré que le boycott était un acte symbolique conçu pour soutenir l’Etat palestinien et condamner la politique (présumée) « d’apartheid » d’Israël.

Le ministère islandais des Affaires étrangères a déclaré que la décision du conseil municipal n’était pas conforme à la politique du pays. Yair Lapid, chef du parti israélien Yesh Atid et ancien ministre des Finances, a réagi en demandant entre autres si le boycott comprenait Microsoft Office, les téléphones portables, les caméras et Google, qui contiennent tous des éléments produits en Israël. Lapid a ajouté que si la réponse à toutes ces questions est oui, il leur souhaite une vie agréable jusqu’à leur infarctus malheureusement inévitable, car les stimulateurs cardiaques sont aussi une invention israélienne[6].

Pour un si petit pays, l’Islande a causé beaucoup de méfaits internationaux au cours de ce siècle. Il a fait la une de la presse internationale en 2008 d’une manière importante quand il a subi un effondrement bancaire systématique. Selon The Economist, Compte tenu de la taille relative de son économie, son effondrement financier était le plus important jamais enregistré de par le monde[7].

En 2011, le parlement islandais a été le premier pays d’Europe occidentale à reconnaître un État palestinien[8]. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Ossour Skarphedinson, était extrêmement anti-israélien[9]. L’Islandaise Birgitta Jonsdottir a été la première députée de tous les pays à rendre visite aux participants de la deuxième flottille ratée de Gaza[10].

L’attitude de l’Islande à l’égard des Juifs, aussi bien récemment que par le passé, peut être qualifiée de pitoyable. La dernière mesure radicale, cette année, était une proposition d’être le premier pays en Europe à interdire la circoncision[11]. En plus des politiciens, 400 médecins ont soutenu le projet de loi[12].

L’Islande s’est attirée beaucoup d’attention publique et une réprobation internationale à cet égard. Reinhard Marx, cardinal de Munich et président de la Commission des conférences épiscopales de la Communauté européenne, a dénoncé le projet de loi comme une atteinte à la liberté religieuse. L’évêque de l’Église nationale d’Islande a déclaré que l’interdiction pourrait criminaliser le judaïsme et l’islam dans ce pays et entraîner l’exclusion des personnes qui adhèrent à ces religions[13].

Le principal représentant républicain et démocrate du Comité des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis a exhorté l’Islande à ne pas soutenir le projet de loi. Ils ont écrit à l’ambassadeur islandais à Washington : «Bien que les populations juives et musulmanes en Islande soient modestes, l’interdiction de votre pays pourrait être exploitée par ceux qui attisent la xénophobie et l’antisémitisme dans des pays plus diversifiés. Les rabbins ont annoncé qu’ils avaient réussi à convaincre les médecins, les universitaires et les chefs d’organisations  de toutes confessions  pour qu’ils désignent cette proposition comme  «antisémite».

Il y a bien d’autres exemples de comportement antisémite dans le passé de l’Islande. L’Islande a apporté un refuge chaleureux au Nazi Estonien et criminel de guerre Evald Mikson. A la fin des années 1980, le chasseur de Nazi Ephraim Zuroff a tenté de déférer Mikson devant les tribunaux, pour son implication dans le meurtre de Juifs en Estonie. Cela a débouché sur des attaques contre Israël dans les médias islandais. Le gouvernement du pays a mis plus de dix ans, après les appels initiaux de Zuroff pour mettre sur pied une commission afin d’enquêter sur les crimes de guerre de Mikson. Ce n’est qu’après sa mort que les enquêteurs ont effectivement « découvert » qu’il avait bien commis des atrocités[14].

En 2004, l’Islande a offert l’asile à Bobby Fischer, l’ancien champion du monde d’échecs , Juif, mais extrêmement antisémite. En 2004, il a été arrêté au Japon et détenu pendant plusieurs mois pour avoir utilisé un passeport révoqué par le gouvernement américain. Fischer luttait contre son l’extradition aux États-Unis[15]. Finalement, il a reçu un passeport islandais et la citoyenneté grâce à un acte spécial de l’Althing, le parlement islandais. Cela lui a permis de vivre en Islande jusqu’à sa mort en 2008. En aparté, il a fait l’éloge des attentats du 11 septembre.

Vilhjalmur Örn Vilhjálmsson, un expert de l’histoire du pays à l’égard des Juifs, a décrit de nombreux cas d’antisémitisme en Islande au cours des siècles[16]. Un exemple concerne la déportation en 1938 d’un réfugié juif allemand ruiné au Danemark. Les autorités islandaises ont alors offert de couvrir tous les coûts de son expulsion vers l’Allemagne nazie si le Danemark lui refusait l’entrée[17]. Des décennies après la guerre, des cas similaires ont émergé en surface.

Vilhjálmsson a également publié le fait que plusieurs membres islandais de la Waffen SS se sont battus pour l’Allemagne nazie, et d’autres ont servi dans des camps de concentration. Il a ajouté qu’après la guerre, divers anciens membres du parti nazi d’Islande « ont rapidement atteint des postes élevés dans la société, y compris quelques nominations aux fonctions de chefs de police, un directeur de banque et quelques médecins ».

L’antisémitisme islandais se poursuit toujours. Chaque année, pendant la période du Carême avant Pâques, des hymnes quotidiens pleins de haine envers les Juifs sont lus par des citoyens distingués et diffusés sur la radio publique islandaise. Ces textes ont été écrits au 17ème siècle – de nombreuses années avant que les premiers Juifs n’arrivent dans le pays – par le prêtre chrétien poète et antisémite Halgrimur Petterson. Un hymne, intitulé « La demande de crucifixion », est rédigé comme suit : « Les dirigeants juifs décident tous que Jésus doit être crucifié. Le prince de la vie doit être leur proie. Le meurtrier mis en liberté. »En 2012, le Centre Simon Wiesenthal a tenté en vain de mettre un terme à cette pratique odieuse[18].

Un émissaire Chabad est récemment arrivé en Islande et une maison Chabad s’est établie à Reykjavik. C’est la première institution juive permanente dans le pays. L’estimation la plus élevée du nombre de Juifs dans le pays se situe entre 100 et 250, une présence minuscule. On ne peut qu’espérer que le nouvel émissaire ne sera pas soumis à des abus[19].

Par Manfred Gerstenfeld

Cet article est d’abord paru au Centre Begin-Sadate : besacenter.org/perspectives-papers/iceland-israel-jews/

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

————————-

[1] www.euronews.com/2018/05/16/over-18-000-people-sign-petition-calling-on-iceland-to-boycott-israel-eurovision

[2] www.timesofisrael.com/defying-boycott-call-iceland-says-it-will-take-part-in-jerusalem-eurovision/

[3] http://zion.is/english/Speech_by_Thors_26_nov.htm

[4] http://zion.is/english/Present_at_the_birth_1947engl.htm

[5] www.timesofisrael.com/iceland-capital-retracts-decision-to-boycott-israel/

[6] Ibid.

[7] www.economist.com/briefing/2008/12/11/cracks-in-the-crust

[8] www.theguardian.com/world/2011/nov/30/iceland-recognises-palestinian-state

[9] www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-4097047,00.html

[10] Ibid.

[11]

[12] http://icelandreview.com/news/2018/03/29/focus-iceland-plans-ban-circumcision; http://icelandreview.com/news/2018/02/19/bill-proposes-banning-circumcision; http://icelandreview.com/news/2018/02/22/over-400-doctors-support-circumcision-ban

[13] www.timesofisrael.com/leading-us-house-members-urge-iceland-to-back-down-on-circumcision-ban/

[14] http://jcpa.org/article/iceland-the-jews-and-anti-semitism-1625-2004/

[15] www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A5887-2004Dec16.html

[16] www.jcpa.org/phas/phas-vilhjalmur-f04.htm

[17] Ibid.

[18] Letter from Rabbis Abraham Cooper and Marvin Hier from the Simon Wiesenthal Center to Iceland’s Radio & TV Director Pall Magnusson, February 23rd, 2012.

[19] https://www.jpost.com/Opinion/No-Holds-Barred-The-chosen-people-and-the-frozen-people-560284

---